Intervention de Bernadette Malgorn

Réunion du 5 décembre 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Bernadette Malgorn, présidente de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, ONZUS :

Permettez-moi de rappeler brièvement que l'ONZUS a été créé par la loi du 1er août 2003, dont les principales dispositions ont été prises à la suite d'un rapport de la Cour des comptes qui a également inspiré le programme de cohésion sociale et la mise en oeuvre de la rénovation urbaine. L'idée était de répondre à un besoin de connaissance et de mettre en place un outil d'observation en même temps que de nouvelles politiques. En annexe de la loi étaient ainsi prévus des indicateurs dans sept catégories distinctes, dont l'Observatoire était chargé de suivre l'évolution. Les données correspondantes n'étaient pas immédiatement disponibles ; les premières années suivant la promulgation de la loi de 2003 ont donc été consacrées à leur élaboration au niveau des ZUS qui existaient, elles, depuis 1996. Ce travail a suscité des interrogations sur les périmètres d'intervention, qui sont reprises aujourd'hui dans la concertation nationale engagée, par le ministre François Lamy, sur la réforme de la géographie prioritaire. Le neuvième rapport de l'ONZUS repose sur des sources hétérogènes : certaines de nature structurelle – comme le recensement – ; d'autres sont plus conjoncturelles. Il s'agit d'enquêtes spécifiques comme celle sur les trajectoires et origines, qui permet de prendre en compte l'immigration, réalité longtemps occultée. Au-delà de ces enquêtes, l'Observatoire exploite désormais un panel qui vient de faire l'objet d'une deuxième photographie, ce qui permettra, là encore, de disposer de données conjoncturelles.

En ce qui concerne les résultats de ce neuvième rapport, quel constat peut-on dresser ? En premier lieu, on observe que les indicateurs ne bougent pas beaucoup. L'esprit qui a présidé à la mise en place de l'ONZUS était d'observer une réduction de l'écart entre la situation en ZUS et la situation de l'agglomération à laquelle elle appartient. Or, tel n'est pas le cas : chaque année, on constate que le taux de pauvreté en ZUS est trois fois plus élevé que dans le reste de l'agglomération dans laquelle elle est située et que le taux de chômage y est le double. Progressivement, l'Observatoire s'est forgé un indicateur – le revenu fiscal médian – qui est révélateur de ces évolutions. Toutefois, on constate un ancrage dans la pauvreté, non pas de la population des ZUS, mais des territoires : il existe, en effet, des mobilités qui viennent contredire l'image de « ghetto ». Ainsi, la moitié de la population qui réside actuellement en ZUS n'y résidait pas il y a six ans, ce qui signifie que la population de ces quartiers change. Les personnes qui quittent les ZUS ont atteint des niveaux d'intégration, en moyenne, supérieurs à celles qui y résident tandis que les « nouveaux entrants » sont en situation de plus grande précarité. Il y a donc concentration des populations en difficulté au sein des ZUS mais ces populations sont mobiles. Certains bailleurs sociaux ont estimé qu'il convenait d'atténuer la portée de cette mobilité mais, en réalité, l'écart entre la mobilité observée en logement locatif social et celle constatée tous logements confondus (propriétaires occupants, parc HLM et parc locatif privé) est très faible. Un autre bémol doit être introduit quant à la composition de la population résidant en ZUS. On cite fréquemment le taux de chômage qui affecte les jeunes et qui atteint effectivement près de 40 % des jeunes actifs, soit le double de celui enregistré hors ZUS. Mais, pour analyser précisément la situation des jeunes, il est préférable de la comparer à celle de l'ensemble d'une génération : certains jeunes sont, en effet, encore en formation ou poursuivent des études. Le taux de chômage représente alors un jeune sur sept. La principale difficulté est en réalité de repérer ceux qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en demande d'emploi afin de pouvoir éventuellement mettre en place des actions adaptées en leur faveur. On observe, en outre, une différence accrue entre les garçons et les filles sur le marché du travail : alors que les garçons restent sur ce marché, les filles ont tendance à s'en retirer. Ce phénomène où elles ne sont ni emploi, ni au chômage, correspond bien souvent à une situation de « retour à la maison », en dépit de résultats scolaires bien souvent supérieurs à ceux des garçons. Ce retrait des filles, résidant en ZUS, du marché du travail est une réalité nouvelle, qui pose, là encore, la question d'une action spécifique dans leur direction.

S'agissant des politiques publiques, un « coup de chapeau » doit être adressé à l'éducation nationale quand on compare notamment le taux de réussite attendu en fonction de la catégorie socioprofessionnelle des parents et le taux de réussite scolaire observé. Des efforts importants ont été réalisés en faveur des établissements situés en ZUS mais aussi en faveur des élèves dont les familles résident en ZUS et qui ont pu étudier dans un établissement extérieur. Enfin, il faut souligner l'existence d'une perception des discriminations supérieure en ZUS par rapport au reste de l'agglomération, en lien avec une population immigrée plus importante dans ces quartiers. Plus de la moitié de la population de 18 à 50 ans en ZUS est en effet immigrée ou descendante d'immigrés. Au-delà de facteurs structurels liés, par exemple, à l'éloignement d'un bassin d'emplois ou la desserte en transports, on constate qu'un facteur « non expliqué » de discrimination à l'emploi subsiste qui reflète un problème lié à l'origine ou à la couleur de peau de la personne.

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