C'est un grand honneur pour moi de vous présenter l'état d'avancement du projet du service de santé des armées, un an et demi après la première audition qui lui fut consacrée ici même le 16 octobre 2013.
Le SSA compte 16 000 personnes, dont 11 000 militaires et 5 000 civils. Son taux de féminisation est proche de 60 %. Son budget annuel est de 1,4 milliard d'euros, dont le tiers provient des recettes générées par son activité hospitalière. Le SSA comprend cinq composantes principales, complémentaires les unes des autres : la médecine des forces, la médecine hospitalière, le ravitaillement, la recherche et la formation. Sa mission historique est le soutien sanitaire des forces armées et de la communauté de défense, en tous lieux, en tout temps et en toutes circonstances.
De fait, le SSA démontre, sur tous les théâtres où sont engagées nos forces, son exceptionnelle aptitude à garantir à nos militaires en opération un soutien de la meilleure qualité possible. Fortement engagés sur les théâtres d'opérations depuis de nombreuses années, les personnels du SSA sont tout autant impliqués dans la préparation des forces avant leur engagement que dans la prise en charge des malades et des blessés rapatriés sur le territoire national. Ils sont enfin fortement sollicités pour des missions d'expertise, de formation et de recherche pour lesquelles un très haut niveau de compétences et souvent un véritable niveau d'excellence sont exigés.
Si le SSA est encore capable aujourd'hui de remplir ses missions, il faut reconnaître cependant qu'il le fait avec de plus en plus de difficultés. Depuis plus de vingt-cinq ans, le service ne cesse de s'adapter aux évolutions de son environnement, tant au sein de la défense que de la santé, des évolutions souvent divergentes dont la synthèse est de plus en plus difficile à réaliser pour le service, qui se trouve de ce fait dans un état de tension préoccupant.
Les évolutions constatées depuis deux décennies se sont considérablement accentuées, particulièrement dans trois domaines. Tout d'abord, la sujétion opérationnelle n'a cessé d'augmenter, en raison de l'intensité et de la diversité des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale. La situation opérationnelle actuelle fait face à une menace diffuse dans des territoires très étendus où les implantations des forces sont parfois très éloignées les unes des autres, générant d'importantes contraintes pour le soutien médical. Ainsi, en 2013, puis en 2014, ce sont, respectivement, 248 et 228 équipes médicales de premier recours et trente-cinq et trente et une équipes chirurgicales qui ont été déployées sur l'ensemble des théâtres d'opérations. Le pic d'engagement simultané a été, durant cette période, de soixante-dix postes médicaux et dix antennes chirurgicales ou structures équivalentes. Ce niveau d'engagement représente une charge supérieure à celle décrite dans la situation opérationnelle de référence du contrat opérationnel. C'est ainsi que 80 % des jeunes praticiens servant au sein des centres médicaux des armées ont été projetés au moins une fois sur un théâtre d'opérations dans les deux ans ayant suivi la fin de leur formation.
Une autre illustration est fournie par le nombre de militaires évacués en métropole : 938 en 2013 puis 786 en 2014, dont près des deux tiers en provenance des théâtres d'opérations, la moitié pour traumatismes physiques et 20 % pour traumatismes psychiques.
Dans le même temps, les ressources du service sont comptées au plus juste. Le SSA est soumis au cadre strict de la loi de programmation militaire (LPM) pour 2014-2019. Il doit ainsi réaliser une déflation de 2 000 postes, tandis que le budget consacré à son fonctionnement et à ses investissements enregistre durant cette période une diminution significative.
Les changements importants qui touchent le monde de la santé comme notre société en général constituent un troisième domaine d'évolution majeur auquel le service doit faire face. Il existe en effet une évolution soutenue des procédures de prise en charge des patients, guidée par des préoccupations de performance, de qualité et de sécurité. Le SSA doit intégrer ces évolutions, pour devenir, comme il le souhaite, un acteur à part entière du service public de santé.
