Intervention de Marie-Anne Cohendet

Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Marie-Anne Cohendet :

Je vous ai trouvés bien optimistes l'un et l'autre. Je rappelle ici qu'aux termes de la Constitution, le Président de la République n'a pas le pouvoir de renvoyer le Gouvernement ! S'il l'est dans les faits, c'est une dérive grave de notre système politique.

Vous avez raison sur le fait qu'il serait bon de débattre de la loi très tôt, notamment au sein de la majorité. C'est ce que l'on observe dans d'autres pays, et c'est ce qui fait la richesse du travail parlementaire – qui ne doit pas se réduire à cela, j'en suis également d'accord. Mais pensez-vous vraiment qu'une évolution vers de vrais débats internes à la majorité soit possible tant que le Président de la République sera si puissant ? Nous avons pu constater, ces derniers mois, que toute dissension au sein de la majorité suscite des menaces de dissolution… Tant que le déséquilibre des pouvoirs entre Président et parlementaires sera si grand, la bonne volonté même partagée ne suffira pas.

La richesse des débats, tant au sein des majorités qu'entre les groupes parlementaires, en Allemagne par exemple, naît notamment du mode de scrutin. Je ne suis pas sûre que quelques dizaines de sièges suffisent, comme le supposait M. Rozenberg. Il serait bien sûr nécessaire de développer une culture du compromis – mais celle-ci ne naît pas seulement de l'habitude, mais plutôt d'un mode de scrutin qui y incite, en installant au pouvoir des coalitions.

La responsabilité du Gouvernement devant le Parlement existe, mais elle est complètement faussée par le droit de dissolution du Président, qui protège dans les faits le Gouvernement : même si les parlementaires renversent le Gouvernement, le chef réel reste en place.

Votre optimisme me semble donc excessif, comme d'ailleurs lorsque vous proposez, monsieur Rozenberg, des questions au Président de la République : ce serait un spectacle intéressant, mais comment une telle séance produirait-elle un vrai contrôle ? Bien loin d'apporter un progrès, elle renforcerait le césarisme : même si ce type de séance peut être éprouvant, le Président de la République donnerait encore une fois l'impression qu'il dirige tout, et noierait le poisson dans ses réponses… Cette proposition ne me convainc pas. Je suis en revanche tout à fait d'accord sur la nécessité que les commissions d'enquête puissent enquêter sur le Président de la République. Mais, aujourd'hui, à quoi aboutiraient-elles ?

Sur la défiance enfin, monsieur Slama, la possibilité de destitution du Président existe, mais ce n'est toujours pas une responsabilité politique, puisqu'elle ne peut être mise en oeuvre qu'un cas de manquement grave.

J'aimerais, je le redis, croire que d'aussi légères réformes suffiraient à améliorer en profondeur la situation, mais je n'en suis pas convaincue. Un rééquilibrage beaucoup plus important entre pouvoirs du Président et pouvoirs du Parlement me paraît nécessaire.

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