Intervention de Jean-Charles Taugourdeau

Séance en hémicycle du 6 décembre 2012 à 15h00
Création d'une médaille d'honneur du bénévolat — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau :

Croyez-vous que les médailles que vous offrez sont jetées à la poubelle, qu'elles ne sont montrées à personne ?

Je crois que remettre une médaille a une valeur symbolique, qu'elle est importante aux yeux de celle ou celui qui la reçoit. Même si c'est sympathique de nous mettre en valeur en tant que députés lorsque nous offrons une médaille de l'Assemblée, ne pensez-vous pas qu'il serait plus humble de notre part de remettre une médaille du bénévolat ? Je ferais d'ailleurs la même réponse à l'un de nos collègues qui rappelait en commission, encore, que « les pionniers bénévoles de l'éducation populaire ont pris la pelle et la pioche pour construire des colonies de vacances ». Ne croyez-vous pas que ces pionniers qui se sont donnés, notamment, pour construire des centres de loisirs seraient fiers de montrer la médaille qu'ils auraient reçue après la construction du centre dans lequel leurs enfants et petits enfants passent leurs vacances ?

Quant au statut du bénévole, doit-on encore et toujours figer les choses ? Les bénévoles, lorsqu'ils donnent de leur temps, le font généreusement. Qui dit statut dit certes avantages, mais également contraintes : à tout droit, correspondent en retour des devoirs mes chers collègues. Doit-on se montrer rigide au point d'exiger que le bénévole prouve à son employeur le temps consacré au bénévolat ? Soyons sérieux, laissons leur la liberté d'agir dans l'ombre, selon leurs disponibilités, leurs souhaits ; mais reconnaissons, par cette médaille d'honneur, leur générosité.

On me disait également qu'un responsable d'association doit pouvoir passer le flambeau. J'ai entendu l'argument et c'est pour cela que j'ai déposé un amendement visant à reconnaître le bénévolat accompli dans plusieurs associations tout au long de la vie du bénévole.

Par ailleurs, à défaut de définition légale ou conventionnelle, il convient de considérer, comme le Conseil économique et social dans un avis rendu le 24 février 1993, que « le bénévole est celui qui s'engage librement pour mener à bien une action non salariée, non soumise à l'obligation de la loi, en dehors de son temps professionnel et familial ». Il n'est pas précisé s'il s'agit d'un engagement au sein d'une association ou d'un engagement libre.

On dénombre actuellement plus de 16 millions de bénévoles en France. La valorisation de ces heures effectuées atteint une fourchette de 12 à 17 milliards d'euros, soit 1 % du produit intérieur brut. Le bénévolat pèse quelque 935 000 emplois équivalents temps plein.

Bien sûr, les motivations des bénévoles ne les conduisent pas à la recherche d'honneurs ou de gratifications. Il n'en demeure pas moins que leur apport au « vivre-ensemble » est essentiel à l'heure où les gens ont plutôt tendance à se replier sur eux-mêmes – on vogue sur internet, on croit connaître tout le monde alors qu'on est tout seul chez soi.

Or, actuellement, aucune distinction officielle civile ne permet de reconnaître l'engagement bénévole en tant que tel. Certes, des bénévoles figurent régulièrement dans les promotions des ordres nationaux de la Légion d'honneur ou du Mérite national. Ce sont le plus souvent, avouons-le, des responsables associatifs plus que les anonymes agissant auprès de ces mêmes responsables, même si une instruction du Premier ministre datant du 24 septembre 2008 a infléchi les choix ministériels, à la demande de Nicolas Sarkozy, que la représentativité des promotions à ces deux ordres soit plus large.

Et même, pour sortir du cadre national, lorsqu'on offre une médaille de la ville, du département ou de la région, c'est rarement pour une autre personne que pour le responsable de l'association, c'est rarement pour la personne qui, depuis dix, vingt ou trente ans, balaye les salles mises à disposition des Restos du coeur.