Du point de vue sociétal, il est impératif de prendre la mesure des exigences actuelles, dont la légitimité ne saurait être contestée dans la mesure où elles portent principalement sur le thème de la qualité : qualité de la prise en charge pour les patients, étendue naturellement pour le service à celle des militaires blessés en opération, mais aussi qualité des conditions d'exercice professionnel pour l'ensemble des personnels du service, quelle que soit la composante au sein de laquelle ils servent.
Pour prendre en compte ces contraintes, le nouveau modèle de service que viennent de valider le ministre de la Défense et le chef d'état-major des armées prévoit une remise en question globale des missions, du fonctionnement et de l'organisation du SSA.
Concernant les missions confiées au SSA, il convient de rappeler que celui-ci s'est progressivement imposé dans son histoire comme le service en charge de la santé de toute une communauté, la communauté de défense. Délivrant des soins aux personnels militaires et civils, ainsi qu'à leurs ayants droit au sens le plus large du terme, comme aux retraités et aux réservistes, le service a aussi pendant très longtemps eu en charge une population qui n'avait d'autres recours en matière de soins : les appelés du contingent. Le nombre important et la diversité de ses différents bénéficiaires l'ont amené à développer à la fois un maillage territorial très serré et une importante offre de soins, couvrant peu ou prou l'ensemble du champ de la médecine. Force est de reconnaître qu'il conserve en 2015 un grand nombre d'activités dont la justification est devenue incertaine. D'autant que, durant la même période, le système national de santé n'a cessé de se développer, proposant une offre de soins qui répond parfaitement à une part importante des besoins de la communauté de défense. Le maintien de nombre de ces activités historiques devenait d'autant plus discutable qu'il obérait progressivement la capacité du service à remplir sa mission régalienne, celle-là même qui justifie son existence, à savoir le soutien santé des forces armées en opération.
Ainsi, le principe majeur sur lequel est fondé le nouveau modèle « SSA 2020 » est le recentrage de ses activités sur sa raison d'être qui est « d'apporter à tout militaire soumis à un risque lié à son engagement opérationnel, au sens large du terme, un soutien santé lui garantissant la meilleure qualité de prise en charge en cas de blessure ou de maladie, préservant ainsi ses chances de survie et le cas échéant de moindres séquelles tant physiques que psychologiques ». C'est bien cette mission princeps qui doit déterminer les compétences du service ainsi que le niveau de ses capacités. Ainsi définies, ces compétences pourront être mises au service d'autres bénéficiaires de la défense et au-delà, notamment dans le cadre de la résilience nationale en cas de crise sanitaire, dans la limite de leur disponibilité et sans compromettre la capacité du service à soutenir les forces armées.
Ce principe majeur de concentration des ressources sur le besoin des armées a un corollaire impératif : l'ouverture du SSA sur le service public de santé, rompant ainsi avec sa posture classique, le service de santé des armées existant depuis son origine « à côté » du service public. Pour se concentrer sur son coeur de métier, le soutien des forces en opérations, le SSA doit devenir un acteur à part entière du service public et bénéficier du soutien de celui-ci.
Le troisième principe du projet est la simplification, considérée comme une indispensable condition de la performance. La déclinaison de ce principe aura une influence très importante sur la future organisation du service et sa gouvernance.
L'élaboration du modèle SSA 2020 aura demandé deux ans de travail. Ce travail s'est appuyé sur une méthodologie rigoureuse qui a fait une très large place à la concertation. Ainsi, la participation des personnels a-t-elle été systématiquement recherchée, au sein de toutes les composantes du service. De même, de nombreux travaux ont été menés en collaboration avec les armées, dont la gendarmerie, et les autres services du ministère de la Défense. Enfin, et conformément au principe d'ouverture, des relations très étroites se sont développées entre le ministère de la Défense et le ministère des Affaires sociales, de la santé et du droit des femmes, associant les agences régionales de santé (ARS) de manière privilégiée.
Je me propose à présent, avant de vous exposer les différentes évolutions sectorielles, de vous donner une vision d'ensemble de ce que sera le SSA à l'horizon 2020.
