Intervention de médecin général Jean-Marc Debonne

Réunion du 13 mai 2015 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

médecin général Jean-Marc Debonne, directeur central du service de santé des armées :

En ce qui concerne le recrutement, nous avons eu 1 730 candidats à la formation de praticien cette année, pour une centaine de postes. C'est exactement ce que nous avons connu les dernières années ; il n'y a donc pas d'évolution négative. Pour les infirmiers non plus.

Pour autant, tout n'est pas égal, en matière de démographie médicale, et le SSA rencontre des difficultés dans certaines spécialités, en particulier les spécialités chirurgicales. Recruter un chirurgien-orthopédiste est par exemple très difficile. Nous devons considérer avec beaucoup d'attention l'évolution de notre population de chirurgiens.

Nous recourons à des médecins étrangers dans certaines spécialités rares et sensibles, comme la neurochirurgie. Ce sont des médecins citoyens de l'Union européenne engagés sous contrat pour des durées limitées. La qualité du service est au rendez-vous.

La modification du profil des activités aura-t-elle un impact sur le recrutement ? Le service réaffirme ce pour quoi il existe. La raison pour laquelle je suis entré au SSA, c'est que ce service a longtemps pratiqué la médecine tropicale de développement, laquelle a complètement disparu de nos missions. Ce qui ne changera jamais, toutefois, c'est le soutien des forces en opération. En recentrant le service sur sa raison d'être, je ne pense pas que l'on fasse courir un risque au recrutement ou à la motivation. Ceux qui souhaitent pratiquer la pédiatrie ou la chirurgie cardiaque ne viendront plus au SSA, certes, mais force est de reconnaître que ce n'est pas là sa mission. Le fait que les gens sauront dès le départ qu'ils entrent dans ce service pour une mission opérationnelle est au contraire de nature à fidéliser le personnel.

Le service s'étant longtemps occupé des appelés du contingent, il a développé une offre de soins extrêmement vaste touchant tous les domaines de la médecine. Cela ne correspond plus du tout aux besoins actuels. Personne, cependant, ne sera renvoyé du service au prétexte de sa spécialité – nous trouverons des solutions pour chacun – mais nous devons effectuer ce recentrage car la dispersion des moyens est devenue trop importante. Quand un service de chirurgie, dans un hôpital militaire, compte quatre ou cinq chirurgiens, autant qu'un service de gastroentérologie compte de gastroentérologues, ce n'est pas cohérent avec les différentes pressions opérationnelles pesant sur ces deux types de métier. Si j'insiste sur le fait qu'un hôpital ne peut reposer seulement sur des spécialités projetables, cela ne signifie pas non plus que tout est égal et doit être développé de la même façon.

C'est pourquoi nous avons décidé de fermer la dernière maternité militaire existante, à l'hôpital Bégin, à la fin du mois de juin. Les maternités répondaient à un besoin à l'époque où le SSA était le service de toute la communauté de défense. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Le projet de nouveau service a été initié en 2012, avant même le nouveau Livre blanc et la LPM. Il ne résulte donc aucunement des contraintes budgétaires. Le modèle précédent, particulièrement dans sa composante hospitalière, était déjà en grande difficulté en 2012. Nous savons depuis une quinzaine d'années que le modèle hospitalier militaire ne résisterait pas aux évolutions du monde hospitalier en général : un hôpital de 200 à 250 lits comportant dix à quinze spécialités, avec un niveau d'activité souvent en dessous des seuils exigibles, notamment dans les spécialités d'intérêt comme la chirurgie, ne peut avoir d'avenir. Les années 2013 et 2014 l'ont confirmé de façon particulièrement claire. Après les engagements en Afghanistan, au Mali, en Centrafrique, les blocs opératoires ont perdu plus de 20 à 30 % de leur activité. On ne se relève pas d'une telle diminution d'activité durant plusieurs mois.

Un rapport a été rendu en 2011 sur l'avenir de l'hôpital militaire, à la suite des rapports de 2002 et 2010 de la Cour des comptes qui avaient déjà pointé ces difficultés. Ces rapports ont beaucoup ému, au sein de l'institution, mais leur analyse technique est inattaquable. Un petit hôpital généraliste, cela n'existe plus. La tendance est au contraire au regroupement des structures, notamment pour les activités à risque telles que la chirurgie.

C'est aujourd'hui que la qualité du service est compromise, car nous ne parvenons à maintenir nos hôpitaux à niveau qu'en paupérisant la médecine de premier recours. Le système d'information, le logiciel unique médico-militaire (LUMM), ne fonctionne quasiment pas après quinze ans d'existence, car nous n'avons pu y affecter les moyens nécessaires. De même, l'infrastructure des CMA en est restée à l'époque de la conscription : on trouve parfois à l'étage des chambres où étaient hébergés les appelés malades. Les véhicules ne correspondent plus non plus à ce que doivent être des véhicules sanitaires. Cette composante n'a pu être développée parce que l'hôpital absorbe les ressources du service, et, si rien n'est fait, il en absorbera de plus en plus, en raison des évolutions technologiques.

Le message majeur de la réforme, c'est le changement de centre de gravité. Nous avons décidé de faire porter l'effort sur la médecine de premier recours. Cela ne dégradera pas l'hôpital. Nous avons conservé une composante hospitalière d'une telle ampleur que c'est au sein de cette composante que nous trouverons la ressource pour satisfaire aux attentes de la LPM. Malgré ces ressources importantes, la fonction hospitalière est en difficulté en raison de sa structure et de son organisation. En la réorganisant, nous la pérennisons et la renforçons, tout étant à même de renforcer la médecine de premier recours.

Les quatre hôpitaux de plateforme seront densifiés, leurs effectifs et leurs équipements accrus. Ces quatre hôpitaux doivent résister à la fois au choc de l'évolution des techniques hospitalières et au choc de l'engagement opérationnel. Nous ne pouvions prétendre cela pour neuf hôpitaux, et ce n'est d'ailleurs pas nécessaire : nous n'avons pas besoin de neuf hôpitaux militaires pour soutenir les engagements, y compris dans le contexte actuel.

Notre présence en Afrique a changé. La présence du SSA est désormais exclusivement tournée vers le soutien des forces. Cette présence, dans le cadre des opérations Barkhane et Sangaris, qui consomment une part importante de nos ressources, est stable. Nos relations avec les services de santé des armées africaines sont revisitées : nous ne sommes plus en coopération, nous sommes des partenaires sur des théâtres d'opérations et nous tâchons d'établir une bonne interopérabilité.

Ces cinq dernières années, le nombre de cas déclarés de stress post-traumatique et de troubles psychiques n'a pas augmenté, après plusieurs années de forte augmentation. Il se situe actuellement autour de 300 cas par an. On est encore loin d'avoir cerné tous les aspects du sujet, qui a considérablement modifié l'activité des services psychiatriques militaires. Le SSA en est actuellement à son troisième plan d'action. Il existe au sein de la direction centrale un bureau qui coordonne l'ensemble des services médico-psychologiques des armées.

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