Intervention de Alain-Gérard Slama

Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Alain-Gérard Slama :

Je félicite les auteurs de ce rapport et suis convaincu qu'ils ont envisagé la question de l'abandon de l'espace et du temps politiques au bénéfice des experts et des juges, à l'égard duquel j'ai pour ma part été très critique. Compte tenu du fait que nous n'avons pas, en France, de culture de l'évaluation et qu'il est absolument nécessaire d'accroître le contrôle parlementaire, comment s'assurer que l'étude d'impact, qui présente des données techniques et reflète les différents intérêts en jeu, servira de point d'appui à la délibération politique, laquelle a pour objet l'intérêt général ?

Votre réflexion vient compléter un rapport publié en 1991 par le Conseil d'État, que l'on doit à Françoise Chandernagor et qui présentait au législateur les critères nécessaires pour qu'il fasse moins de lois et qu'il se rappelle la phrase célèbre de Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » Seulement, on a découvert depuis quelques années que les lois qui affaiblissent les lois nécessaires non seulement étaient inutiles mais pouvaient carrément être nuisibles. Si des rapports démontraient par exemple que l'existence de la peine de mort diminue le nombre de crimes commis, que deviendrait la délibération philosophique dans ce débat ? Bien sûr, ce n'est pas le cas et je n'ai pas besoin de l'argument selon lequel l'abolition de la peine de mort serait inutile voire dangereuse car elle est constitutive d'une certaine idée de notre société et de notre civilisation. Il existe donc bien une différence entre le travail technique d'évaluation et d'élaboration des textes et la délibération politique. Le problème, c'est que l'évaluation elle-même comporte une dimension politique. Ce transfert à l'expert et au juge m'inquiète. Il faut donc essayer de limiter le champ de compétence des autorités administratives indépendantes.

D'autre part, si l'on a autant insisté sur la nécessité de consacrer beaucoup plus de temps à cette délibération, c'est parce qu'elle devrait être davantage argumentée du point de vue philosophique, moral et de la défense de l'intérêt général.

Bref, encore une fois, comment faire pour séparer l'étude d'impact de ce qui relève du débat politique ?

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