En premier lieu, ce nouveau modèle est résolument tourné vers le soutien santé des forces en opération, et ceci dans les trois temps de l'engagement opérationnel. Avant l'engagement, il s'agit de la préparation opérationnelle des combattants et de la détermination de l'aptitude individuelle aux emplois militaires. Pendant l'engagement, c'est le soutien direct des forces en opérations, qui, au-delà de la prise en charge des malades et des blessés, englobe toutes les actions à mener pour couvrir l'ensemble des risques liés aux opérations militaires. Après les opérations, c'est la prise en charge des malades et des blessés sur le territoire national, dans les hôpitaux d'instruction comme dans les centres médicaux des armées (CMA), en vue de leur guérison mais aussi de leur réhabilitation et de leur réinsertion dans le monde social et du travail.
La préparation technique des professionnels de santé militaires et la mise à disposition d'équipements spécifiques constituent des préalables incontournables à la qualité de la prise en charge qui doit être assurée à chaque combattant. La réactivité et la disponibilité du dispositif sont nécessaires pour faire face aux menaces actuelles. Enfin, l'interopérabilité du service, tant au sein des forces armées qu'avec les services de santé alliés, devra être en permanence améliorée car elle représente une condition du maintien dans la durée du soutien opérationnel.
La seconde caractéristique du modèle SSA 2020 est le renforcement de la cohérence du service. Le nouveau modèle conserve les cinq composantes car elles conditionnent la capacité quasi unique du SSA, au moins en Europe, à soutenir tous les types d'opérations militaires, particulièrement dans les conditions les plus dures qui soient, comme celles rencontrées lors d'une entrée en premier sur un théâtre d'opérations. C'est en effet le contrôle par le service de ces cinq composantes qui lui permet de déployer une chaîne de santé opérationnelle autonome, réactive et évolutive, car pour s'adapter à l'extrême diversité des conditions d'engagement des forces, illustrées en particulier ces dernières années par les opérations Serval et Sangaris, le SSA doit être capable de faire évoluer en permanence ses équipements, les compétences de ses personnels mais aussi sa doctrine d'engagement.
La troisième grande caractéristique du nouveau modèle est le rééquilibrage entre elles des cinq composantes du SSA. Le modèle SSA 2020 verra se renforcer de manière très significative la composante de médecine des forces, qui assure le premier recours tant sur le territoire national que sur les théâtres d'opérations. Conformément aux recommandations du récent rapport de l'Assemblée nationale relatif à la prise en charge des blessés de guerre, c'est bien autour des CMA et de leur personnel que doit s'organiser le parcours de soins des militaires blessés au combat, et de façon plus large le parcours de santé de l'ensemble de la communauté militaire, en insistant particulièrement sur la dimension essentielle que prendra dans les années à venir la prévention.
La composante hospitalière du service devra donc être redimensionnée de façon à établir un équilibre plus juste avec la médecine de premier recours. Si la fonction hospitalière sera amenée à prioriser ses activités en fonction de leur lien avec le soutien opérationnel des forces, il ne saurait être question pour autant de renoncer à la nécessaire cohérence des activités au sein d'un établissement hospitalier. Il serait par exemple impossible d'assurer une activité régulière en chirurgie, absolument nécessaire au soutien des forces projetées, sans un environnement de pratique cancérologique au sein du même établissement. Les hôpitaux militaires devront garder une expertise concernant certains risques sans lien direct avec l'engagement opérationnel. Ainsi l'accent porté sur les activités chirurgicales ne doit-il pas occulter l'importance des autres spécialités. On ne saurait à cet égard ignorer l'ampleur du travail qui reste à accomplir pour optimiser la prise en charge des blessés psychiques, dont l'importance n'a fait que croître ces dernières années.
