Je vous remercie M. le président et je répondrai dans l'ordre des questions qui m'ont été posées.
Tout d'abord, il n'y a pas que les personnes résidant en ZUS qui sont touchées par la précarité, une exclusion relative dans l'accès aux services publics ou à l'emploi, par une moins grande qualité de vie. L'ONZUS est concerné au premier chef par cette dimension. Je rappelle qu'une mission a été lancée par Mme la ministre en charge de l'égalité des territoires qui souhaite créer ce qui pourrait être un « Commissariat général à l'égalité des territoires » et qui regrouperait notamment l'actuel SG-CIV (Secrétariat général du Comité interministériel des villes) et la DATAR. J'ai, à ce titre, été auditionnée par les membres de cette mission de préfiguration, conduite par M. Thierry Wahl. Sans préjuger des résultats, je souhaiterais seulement indiquer que lorsqu'on veut fusionner des organismes entre eux, il faut veiller à le faire au moment propice : il est en effet illusoire de penser que la culture d'un organisme pourrait ainsi disparaître purement et simplement au profit de l'autre, que l'une serait sans difficulté absorbée par l'autre. À mon sens, il est encore trop tôt pour considérer que la politique de la ville est suffisamment rentrée dans le droit commun pour en faire une simple politique globale d'égalité des territoires.
Sur les moyens affectés à la politique scolaire dans les ZUS, cela pose une question qui avait déjà été soulevée par les CUCS (contrats urbains de cohésion sociale) expérimentaux et qui va l'être de nouveau à la faveur de ces conventions d'objectifs que souhaite conclure M. François Lamy avec les différents ministères : la question consiste à savoir de quelle manière on va mobiliser le droit commun de l'État et des collectivités territoriales compétentes chacune dans leur domaine ? Si l'on souhaite par exemple répartir autrement le temps de l'enfant par rapport notamment à son temps de scolarisation, on va évidemment s'en remettre aux collectivités territoriales qui sont compétentes en la matière. Or, ce sujet, également traité par l'État, ne pourrait-il pas être abordé de manière spécifique dans les ZUS ? Je le pense très sincèrement et ce serait à mon sens un très bon angle d'attaque. De ce point de vue, la combinaison entre la politique de droit commun et les besoins spécifiques pouvant exister par ailleurs est certainement un très bon point d'entrée.
En ce qui concerne les activités commerciales appelées à se développer dans ces zones, on a été auditionné par la mission de l'Assemblée nationale relative aux zones franches urbaines. Il existe un besoin pour renforcer l'attractivité des ZFU (la première génération de ZFU ayant eu, je le rappelle, un impact réellement positif) mais il faut également s'occuper de l'accompagnement ; à ce titre, on a besoin d'une véritable ingénierie technique, comme peut par exemple la dispenser l'EPARECA. Il faut également un accompagnement qui puisse concerner l'animation locale, car les résultats d'une telle politique varient selon le lieu considéré.
Nous n'avons pas spécifiquement étudié le sujet du CV anonyme, qui est un sujet important ; nous prévoyons d'ailleurs de le faire dans les mois à venir, au regard notamment des résultats qu'ont pu donner certains « teasing ».
Lorsqu'on étudie l'habitat dégradé, on constate que les ZUS ont de grands ensembles de logement social mais elles comprennent également des copropriétés privées, de l'habitat insalubre… On ne pourra pas, à mon avis, parler de réhabilitation des quartiers dans les ZUS si rien n'est fait par ailleurs : il faut agir non seulement sur le logement locatif social mais aussi sur la mixité urbaine qui a été, je le rappelle, une des idées de base de la rénovation urbaine.
En matière de sécurité, les études montrent que la délinquance n'est effectivement pas plus importante dans les ZUS qu'ailleurs. Mais je rappelle tout d'abord que les statistiques administratives dont nous disposons se fondent sur les plaintes enregistrées : si les gens ne portent pas plainte, les résultats s'en trouvent faussés. De plus, certains délits, que l'on pourrait qualifier de « délits lucratifs », n'existent pas dans ces quartiers car ils n'offrent pas les mêmes tentations que des quartiers plus riches. Cela dit, le sentiment d'insécurité réside non seulement dans le ressenti mais aussi dans le fait d'avoir été soi-même victime et là, dans les ZUS, on se rend compte que les réponses positives sont légèrement supérieures à celles que l'on peut obtenir ailleurs.
Pour répondre à M. Pupponi, il faut effectivement que les objectifs soient bien déterminés mais il faut également qu'on mène des politiques claires. Dans le rapport que nous avons fait cette année, on a consacré un chapitre spécifique et détaillé au « retour sur les indicateurs de la loi de 2003 ». Le fait est qu'on n'a pas pu suivre un certain nombre d'indicateurs car ils sont liés à des données censitaires (et, dans ce cas, il faut attendre le prochain recensement pour les actualiser) ou ils sont tout simplement victimes de l'absence d'observations administratives. Avec la mise en place de nouvelles politiques et de nouveaux zonages, on va demander une mobilisation de tous les outils existants mais aussi d'outils nouveaux que nous ne pouvons personnellement pas mettre en oeuvre.
