Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du 20 mai 2015 à 15h00
Transformation de l'université des antilles et de la guyane en université des antilles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’interviens à cette tribune avec une certaine tristesse à l’occasion du deuxième examen de cette ordonnance. Et pour cause : alors que vous avez d’ores et déjà remercié la majorité pour son vote, madame la ministre, j’ai l’impression que nous nous livrons à un simulacre. C’est à mon sens d’autant plus dommageable qu’il est question d’une partie de la jeunesse des Antilles. Notre débat porte en effet sur la nouvelle université des Antilles qui, hélas, est elle-même déjà le fruit d’une scission, puisqu’elle était auparavant l’université des Antilles et de la Guyane. Comme vient de le rappeler M. Marie-Jeanne, des membres du Gouvernement ont malheureusement contribué à cette première partition déjà très regrettable. C’est un état de fait ; je n’y reviendrai pas davantage.

Une autre chose est en revanche particulièrement choquante. Lors de la première lecture qui s’est déroulée à l’Assemblée, fruit d’un travail extrêmement sérieux dans le prolongement des débats du Sénat, le précédent rapporteur, M. Christophe Premat, dont je salue le travail, avait insisté sur le fait qu’il est essentiel de donner à l’université des Antilles un bon équilibre de gouvernance. Or, pour aboutir à ce bon équilibre, il faut fixer les modalités de fonctionnement entre les deux pôles – la Martinique et la Guadeloupe – qui constituent cette nouvelle université en s’assurant que l’un et l’autre puissent désigner la personne qui les représentera dans l’équipe de direction de l’université, mais aussi veiller à l’unité dans cette nécessaire complémentarité.

Permettez-moi de revenir sur les propos de M. Yves Durand, dont je salue le travail même si je ne partage absolument pas son analyse concernant les modalités de gouvernance. Bien au contraire : je fais une analyse inverse. À mon sens, l’ordonnance qui nous est présentée aujourd’hui porte hélas en elle la future partition de l’université, qui est en quelque sorte inscrite dans le texte. En réalité, il n’est plus nécessaire d’effectuer un travail ex ante dans une équipe composée d’un président et de deux vice-présidents qui représentent chacun un pôle, en l’occurrence la Guadeloupe et la Martinique. Le fait de ne pas accomplir ce travail préalable risque à terme de produire une situation de gouvernance conflictuelle.

C’est à cela que M. Marie-Jeanne faisait explicitement référence. C’est la raison pour laquelle la proposition du Sénat était différente. C’est aussi la raison pour laquelle nous avions décidé unanimement en première lecture et en commission – M. le rapporteur l’a rappelé – de maintenir en l’état la proposition du Sénat. Le Gouvernement a souhaité qu’il en soit autrement : c’est regrettable, surtout pour la jeunesse antillaise.

C’est aussi regrettable parce qu’il existe un écart important entre certaines déclarations du Gouvernement et ses actes. Alors même que la majorité au pouvoir depuis 2012 insiste sur le développement de communautés universitaires et a martelé ici même, dans l’hémicycle, la question de la taille critique des universités, elle semble soudain y renoncer. C’est dommage : pour que l’université des Antilles puisse rayonner, son unité est indispensable. Or, l’ordonnance telle qu’elle nous est présentée ne garantira pas cette unité, bien au contraire : elle pourrait très rapidement produire le résultat inverse.

Je pose donc très simplement la question suivante : si ce texte aboutit à la situation dans laquelle les deux vice-présidents, élus par leur pôle respectif, sont en désaccord avec le président de l’université, lui-même élu de manière distincte, rien n’est prévu pour résoudre ce désaccord, qui porte en germe la potentialité d’une scission.

On a souvent insisté – y compris, ici, dans la majorité actuelle – sur le fait qu’il faut bannir tout localisme et éviter que les établissements soient soumis au joug d’influences exclusivement locales, parce que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont une vocation nationale, voire internationale. Je ne vous ferai pas l’offense de vous rappeler que le terme « université » partage une étymologie commune avec « universalisme ». Or, nous sommes bien loin de cet universalisme, car le risque de partition existe.

On a l’impression qu’on est en train de parler d’un sujet technique : on évoque les questions de gouvernance, de tuyauterie en quelque sorte, mais on oublie que l’essentiel est de concevoir pour l’université des Antilles un projet ambitieux. On nous rappelle seulement que le Président de la République, en déplacement aux Antilles, a proposé un financement à hauteur de 750 000 euros. Mais la question se pose : cette somme est-elle prévue uniquement cette année ou sera-t-elle maintenue dans la durée ? Aucune réponse !

Pendant ce temps-là, depuis Paris, on dit qu’il faut créer des IUT… Mais cette question n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable, ni en Guadeloupe ni en Martinique ! Je suis surpris par ce mode de management d’un autre temps. Vous avez rappelé à plusieurs reprises, madame la ministre, que d’illustres prédécesseurs rue de Grenelle, au XIXe siècle, avaient une vision pour l’éducation nationale. Eh bien, ce texte traduit sans doute une vision colonialiste du XIXe siècle, loin de la vision éclairée qui devrait prévaloir au XXIe siècle. C’est là un autre point de rupture.

Si, comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est avec tristesse que je suis monté à la tribune, c’est que j’ai l’impression qu’on oublie de penser à la jeunesse. Le texte que vous nous avez présenté n’est pas adapté pour le XXIe siècle et c’est regrettable. C’est la raison pour laquelle je défendrai tout à l’heure un amendement visant à revenir à la gouvernance telle qu’elle avait été proposée par le Sénat et qui me semble être la seule capable d’assurer la pérennité de l’université des Antilles.

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