En quatrième lieu, le nouveau modèle de service devra être contracté, densifié et modernisé. La contraction du dispositif est indispensable pour se conformer à l'impératif de réduction de l'empreinte budgétaire. Ainsi, les capacités du service seront calculées au juste besoin des forces. Cela n'exclura toutefois nullement la contribution du service à la résilience nationale en cas de crise sanitaire survenant sur le territoire français ou encore dans le cadre d'opérations gouvernementales à but humanitaire. C'est particulièrement vrai dans le domaine des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), où le service de santé dispose de compétences et de ressources rares. L'exemple récent de la crise Ebola est également démonstratif de cette contribution.
La densification des moyens constitue quant à elle la condition première de la robustesse du SSA, ainsi que de sa résilience propre face à la pression opérationnelle qui s'exerce sur lui. La sujétion opérationnelle ne doit plus mettre les établissements du service en difficulté, voire en péril, comme cela a pu être observé au cours des dernières années.
Enfin, moderniser le service, c'est lui permettre d'inscrire ses activités dans une véritable démarche de performance, autant économique que technique. C'est dans ce but qu'un investissement inédit a été consenti dans le domaine des systèmes d'information, où un retard certain avait été accumulé.
La dernière caractéristique majeure du nouveau modèle est certainement son ouverture et son insertion dans son environnement. Les activités nécessaires au contrat opérationnel ne pourront être préservées et développées que dans la mesure où les établissements du service deviendront des acteurs reconnus de l'offre de soins au sein des territoires de santé. Ils devront donc assumer les responsabilités inhérentes à un tel rôle, celles-ci devant être organisées avec les autorités de régulation de l'offre de soins que sont les ARS. Si la disponibilité opérationnelle des professionnels de santé du SSA ne saurait en aucun cas être remise en cause, les exigences imposées aux établissements civils devront également être appliquées aux établissements militaires.
Pour que le modèle SSA 2020 puisse présenter ces cinq caractéristiques, il est indispensable que toutes les composantes du service se transforment, et ce de façon synchrone, en raison de leur très forte interdépendance. Cependant, l'ampleur de cette transformation n'est pas égale pour chacune des composantes. Pour trois d'entre elles, le ravitaillement, la formation et la recherche, il s'agit avant tout d'un mouvement d'approfondissement de réformes structurelles déjà engagées. Pour la médecine des forces, il s'agit de préparer puis de mettre en oeuvre un nouveau modèle destiné à en faire le nouveau centre de gravité du SSA. Enfin, pour la composante hospitalière, une profonde réforme s'avère nécessaire, tant pour en garantir la pérennité que pour mettre en oeuvre l'ensemble du modèle SSA 2020.
Le ravitaillement sanitaire poursuivra sa restructuration, engagée depuis 2008. Ses efforts devront tendre vers la réduction de son empreinte budgétaire, notamment au moyen de la valorisation de ses produits. Une autre ambition est qu'il devienne un acteur interministériel majeur, mais aussi un acteur international, en capitalisant sur son expertise unique en matière d'approvisionnement en produits de santé nécessaires au soutien des forces en opération.
La composante formation a elle aussi déjà vécu des évolutions importantes, avec le regroupement progressif de ses établissements, qui prendra fin avec le transfert de l'École de formation des personnels paramédicaux (EPPA) sur le site de l'École de santé des armées (ESA) de Lyon-Bron entre 2016 et 2018. À cette date, la composante formation ne comptera plus que deux implantations : l'ESA à Lyon-Bron et l'École du Val-de-Grâce, à laquelle seront rattachés trois centres de formation opérationnelle et de simulation. Un volet important de la rénovation des activités pédagogiques passera par un investissement significatif dans les systèmes numériques, qui, au même titre que l'ouverture des formations du service aux professionnels de santé civils, devra contribuer au rayonnement national, voire international du service de santé des armées.
La recherche achève également un grand mouvement de densification avec le regroupement de l'ensemble de ses ressources sur le site de Brétigny-sur-Orge, où sera bientôt terminée la construction d'un nouveau bâtiment dédié à la recherche biomédicale de défense. Une autre ambition de ce vaste programme est d'intégrer l'ensemble des composantes du SSA, au-delà du seul Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), à l'effort de recherche. Il s'agit de promouvoir de façon active la recherche clinique et épidémiologique, qui représente une voie privilégiée vers l'excellence que doivent maintenant emprunter tous les établissements militaires de santé, qu'ils soient hospitaliers, de premier recours, ou de ravitaillement sanitaire.
