Intervention de Bernard Accoyer

Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Je félicite à mon tour nos collègues de cet excellent rapport, mais je me demande si nous ne tournons pas en rond en répétant les mêmes évidences.

La première est que nous légiférons trop – au point d'avoir produit 400 000 normes ! – et à un rythme qui s'accélère en dépit de nos dénégations et de nos protestations. En revanche, nous ne contrôlons pas assez. De sorte que notre travail est source d'instabilité normative, et que la quantité excessive de textes a pour corollaire leur piètre qualité.

Cela nous invite à réfléchir sur le temps parlementaire, lié à nos méthodes de travail et dont les diverses modifications, qui suscitaient beaucoup d'espoirs, ont déçu. Ainsi, la session unique n'a fait qu'accroître le temps disponible, donc la production de normes. Il en va de même de la rapidité à laquelle les parlementaires se déplacent désormais. Ils n'ont d'ailleurs pas toujours besoin d'être physiquement présents au Parlement pour produire des amendements que l'on peut démultiplier par voie électronique ; mais l'on n'obtient pas de bons résultats en travaillant dans ces conditions.

L'évolution du temps parlementaire a également conduit à multiplier les initiatives parlementaires. J'ose le dire : parfois, dans cette maison, il faut, pour exister, déposer des amendements, des propositions de loi, se singulariser, au lieu de s'en tenir à la modeste tâche qui consisterait à améliorer l'existant – c'est-à-dire, notamment, à le simplifier.

Nous avons déjà pris des initiatives en ce domaine ; si aucune n'a suffi, l'une d'entre elles me paraît toutefois intéressante eu égard aux remarques très pertinentes formulées par nos collègues.

Il est clair que les études d'impact sont insuffisantes et que le Gouvernement ne s'embarrasse pas d'études d'impact qui dissuaderaient de voter les textes qu'il dépose sur le Bureau des assemblées. Il n'existe évidemment pas d'études d'impact sur les amendements gouvernementaux, dont la portée peut pourtant être considérable, ni sur les propositions de loi, ni sur les amendements parlementaires, qui multiplient parfois par cinq le nombre d'articles du texte initial – et le Gouvernement, pour complaire à sa majorité, en accepte beaucoup qui modifient considérablement le texte.

Nous devrions donc donner un rôle et une autorité beaucoup plus importants à une instance de cette maison : le comité d'évaluation et de contrôle (CEC). La commission des finances est chargée d'examiner la recevabilité financière des amendements parlementaires. Pourquoi le CEC ne s'emparerait-il pas de la possibilité, qui lui est déjà offerte mais qu'il utilise peu, d'évaluer les amendements ? Pourquoi ne lui donnerions-nous pas ce pouvoir déjà dévolu à la commission des finances ? Cet aspect concerne les études d'impact, mais également l'évaluation des textes adoptés ainsi que celle de la publication des décrets d'application.

Bien souvent, en effet, le Gouvernement se dispense de cette dernière : il a fait plaisir à un parlementaire en laissant adopter son amendement, mais, faute de décret d'application, tout cela se perd dans les sables – non sans avoir au passage créé de l'anxiété et découragé tel ou tel inventeur ou porteur de projet. Au total, l'anxiété, l'incertitude et la médiocrité des textes et du travail parlementaire, surtout en matière de normes, nuisent à notre croissance et à notre santé économiques, car ils détruisent la confiance, qui fait tout.

Le Gouvernement en rajoute en recourant à la procédure accélérée, manière abominable de légiférer. Je mets d'ailleurs en garde les tenants du monocamérisme contre cette pratique qui justifie le caractère indispensable du bicamérisme. Celui-ci demeure un facteur d'amélioration des textes, à condition que le Gouvernement ne laisse pas le Sénat ajouter des normes supplémentaires pour lui faire plaisir lorsqu'ils sont de même couleur politique, quitte à le contourner lorsque ce n'est pas le cas.

Toutes ces questions me semblent pouvoir trouver une réponse dans l'avenir que l'Assemblée nationale, voire le constituant, souhaite réserver au CEC. Celui-ci, dont il n'existe pas d'équivalent au Sénat, est un atout que nous sous-employons.

Quant à la surtransposition des directives européennes, elle est proprement scandaleuse : certains membres du Gouvernement ou du Parlement en rajoutent, par élégance politicienne. Si nous nous inscrivons dans la logique européenne d'un marché ouvert – dès lors que l'Europe n'est guère politique –, il faut en assumer les conséquences, ce qui exclut de surtransposer les directives européennes dans notre pays. Comme l'ont dit nos collègues, nous serions bien inspirés de faire pression sur Bruxelles pour que les dispositions européennes suscitent des études d'impact beaucoup plus solides et des négociations plus sérieuses en amont.

En somme, cet excellent rapport défend une orientation que nous approuvons tous : la simplification et l'efficacité accrue du travail du législateur, au service de nos compatriotes et de notre pays.

Je terminerai par un point évoqué par Régis Juanico et qui me tient particulièrement à coeur. Nous permettons depuis quelques années aux internautes de s'exprimer librement sur les textes et les rapports en préparation, mais cette possibilité n'est pas suffisamment utilisée. Les internautes devraient savoir qu'ils peuvent dire tout ce qu'ils souhaitent, adresser les propositions qu'ils veulent au rapporteur ; à lui d'en faire ce qu'il jugera propre à servir l'intérêt général.

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