Intervention de Christine Lazerges

Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Christine Lazerges :

Merci beaucoup aux deux auteurs de ce travail effectivement passionnant, qui s'intéresse à tous les aspects de la procédure parlementaire.

Légiférer, c'est difficile. On ne saurait demander à la loi plus que ce qu'elle peut. Or, souvent, au lieu de commencer par chercher une autre solution, on se précipite sur l'idée d'une loi nouvelle, persuadé qu'elle sera d'autant plus efficace qu'on l'aura adoptée rapidement. Je rappelle que la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État a été préparée en deux ans et demi, de même que le texte plus récent que Mireille Imbert-Quaretta vient de citer en exemple, qui balayait le code de procédure pénale de ses principes directeurs au terme de l'exécution des peines et demeure presque intégralement en vigueur. En réalité, la précipitation nuit à la qualité de la loi.

Cette semaine nous a encore fourni un exemple typique de cette précipitation, pour ne pas dire d'une procédure expéditive : le projet de loi relatif au renseignement, adopté dans un consensus fantastique à l'Assemblée nationale, a été présenté en Conseil des ministres le 19 mars ; assorti d'une étude d'impact d'une incroyable pauvreté, il a été voté dès le 5 mai. À la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), nous l'avons reçu le 20 mars et n'avons disposé que de cinq jours pour en prendre connaissance dans la perspective de notre audition : c'est le type même de l'exercice impossible. La pauvreté de l'avis du Conseil d'État, qui était son premier avis public, fait craindre que la publicité ne nuise à la solidité des arguments et des conseils mis en avant. La longueur même de cet avis est très inquiétante : ses seules réserves portaient sur la composition de la commission de contrôle, ce qui est stupéfiant vu le caractère révolutionnaire du projet – même si celui-ci consiste en grande partie à légaliser des pratiques très répandues.

Pour parvenir à des études d'impact comme celles que vous appelez très justement de vos voeux, il faut du temps, un temps obligatoire. Quant à l'avis du Conseil d'État, il conviendra de discuter avec l'institution pour savoir si la publicité ne risque pas de brider son expression, ce qui serait une catastrophe. Si les conseillers d'État n'osaient plus dire publiquement ce qu'ils s'autorisaient auparavant à exprimer avec la discrétion qu'on leur connaît, leur avis perdrait son sens alors même que l'on souhaite à juste titre le rendre obligatoire s'agissant des propositions de loi.

Quant à la procédure accélérée, elle est devenue de droit commun : parmi les textes dont la CNCDH a été saisie depuis trois ans, pas un seul ne lui échappe, quel qu'en soit le sujet. Or supprimer la double navette parlementaire, voire l'une des deux assemblées, supposerait d'exclure la procédure accélérée et d'instaurer un délai minimal de fabrication de la loi. Toutefois, la double navette, dont je ne voyais guère l'intérêt lorsque j'ai été élue députée, m'est apparue utile sur certains textes : ma position à ce sujet n'est donc pas arrêtée. Ce dont je suis sûre, c'est qu'une assemblée législative unique ne devrait en aucun cas pouvoir user d'une procédure accélérée ; des délais significatifs devraient s'imposer pour les études d'impact comme pour les auditions, et les parlementaires et ministres devraient renoncer à attacher leur nom à quantité de projets et de propositions de loi. Bref, il faudrait ne légiférer qu'en cas d'absolue nécessité.

1 commentaire :

Le 06/04/2017 à 15:37, Laïc1 a dit :

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"Je rappelle que la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État a été préparée en deux ans et demi,"

Le problème, c'est que cette loi n'est pas appliquée, il n'y a qu'à voir Hollande qui déclarait en toute provocation à la presse que la République reconnaissait tous les cultes, alors que l'article 2 de la loi de 1905 dit bien qu'elle n'en reconnaît aucun !

En plus, ce n'est pas à Hollande faire appliquer la loi, c'est à la justice, qui en matière de laïcité est particulièrement incompétente, c'en est même scandaleux. Alors si en plus le président de la République encourage la justice dans sa nullité, cette loi de 1905 ne risque pas d'être appliquée.

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