L'importance de la recherche dans le processus de formation des personnels du service, praticiens comme paramédicaux, est telle qu'un rapprochement entre ces deux grandes composantes est également envisagé, avec la création à terme d'une direction unique.
La médecine de premier recours militaire va quant à elle connaître une évolution beaucoup plus profonde. En effet, toute l'organisation de ce qui s'appelle depuis 2012 la médecine des forces a été repensée. Cette composante sera tout d'abord renforcée par l'affectation de personnels supplémentaires, conformément au rééquilibrage inscrit dans le modèle SSA 2020. Cette composante ne connaîtra donc pas de déflation de postes, tandis qu'elle bénéficiera d'un effort particulier en ce qui concerne ses équipements, ses véhicules et surtout ses infrastructures.
La création des centres médicaux des armées de nouvelle génération (CMA-NG) est au coeur de cette réforme majeure. Intégrant certaines des responsabilités assumées par les directions régionales du service, amenées à disparaître, les CMA-NG seront directement subordonnés à un échelon de direction déconcentrée, la direction de la médecine des forces. En regroupant les fonctions administratives au sein de la portion centrale des CMA-NG, cette réorganisation permettra de renforcer les activités de soins, d'expertise et de préparation opérationnelle au sein des antennes médicales. Celles-ci resteront placées au plus près des forces afin de conserver la proximité indispensable à la relation de confiance sur laquelle se fonde l'action du service tant sur le territoire national qu'en opérations.
La création des CMA-NG permettra de développer de nouvelles activités en rapport avec les besoins exprimés par la population soutenue et devra à ce titre disposer de nouvelles compétences et de nouveaux équipements. Par ailleurs, le rôle croissant de la médecine de premier recours dans la coordination des parcours de soins et de santé de la population militaire verra l'émergence de nouveaux métiers, concernant particulièrement les personnels paramédicaux. Les activités réalisées au sein des CMA-NG seront encadrées par une démarche qualité actuellement en plein développement mais qu'il nous faut encore professionnaliser. Les CMA-NG devront enfin développer des activités d'enseignement et de recherche clinique dans leur domaine d'exercice, ce qui contribuera à la création d'une authentique filière d'excellence dont la médecine de premier recours militaire était jusqu'à présent dépourvue.
Ces établissements seront enfin dotés d'un nouveau système d'information, faisant du CMA-NG un CMA numérique, projet prioritaire du ministère de la Défense dans sa nouvelle politique des systèmes d'information. Ce nouveau système d'information et de communication contribuera à une meilleure performance de la médecine de premier recours militaire grâce au développement de liens étroits entre ses différents acteurs sur le territoire national comme en opération, et garantira la continuité de la prise en charge des patients militaires, quel que soit leur lieu d'emploi. Il assurera également l'interface avec les territoires de santé numériques, condition indispensable à la construction de parcours de santé militaires et civils, gages d'une prise en charge exhaustive au meilleur standard de qualité.
La composante hospitalière est celle qui va certainement connaître la restructuration la plus profonde. Les phases de transformation puis de modernisation qui se sont succédé ces dernières années n'ont que très peu concerné l'hôpital, hormis l'effort de rationalisation et de performance engagé en 2010. Ses fondements n'ont pas été repensés. Représentant plus de la moitié des ressources du service, confrontés à des difficultés croissantes pour faire face à leur mission opérationnelle comme pour trouver leur juste place au sein des territoires de santé, et peinant à garantir des conditions de travail épanouissantes à leurs personnels, les hôpitaux militaires seront inévitablement au centre de la transformation du service, dans la perspective d'un modèle hospitalier radicalement différent.
