J'aimerais ici défendre les questions au Gouvernement, qui intéressent tout de même des centaines de milliers de téléspectateurs chaque semaine, et qui rassemblent des centaines de parlementaires. Leur forme est peut-être caricaturale, et peu agréable pour ceux qui y prennent part ; mais elles permettent aussi aux tensions sociales de s'exprimer au Parlement, ce qui est l'un des rôles de cette institution. J'ajoute que les questions au Gouvernement, sous cette forme, forcent les ministres à travailler plus, comme l'ont bien montré les travaux de l'universitaire américain Rob Salmond : plus les séances de questions au Gouvernement sont exigeantes, plus les ministres travaillent et moins ils peuvent se contenter de déléguer leurs dossiers à leur administration. Il serait dommage que le Parlement renonce à quelque chose qui marche bien.
Certes, les questions ne donnent pas une bonne image de l'Assemblée nationale. Mais si, selon la formule consacrée, on ne tombe pas amoureux d'un taux de croissance, on ne tombe pas non plus amoureux d'un Parlement : celui-ci vise à institutionnaliser le pluralisme, à le représenter. Voir des députés se déchirer et s'invectiver pose problème aux observateurs ainsi qu'à beaucoup de citoyens, mais c'est bien l'une des fonctions du Parlement. Il faut, je crois, s'y résoudre.
Par ailleurs, je suis peut-être trop optimiste, mais il me semble par exemple que la commission d'enquête qui a suivi l'affaire Cahuzac a fait un travail sérieux et approfondi, dont son président – qui n'appartient pas à la majorité – a reconnu l'intérêt, malgré les critiques de l'opposition. C'est tout de même là, je crois, un vrai changement : les choses vont mieux !
Enfin, M. Slama nous reproche d'être trop raisonnables. J'apprécie pour ma part la Ve République, et je ne voudrais pas la changer. Mais il faut ajouter que nombre d'évolutions nécessaires ne résulteront pas de changements constitutionnels, mais d'une modification de la sociologie des élus. Certaines propositions radicales peuvent être faites – limiter, par exemple, le nombre de mandats consécutifs à trois, voire deux. La fin du cumul des mandats, si elle est véritablement mise en place en 2017, pourrait également changer profondément la donne.