Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, voilà que revient devant nous l’un des textes majeurs de cette législature, dont le passage au Sénat a fait quelques frayeurs aux parlementaires des outre-mer. Si vous le permettez, je focaliserai mon intervention sur un point fondamental du texte pour les zones non interconnectées, à savoir la contribution au service public de l’électricité – la CSPE – et la péréquation tarifaire.
Mais, avant tout, je souhaiterais remercier chaleureusement ma collègue Erika Bareigts, ainsi que les membres de la délégation à l’outre-mer, qui se sont battus – et le mot est faible – pour que soit préservé ce qui n’est rien de moins que l’un des fondements du modèle social français. La péréquation tarifaire, financée par la CSPE, permet en effet à tous les citoyens, où qu’ils se trouvent sur le territoire de la République, de bénéficier du même prix pour l’électricité. Son impact économique est primordial pour les territoires d’outre-mer, puisque, pour chaque euro consommé facturé à un ultramarin, 2 euros sont fournis par la solidarité nationale par son intermédiaire. Je voudrais insister sur le fait qu’il s’agit bien de solidarité nationale, et non d’assistanat, comme certains ont voulu l’insinuer à l’occasion de débats houleux, que ce soit au Sénat, en commission, ou encore dans les cabinets ministériels.
Chers collègues, il faut que nous comprenions bien que, derrière la question du maintien en l’état du régime de la CSPE, se profile toute notre politique de lutte contre les graves difficultés que rencontrent des milliers de nos concitoyens d’ici, et surtout d’ailleurs.
Madame la ministre, vous l’avez répété à maintes reprises : votre projet ambitionne de faire de nos territoires ultramarins les fers de lance de la croissance verte, et ce, autour d’une volonté partagée d’atteindre l’autonomie énergétique en 2030. Ces objectifs ne seront certainement pas atteints sans la confiance des acteurs dans le modèle de financement des différentes actions aujourd’hui couvertes par la contribution au service public de l’électricité.
Toute autre solution qui consisterait à désolidariser la recette de la charge ferait indéniablement courir un risque d’arbitrage qui impliquerait, dans le meilleur des cas, un frein au processus de transition énergétique et, au pire, une condamnation du dispositif actuel de redistribution au bénéfice des outre-mer, avec les conséquences sociales désastreuses que cela impliquerait pour ces territoires déjà si fragilisés.
Certes, nous avons pu revenir en commission sur les dispositions initiales du texte. Mais nous ne sommes pas dupes et nous avons bien compris qu’une épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de nos territoires, à savoir la budgétisation de cette CSPE dans la prochaine loi de finances, au bénéfice exclusif du développement des énergies renouvelables. Cela reviendrait à supprimer de la solidarité nationale les modalités de compensation des autres objets aujourd’hui couverts par la CSPE, à savoir le financement des surcoûts de production dans les zones non interconnectées. Nous voilà donc à la merci du droit communautaire, alors même que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que les spécificités des régions ultrapériphériques peuvent conduire à des régimes dérogatoires au droit commun.
Il n’aura échappé à personne que le développement de nos territoires, déjà rendu difficile par l’éloignement, l’insularité et l’étroitesse des marchés locaux, serait complètement paralysé par une fragilisation soudaine des financements. En tout état de cause, si je m’étais abstenu en première lecture, du fait du manque d’ambition du texte pour la Guyane, pourtant meilleur élève de France en matière d’énergies renouvelables, je suis prêt à vous soutenir à l’occasion de cette nouvelle lecture.
Toutefois, madame la ministre, soyez assurée que je saurai observer une extrême vigilance, premièrement pour que les surcoûts de production dans les zones non interconnectées restent compensés intégralement ; deuxièmement pour que les capitaux investis dans nos territoires soient rémunérés ; troisièmement pour que le dispositif futur garantisse à toutes les parties une bonne visibilité et une parfaite sécurité financière.
Persuadé que l’ensemble de mes collègues ultramarins partagent également ces interrogations, je sais d’ores et déjà pouvoir compter sur votre perspicacité pour leur apporter les meilleures réponses possibles, et je vous en remercie d’avance.