Trois résultats sont plus particulièrement recherchés. Le premier est de sécuriser le fonctionnement de l'hôpital militaire. Le second est de se conformer aux prescriptions de la LPM. En effet, seule la composante hospitalière dispose des ressources suffisantes pour réaliser les déflations de postes demandées au SSA ; elle en supportera donc la part la plus importante. Le troisième effet recherché est la transformation des autres composantes en libérant des ressources pour mettre en oeuvre le rééquilibrage prôné par le modèle SSA 2020. Cette dynamique nouvelle est à l'inverse de celle des années précédentes, où ce sont les autres composantes qui ont été mises à contribution, au prix d'une aggravation de leur situation, pour maintenir à niveau les hôpitaux militaires. Il apparaît aujourd'hui que seule une réforme structurelle pourra y parvenir.
La réforme hospitalière militaire, déclinant les principes de concentration et d'ouverture, repose sur un concept majeur : la différenciation des établissements en fonction de leur contribution au contrat opérationnel du SSA. Deux types d'établissements seront ainsi distingués.
Le premier sera composé d'établissements clairement individualisés, recentrés sur les activités nécessaires au contrat opérationnel, comme la chirurgie, la réanimation, la médecine interne ou la psychiatrie, mais disposant également des autres disciplines indispensables au bon fonctionnement des premières. Chacun de ces établissements disposera d'un service d'accueil des urgences et devra être en mesure de prendre en charge la majorité des patients admis. Ils devront à ce titre bénéficier de compétences et d'équipements adaptés, car il est essentiel de préserver la cohérence de ces établissements et de ne pas réduire leurs activités à celles-là seules qui sont utiles au soutien des forces projetées.
Les équipes projetables de ces établissements ont vocation à assurer la partie la plus contraignante du contrat opérationnel, comme l'entrée en premier sur un théâtre d'opérations ou le soutien santé des opérations spéciales, qui exigent la projection de personnels hospitaliers avec un très court préavis, imposant une disponibilité sans faille et une préparation militaire spécifique. Pour assumer cette sujétion opérationnelle potentiellement déstabilisante, les équipes médicales de ces établissements seront densifiées et inscrites dans des partenariats avec les établissements civils de leur territoire de santé.
Quatre établissements assureront cette mission. Ils seront organisés en deux plateformes : une plateforme hospitalière en Île-de-France, avec les hôpitaux Bégin à Saint-Mandé et Percy à Clamart, et une plateforme hospitalière en région PACA, avec les hôpitaux Laveran à Marseille et Sainte-Anne à Toulon. Ces établissements, qui seront en mesure de soutenir les forces en tous lieux et en toutes circonstances, assureront également la prise en charge initiale des malades et des blessés rapatriés sur le territoire national.
Ces quatre hôpitaux ne pourront cependant prétendre répondre à eux seuls aux exigences du contrat opérationnel. Les opérations militaires, en effet, ne se limitent pas à l'entrée en premier mais peuvent aussi s'inscrire dans la durée. Il est donc indispensable de disposer d'une composante complémentaire à même de régénérer les ressources du service engagées sur les théâtres d'opération. Il faut donc pouvoir disposer d'autres équipes médicales, mais avec un préavis plus long, en général de quelques mois.
Cette contribution différente au contrat opérationnel sera assurée par les hôpitaux hors plateforme que sont les hôpitaux d'instruction des armées (HIA) Clermont-Tonnerre à Brest, Desgenettes à Lyon, Legouest à Metz et Robert Picqué à Bordeaux. Au-delà de leur contribution au contrat opérationnel, ces hôpitaux auront également pour mission de répondre à la demande de soins et d'expertises spécifiques aux forces armées stationnées dans leur région. Les ressources allouées à ces établissements seront adaptées à leurs nouvelles missions. Ils connaîtront donc une réduction significative de leurs effectifs, conforme à la réduction du périmètre de leurs activités.