La médaille d'honneur de la jeunesse et des sports permet, quant à elle, de reconnaître davantage les bénévoles qui agissent dans le cadre d'associations sportives ou d'éducation populaire que l'ensemble des bénévoles.

Parmi les médailles non officielles figurent les palmes du bénévolat, créées en décembre 2 000 par la Fondation du bénévolat. Environ 350 distinctions sont ainsi attribuées chaque année, sur proposition des maires ou de responsables associatifs, à des bénévoles particulièrement méritants, justifiant d'un certain nombre d'années passées au service des autres. Il n'en reste pas moins que ces palmes ne constituent pas une récompense officielle, susceptible d'être arborée comme telle.

La proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter devant l'Assemblée vise à remédier à ce qui me semble constituer une carence et, pour tout dire, une injustice flagrante pour la très grande majorité des bénévoles qui donnent de leur énergie et de leur temps à la collectivité. Elle instaure, à l'article 1er, une médaille d'honneur spécifique comme il en existe actuellement une trentaine.

La question de l'opportunité d'instituer une telle distinction n'est pas nouvelle puisqu'elle a été soulevée par de nombreux parlementaires soit par voie de questions écrites au Gouvernement, soit par le dépôt de propositions de loi depuis les années 1980. Jusqu'à présent, face aux velléités d'agir, il a toujours été rétorqué que le monde bénévole n'attendait pas un tel geste. Peut-être, mais nul ne peut nier qu'une récompense symbolique et officielle de l'engagement bénévole, en tant que tel, aurait valeur d'exemplarité et de reconnaissance collective à l'égard de celles et ceux qui, au quotidien, contribuent à la vie associative, sociale, publique et même économique du pays – je rappelle que les groupements d'employeurs sont gérés par des bénévoles.

Pour faire bref, la médaille d'honneur du bénévolat viserait à récompenser tout à la fois l'ancienneté des services honorables effectués à titre bénévole et la qualité exceptionnelle des initiatives prises à titre bénévole. Elle serait décernée, sans considération de nationalité, sous la forme de quatre échelons récompensant des durées passées au service des autres oscillant de vingt à trente-cinq années. Sur ce dernier point, toutefois, il me semble qu'un raccourcissement s'impose pour mieux tenir compte de la spécificité du bénévolat, le parallèle avec la médaille d'honneur du travail étant sans doute inadapté ; je soutiendrai donc un amendement ramenant ces durées respectivement à dix et vingt-cinq années.

L'autorité compétente pour attribuer la médaille d'honneur du bénévolat serait le ministre chargé de la vie associative, qui désignerait par arrêté deux promotions, à l'occasion des 1er janvier et 14 juillet de chaque année. Les préfets joueraient eux aussi un rôle décisionnel, sur délégation ministérielle.

Je n'ignore pas que le support législatif pour instituer cette nouvelle distinction peut donner lieu à débat car la plupart des médailles officielles actuelles reposent sur un fondement réglementaire. J'estime néanmoins qu'on ne saurait dénier au Parlement toute capacité d'initiative en la matière.

J'ai cru comprendre que le Gouvernement envisagerait d'élargir le champ des récipiendaires de la médaille d'honneur de la jeunesse et des sports. Si cette intention est officiellement confirmée aujourd'hui dans l'hémicycle de l'Assemblée, j'ai la faiblesse de penser que notre initiative et nos débats n'auront pas été inutiles.

Contrairement à ce qui a pu être dit, notre objectif, avec ce texte, n'est pas de faire adopter une loi étiquetée à tout prix « Taugourdeau, député UMP », mais bien d'avancer sur la question de la reconnaissance symbolique de l'engagement bénévole. Personnellement, bien que je regrette le rejet de cette proposition de loi par la commission des affaires culturelles et de l'éducation, je me satisferai de tout progrès que, madame la ministre, vous serez en mesure d'annoncer devant nous et de mettre en oeuvre rapidement. En effet, la générosité et le dévouement des bénévoles ne sont ni de gauche ni de droite mais d'intérêt national et c'est dans cet esprit que nous abordons ce débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

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