Sur la réforme de la géographie prioritaire, on peut considérer que notre territoire comprend trois grandes zones. La première, c'est l'outre-mer, qui compte un type d'habitat et de population qui ne répondent pas aux mêmes exigences, ni aux mêmes types d'intervention que dans le reste du pays. La deuxième, c'est l'Île-de-France : un ensemble tout à fait particulier qui réclame une approche spécifique, notamment par rapport au DALO. La troisième, c'est le reste de la métropole dans laquelle il reste des points durs : ainsi, la région PACA (Provence Alpes Côte d'Azur) est une des régions où, compte tenu de la situation de l'emploi et de la sécurité, les ZUS sont dans une situation particulièrement difficile ; par ailleurs, la région Nord Pas-de-Calais est également très spécifique en raison, cette fois-ci, d'une indéniable paupérisation de sa population et d'un état de l'habitat spécifique. A contrario, on a été étonné de constater que la région Rhône-Alpes, pourtant traditionnellement difficile, avait fait d'indéniables progrès grâce, notamment, à une approche d'agglomération sur l'agglomération lyonnaise qui a permis d'obtenir de très bons résultats.
Quant à l'articulation entre l'observation nationale et l'observatoire local, l'observatoire fait les deux et s'appuie pour ce faire sur une très grande diversité de statistiques. On a d'ailleurs, dans le cadre de la réforme opérée au sein de l'observatoire lui-même, intégré des représentants des réseaux d'observatoires locaux et, ainsi, renforcé l'articulation avec le plan national. Sur le degré de précision que réclamait M. Piron, on a effectivement inséré des indicateurs dans notre rapport mais la précision dépend avant tout du niveau des sources. Pour ce qui relève du macroéconomique, on se fonde sur les « enquêtes ménages » alors que pour le microéconomique, on recourt davantage aux fichiers administratifs. Les politiques à mettre en oeuvre doivent tenir compte aussi bien des populations que des territoires : ce qui compte, c'est l'endroit où l'on met le curseur. C'est la même chose entre la géographie contractuelle et la géographie réglementaire ; or, ce qui est fixe, c'est la géographie réglementaire. Cette dernière est nécessaire dès lors que l'on est face à des mesures relevant du domaine de la loi : prenez le cas de dispositifs fiscaux ou d'exonérations sociales, il est impossible de passer par une convention entre le Gouvernement et les collectivités territoriales. Il faudrait sans doute fixer un noyau dur entériné par le Parlement et prévoyant des dispositifs spécifiques mais pour le reste, plus la géographie est contractuelle, à condition que les engagements des ministères et des collectivités soient tenus, plus il est facile de s'adapter à l'évolution de la situation.
Mme Allain a évoqué l'aspect « intégration » dans l'établissement des zonages, ce qui renvoie nécessairement à la question de l'intégration sociale des populations immigrées. A cet égard, il est nécessaire de mener une réflexion sur l'articulation entre les politiques d'intégration, ciblées sur les familles primo-arrivantes qui sont suivies durant les cinq premières années après leur arrivée, et les politiques de la ville qui ne doivent pas négliger l'importance de poursuivre un accompagnement centré sur l'intégration à l'issue de cette période. A cela s'ajoute évidemment l'enjeu de l'inclusion sociale, qui concerne tant les familles d'origine immigrée que les familles les plus pauvres, confrontées à des difficultés sociales bien qu'épargnées par les problèmes linguistiques ou culturels. Ainsi, il convient de prendre en compte ces deux aspects et de bien les articuler. Au-delà, la question du zonage fait également écho à celle de l'image des quartiers. L'effet quartier est indéniable même si, j'en profite pour répondre à Mme Dubié, un tiers de l'écart constaté s'explique par quatre facteurs dont, par exemple, l'éloignement ou la desserte en transport, que nous n'avons pas pu mesurer précisément. Toutefois, nous savons qu'un facteur résiduel demeure, qui est lié à aux discriminations.
En réponse à M. Reynier sur les moyens, même si j'ai déjà répondu sur certains points, les annonces formulées hier par le ministre François Lamy en faveur d'un conventionnement au niveau ministériel constitue certainement une première étape. Néanmoins, pour que cela marche complètement, il faudrait décliner ces orientations au niveau local avec l'ensemble des collectivités responsables afin qu'elles ne soient pas amenées à intervenir soit moins, soit de façon spécifique dans des zones qui ont des difficultés particulières mais aussi des problèmes communs avec les autres régions.
Mme Dubié m'avait également interrogée sur la prédominance de l'orientation scolaire vers la voie professionnelle. En réalité, ce n'est pas l'ampleur de ce phénomène qui doit susciter l'inquiétude, car cette voie offre normalement autant de possibilités que les voies générale ou technologique. En revanche, ce que nos analyses montrent, c'est la concentration, tant des garçons que des filles, sur des filières qui ne présentent pas autant de débouchés qu'attendus. C'est plutôt ce point qui nous inquiète et sur lequel il nous faut être attentif. Quant au resserrement des ZUS, la combinaison des approches géographique et contractuelle devrait permettre de répondre à votre préoccupation : si la concentration de la géographie réglementaire est sans doute plus forte, la géographie contractuelle offre davantage de possibilités d'adaptation et de souplesse.