Enfin, pour fonctionner de façon optimale, ces établissements devront développer des partenariats très étroits avec des établissements civils de leur environnement proche. Le défi pour ces hôpitaux est de réussir leur insertion dans leur territoire de santé. Par ailleurs, il n'est pas exclu de compléter le dispositif hospitalier militaire par l'insertion d'équipes projetables au sein d'autres établissements civils, au moyen de conventions adaptées préservant leur disponibilité opérationnelle.
Je tiens à évoquer le cas particulier de l'hôpital du Val-de-Grâce ; la décision d'arrêter les activités de cet établissement prestigieux mérite d'être explicitée. Les raisons sont à la fois d'ordre intrinsèque et extrinsèque. Parmi les premières, il convient d'insister sur le défi que représentait l'importance des travaux d'infrastructure exigés au vu des normes hospitalières actuelles. Estimés à environ 200 millions d'euros, ces travaux auraient dû être menés en site occupé car une fermeture complète temporaire aurait exposé l'établissement au risque de ne plus avoir de patientèle au moment de sa réouverture trois ou quatre ans plus tard. Par ailleurs, le projet médical de cet hôpital était devenu inadapté ; certaines spécialités ne répondaient plus au besoin actuel des forces armées, comme par exemple l'hémodialyse ou la radiothérapie, tandis que d'autres activités particulièrement importantes pour le soutien des forces, comme l'accueil des urgences ou encore l'orthopédie-traumatologie, n'étaient pas représentées. Il faut enfin rappeler que l'hôpital du Val-de-Grâce est situé dans un territoire de santé où l'offre de soins est particulièrement dense et diversifiée, ce qui est de nature à compromettre son niveau d'activité.
À côté de ces raisons propres au Val-de-Grâce et à son environnement immédiat, il est important de souligner les risques que le maintien de cet hôpital aurait fait peser sur la montée en puissance de la plateforme hospitalière militaire d'Île-de-France. En effet, la dispersion de l'offre de soins militaire dans la région aurait considérablement limité les possibilités de densification des hôpitaux Percy et Bégin, et donc compromis leur aptitude à faire face aux exigences du contrat opérationnel.
Ainsi, la décision de fermeture de l'HIA du Val-de-Grâce n'est en rien une remise en question de l'excellence de cet établissement et des personnels qui y servent. Ceux-ci contribueront à la montée en puissance des deux autres hôpitaux de la plateforme hospitalière militaire d'Île-de-France. Le service de santé des armées conservera quant à lui la partie historique du site, structurée autour de l'École du Val-de-Grâce.
La mise en oeuvre de SSA 2020 ne saurait cependant se limiter à la transformation des cinq composantes du service. Les interdépendances entre les programmes de transformation étant très nombreuses, j'ai décidé la création d'une structure dédiée à l'accompagnement de la transformation du service, structure qui pilotera cinq programmes complémentaires portant sur des thématiques communes et transversales.
Les trois premiers programmes transversaux concernent les ressources du service. Le programme consacré aux ressources humaines a pour but l'élaboration d'un nouveau modèle RH du SSA. Afin de prendre en compte l'impact des déflations sur le service, ce programme devra proposer de nouveaux équilibres entre personnels militaires et civils, officiers et sous-officiers, personnels de carrière et personnels sous contrat. Les parcours professionnels devront être structurés en vue de proposer des carrières attractives, longues ou courtes, tant aux personnels déjà en place qu'aux candidats à l'engagement. L'intégration des nouveaux métiers de la santé, ainsi que les transferts de tâches, devront être intégrés et adaptés aux spécificités du service, car ils constituent un enrichissement inédit des parcours proposés aux personnels para et péri-médicaux. Une attention particulière sera attachée à la considération que tout un chacun, quel que soit son statut ou son grade, est en droit d'attendre de la part de l'institution, particulièrement en cette période de grand changement.
L'un des enjeux majeurs du modèle SSA 2020 est l'avenir de sa réserve opérationnelle. Le positionnement de celle-ci sera réévalué par rapport aux autres réserves sanitaires existant en France, qu'il s'agisse de celles gérées par l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ou de celles oeuvrant au sein des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).