Intervention de médecin en chef Claudy Berthelot

Réunion du 12 mai 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

médecin en chef Claudy Berthelot, responsable d'antenne médicale à Rennes :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres de la commission de la Défense nationale et des forces armées, je prends la parole en tant que secrétaire élue de la dernière session du mois d'avril qui a rendu l'avis sur le projet de loi à l'origine de notre présence.

Nous tenons à vous adresser nos remerciements pour cette invitation à nous exprimer, au nom du Conseil supérieur de la fonction militaire, sur la liberté d'association des militaires et la concertation. C'est en effet la première fois depuis la création du CSFM, en 1969, que ses membres sont auditionnés sur un sujet qui modifiera durablement la concertation au sein des forces armées.

En nous invitant à nous exprimer sur ce sujet, vous avez répondu favorablement à un souhait du Conseil formulé dans son dernier avis : pouvoir être entendu par la représentation nationale. Nous prenons cette audition comme la preuve de la considération que vous accordez au CSFM et à son devenir dans le cadre d'une évolution future.

Avant d'aborder l'avis rendu lors de la quatre-vingt-douzième session bis, nous ferons un bref rappel des étapes qui ont abouti à ce texte.

Lors de la quatre-vingt-dixième session au mois de décembre 2013, le Conseil a rendu un avis sur la rénovation de la concertation, conformément à la volonté du Président de la République d'ouvrir ce chantier. Le Conseil s'est montré prudent et peu innovant en affirmant son attachement au mode actuel de désignation des membres des Conseils de la fonction militaire (CFM) et du CSFM. Il s'est prononcé contre un emploi à temps plein des membres au sein du Conseil, tout en faisant le constat de leur manque de formation et de la nécessité de travailler en commission en amont des avis rendus sur les textes de portée statutaire. Enfin, il a exprimé le sentiment d'un manque général de reconnaissance à l'égard de ses membres.

Au mois de septembre 2014, le groupe de travail sur la citoyenneté des militaires commence à amorcer un tournant en proposant de façon unanime la possibilité d'exercer un mandat électif local sans détachement systématique, ainsi que la possibilité d'adhérer à un parti politique sans y exercer des responsabilités.

Ces deux propositions, formulées avant le rendu des arrêts de la CEDH sur le droit d'association des militaires, n'étaient pas l'expression d'une revendication de longue date mais le fruit d'une réflexion exhaustive qui conduisait au constat de la difficulté des militaires à se faire entendre dans la société d'aujourd'hui.

Le Conseil, lors de la quatre-vingt-douzième session en décembre 2014, en travaillant sur les implications des arrêts de la CEDH sur le dialogue interne des militaires, a tenté de définir les contours et le rôle des associations professionnelles de militaires et a opéré un véritable basculement en proposant une capacité de négociation pour le CSFM ainsi que l'extension de son champ de compétences au fonctionnement et à l'organisation tout en excluant le champ des ressources humaines individuelles qui comprend la mutation, la notation et l'avancement.

Il s'est prononcé en faveur d'un développement de la professionnalisation de ses membres par davantage de formation et de disponibilité. Les résultats de ces débats ont été remis à M. Bernard Pêcheur par une délégation du CSFM.

Finalement, lors de sa session d'avril dernier, le Conseil a émis un avis favorable au projet de loi relatif aux associations professionnelles nationales de militaires (APNM) et à la concertation, approuvant ainsi l'intégration des APNM au sein du CSFM.

Le Conseil s'est aussi prononcé en faveur du maintien du couplage des ordres du jour des CFM et du CSFM. Il a considéré que l'étude systématique de tous les textes permet à chaque CFM de porter un avis lié à la culture d'AFR (armée ou formation rattachée) de chacun et qui éclaire les membres du CSFM pour une préservation de la condition militaire.

Le découplage envisagé dans le rapport Pêcheur a été ressenti comme un risque de perte de considération des CFM. Malgré une potentielle professionnalisation des membres du CSFM, les avis des différents CFM peuvent continuer à nourrir la réflexion des membres du CSFM.

Même si ce n'était pas l'objet de la loi, le Conseil s'est prononcé en faveur du maintien de l'effectif actuel, considérant que la logique proportionnelle démographique permettait une représentation fidèle des différentes catégories de personnels et des AFR.

Le Conseil n'a pas remis en cause le droit d'ester en justice des APNM, considérant, à l'instar du rapport de M. Pêcheur, que c'est là un mode d'action qui touche à l'essence du droit syndical au sens de la CEDH et qui ne peut pas être restreint. La possibilité d'ester en justice, notamment contre les décisions individuelles portant atteinte aux intérêts collectifs de la profession, est comparable aux droits accordés aux syndicats de fonctionnaires.

Le Conseil a souhaité reprendre le droit de se constituer partie civile tel qu'il apparaît dans le rapport Pêcheur, c'est-à-dire exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant des faits dépourvus de lien avec des opérations mobilisant des capacités militaires.

La participation des futures associations doit être envisagée comme un complément au système actuel de concertation au profit de la défense et de la promotion de la condition militaire, dont la responsabilité appartient en premier lieu au chef. Cela entraînera probablement une modification de notre fonctionnement. Les membres ont conscience d'une nécessaire professionnalisation du CSFM.

Se pose la question du droit d'expression desdits membres puisqu'il risque d'apparaître un décalage entre la pratique des associations, personnes morales de droit privé, et des autres militaires. Tout cela contribue à faire craindre l'apparition d'un système à deux acteurs et à deux vitesses, qui verrait l'un s'éteindre au profit de l'autre, faute de mode d'action équivalent.

Enfin, le CSFM, par la voix de ses membres ici présents, réitère son profond attachement à la défense et à la promotion de la condition militaire dont il souligne tout l'intérêt de sa définition dans le projet de loi. Il confirme, s'il en était encore besoin, son rejet de toute forme de syndicalisme et d'action collective. Cela pourrait mettre en péril l'unité et la cohésion des forces armées, affectant ainsi l'efficacité des missions opérationnelles, tant sur le territoire national qu'à l'étranger.

En conclusion, les membres du Conseil ici présents considèrent que le projet de loi représente un compromis équilibré au vu de l'arrivée des APNM dans le système de la concertation actuelle et souhaitent par ailleurs que les conclusions du CSFM relatives à la citoyenneté des militaires – éligibilité aux élections locales, adhésion à un parti politique – puissent faire l'objet d'une étude par la représentation nationale.

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