Intervention de Armel le Divellec

Réunion du 7 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Armel le Divellec :

Certes, mais cela demeure une appréciation politique. N'oublions pas que le parlementarisme est né aussi du détournement de certaines procédures… N'oublions pas non plus les réticences des parlementaires : ils n'ont pas souhaité suivre les propositions de la commission présidée par le professeur Avril en 2002, qui proposait, dans sa rédaction de l'article 68, un scrutin à la majorité simple. Pour la « commission Avril », un Président de la République destitué pouvait se représenter à l'élection présidentielle ainsi provoquée : il revenait alors au peuple de trancher.

J'aurais pour ma part préféré un processus plus simple – la Constitution de la République de Weimar de 1919 prévoyait une procédure de révocation populaire du Président, à l'initiative du Parlement. D'un point de vue académique, cela me paraît une bonne solution, et une procédure semblable existe d'ailleurs en Autriche. Mais si ces procédures sont intellectuellement satisfaisantes, elles ne suffiraient pas à rééquilibrer notre régime politique. La soupape de sécurité de l'article 68 me semble une bonne chose, mais elle ne peut pas être utilisée régulièrement.

Si l'on veut désacraliser, voire banaliser le Président de la République, alors il faut tout remettre à plat. Le bricolage constitutionnel n'y suffirait pas.

Je ne suis pas particulièrement optimiste, madame Cohendet ; je suis même plutôt sceptique à l'égard des discours sur le renforcement du Parlement : à droit constant, on pourrait faire beaucoup mieux. C'est à un problème de volonté politique et de culture politique que nous nous heurtons ! Les parlementaires qui arrivent sont vite déçus : beaucoup se résignent, certains, plus jeunes ou plus allants, contestent les conventions. Pourtant, la majorité peut dire non au Gouvernement. Elle ne le fait simplement pas assez souvent.

Si nous devions quitter ce système présidentialiste, je n'en éprouverais aucune tristesse. J'ai dit rapidement que le Gouvernement était doublement responsable : on devrait plutôt dire doublement dépendant ; ce n'est évidemment pas ce que dit la Constitution, mais c'est une réalité politique solidement installée. Mais dire que le présidentialisme bloque toute possibilité d'évolution, c'est se résoudre à l'absence de changement. Or il serait possible de changer, même si la présence d'un Président de la République gouvernant demeurerait menaçante ! La dissolution n'est plus guère une arme dangereuse : l'expérience de 1997 a très bien montré ses dangers.

Il est possible, je crois, d'améliorer le fonctionnement de notre système politique. Nulle part le parlementarisme n'est considéré comme une solution idéale : les parlementaires britanniques se plaindront que le Gouvernement est trop autoritaire, les parlementaires allemands se plaindront aussi, alors qu'à mon sens tout se passe plutôt bien en Allemagne. Malgré la complexité de notre dispositif à trois – un Président de la République puissant, un Premier ministre qui a parfois du mal à tenir son rôle, et un Parlement – il y a moyen de progresser, et la concertation est possible.

Enfin, il ne faut pas croire que le Parlement, à supposer qu'il en ait jamais totalement disposé, va reprendre seul le pouvoir législatif. Il y a une cogestion de fait. C'est vrai de facto même aux États-Unis, mais c'est encore plus vrai dans les régimes parlementaires : le Gouvernement est là pour mettre en musique les initiatives voulues par la majorité. Il est bon que les prudences excessives du Gouvernement soient parfois bousculées, mais il faut un équilibre raisonnable ; dans tous les pays, le pouvoir législatif est cogéré, et depuis longtemps. Le Parlement ne retrouvera pas de rôle de législateur autonome.

Les députés de la majorité doivent être aguerris sur les sujets techniques, et le Gouvernement ne doit pas les considérer comme des gêneurs, afin qu'ils puissent peser en amont. Les députés de l'opposition doivent, quant à eux, faire appel à une expertise extérieure. Mais, même s'il est possible d'améliorer la capacité d'expertise des groupes, on ne construira pas de contre-administration.

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