Intervention de Gérard Bally

Réunion du 4 décembre 2012 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Gérard Bally, Délégué général d'Eurodom :

Pour bien comprendre le dossier de l'octroi de mer, il faut en retracer l'historique.

Avant les années 1970, cette taxe était gérée par le conseil général et s'appliquait exclusivement aux produits importés.

Puis, dès le début des années 1970, on a choisi de la moduler pour développer l'industrie locale.

Lorsqu'en 1989, l'ouverture du marché unique européen a été préparée pour le 1er janvier 1993, les instances européennes ont demandé à la France de mettre le dispositif de la taxe en conformité avec le droit communautaire, c'est-à-dire de transformer ce qui s'apparentait à un droit de douane en un instrument fiscal frappant tous les biens, quelle que soit leur origine – métropole, pays tiers ou territoires d'outre-mer.

Depuis 1993, le dispositif en vigueur est donc « eurocompatible ».

Dès lors, la principale question qui nous préoccupe est celle de l'exonération. Quand Bruxelles a autorisé la transformation de la taxe en instrument fiscal, elle savait, en effet, que les productions locales avaient besoin de continuer de bénéficier de la protection offerte par la modulation de celle-ci.

Le dispositif mis en place en 1993 était, à cet égard, d'une grande souplesse : les régions et l'État géraient quotidiennement les listes de produits bénéficiant d'exonérations.

Mais, au bout de dix ans, le système a fait l'objet de plus d'une centaine de recours devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), formés par des importateurs de nos régions – ce qui n'a pas permis, d'ailleurs, de défendre le dossier dans les meilleures conditions.

Ces recours ont suscité beaucoup de craintes de la Commission quant à la légalité du dispositif et aux conséquences financières qui pourraient s'ensuivre – l'arrêt Lancry ayant, par exemple, donné lieu à un remboursement. Or, tous les requérants ont été déboutés et jamais le caractère proportionnel des aides accordées au travers des exonérations n'a été examiné par la Cour.

Le régime de l'octroi de mer a ensuite été modifié en 2004, au grand dam de certains socioprofessionnels. La Commission a alors cherché à se protéger des risques que comportait le système précédent : elle n'a pas voulu prendre la responsabilité de donner des autorisations de différentiels ou d'exonérations de taxe, souhaitant sur ce point s'en remettre au Conseil.

Nous avons dès lors un dispositif plus rigide, exigeant que le Conseil donne son accord a priori sur les listes de produits et les différentiels qui leur sont applicables.

Cela a eu des conséquences importantes, notamment en Guyane, qui n'avait pratiquement jamais acquitté d'octroi de mer – elle bénéficiait d'une large exonération, les entreprises de moins de 550 000 euros de chiffre d'affaires n'y étant pas assujetties. Comme elle n'a pas de TVA, elle n'avait pas l'habitude de rédiger de déclarations : il a donc été extrêmement difficile pour les Guyanais de participer aux négociations sur le nouveau système ; ils ne se sont d'ailleurs pas impliqués, ne voyant pas le risque que celui-ci représentait. Or, lors de l'adoption de ce dernier, cette région avait une liste comportant seulement une douzaine de produits, alors que la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion avaient des listes oscillant entre 100 et 180 produits.

Elle a donc vécu un véritable chemin de croix pendant plusieurs années – l'économie locale en a beaucoup souffert – jusqu'à ce que l'on modifie, en 2011, les listes, de manière à lui permettre d'avoir une protection suffisante pour ses entreprises.

Le règlement en vigueur n'offrait pas, en effet, la possibilité de réviser ces listes à tout moment : il a fallu attendre le rapport à mi-parcours de la France à la Commission et de celle-ci au Conseil.

Dans ces conditions, il faudra être particulièrement convaincant pour obtenir que la Commission accepte d'endosser la responsabilité des dérogations.

Je rappelle, à cet égard, que le rapport de la Commission au Conseil a été particulièrement critique sur la qualité des informations de justification transmises par la France – lesquelles émanent des régions et des socioprofessionnels.

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