Intervention de Bernard Thibault

Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Bernard Thibault :

Je formulerai quelques commentaires tout en concédant franchement ma méconnaissance des mécanismes internes au fonctionnement des assemblées. Peut-être considèrerez-vous certaines de mes remarques comme peu informées : j'en prends le risque.

Nous avons évoqué la question du temps à plusieurs reprises au cours de nos réunions. Lorsque nous avons abordé par exemple les incidences du quinquennat, sans doute insuffisamment appréciées avant que celui-ci ne soit très largement approuvé, nous avons indiqué combien il rythmait de fait l'ensemble de la vie politique et à quel point il avait accéléré les échéances. Or, dès lors l'on parle de l'adoption des lois, l'idée de prendre du temps est importante, même si elle va a contrario d'une représentation politique qui communique plus souvent sur le fondement de déclarations faites au Parlement que sur celui des travaux dudit Parlement. Dans un environnement de plus en plus complexe, imprévisible et anxiogène, cela me semblerait paradoxalement moderne que de décider de prendre du temps avant d'agir sur certains sujets. Être responsable, c'est redonner du temps et de l'oxygène à une société qui en manque aujourd'hui. Tout allant en s'accélérant, je ne crois pas qu'il soit de bonne politique de prétendre légiférer rapidement, sans avoir pris en compte tous les éléments susceptibles d'éclairer la décision.

Quant à l'étude d'impact, si elle vise avant tout à légitimer une proposition législative, pour qu'elle soit pertinente, complète et qu'elle renforce le débat politique, il faut qu'elle soit contradictoire et que des acteurs puissent y dénoncer des risques ou des dangers. Il a été fait référence à des structures dont l'indépendance serait garantie, mais nous aurions tout à gagner à nous appuyer sur les acteurs qui existent déjà dans la société, qu'ils soient issus du monde associatif ou d'organisations professionnelles représentatives – de l'entreprise comme des salariés. La contradiction qu'ils apporteront pourra même constituer un enrichissement, dès lors qu'elle visera à améliorer un projet mis sur la table à un moment donné. Je me méfie de cette tendance à recourir à des structures dites indépendantes qui affaiblit le politique au sens noble du terme. Je ne pense pas que nos concitoyens soient forcément disposés à élire des représentants qui s'efforceront de multiplier les instances d'experts extérieurs auprès desquelles ils prendront conseil pour adopter des lois. Tout comme M. Baranger, je pense que le CESE pourrait être parmi les acteurs permettant d'enrichir des études d'impact a priori, même si l'on envisage l'hypothèse de sa suppression.

Enfin, je souhaitais revenir sur la question des clauses de rendez-vous. Elles sont parfois prévues par des textes législatifs, mais on pourrait aussi imaginer que les effets réels de la loi soient réexaminés au bout d'un certain temps. Ainsi, par exemple, pour soutenir que le recul de l'âge de départ à la retraite n'aurait pas d'impact sur le niveau des retraites des salariés les plus âgés, on nous a expliqué que le comportement des entreprises en matière de recrutement des seniors allait changer en conséquence. On a donc reculé plusieurs fois cet âge de départ à la retraite. Or, lorsqu'on dresse aujourd'hui un bilan contradictoire de cette mesure, on s'aperçoit non seulement que le mode de recrutement des entreprises n'a pas du tout changé à l'égard des seniors, mais aussi que leur taux de chômage s'est aggravé. La seule conséquence sociale de cette réforme est la baisse des pensions attendue par les travailleurs qui n'auront plus suffisamment d'annuités. Il ne serait donc pas aberrant de prévoir des clauses de revoyure d'autant que celles qui existent aujourd'hui sont plutôt présentées comme un argument politique que comme une obligation législative. Je serais favorable à ce que dans des domaines importants, les textes prévoient des rendez-vous beaucoup plus officiels au cours desquels le législateur porterait une appréciation sur ce qu'il a pu adopter à un moment donné et qui peut s'avérer à l'usage nécessiter une correction. Seriez-vous favorable à une plus grande utilisation de ce type de clause ?

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