C'est en 2011, lorsque la délivrance subreptice de permis exclusifs de recherches de gaz de schiste provoqua une vague d'indignation et souleva plusieurs territoires, dont le plateau du Larzac et le couloir rhodanien, que s'est imposée à tous l'impérieuse nécessité de réformer le code minier. Dès le 22 avril, la ministre de l'écologie Nathalie Kosciusko-Morizet commandait à l'avocat Arnaud Gossement un rapport en ce sens. Le 5 septembre 2012, le conseiller d'État Thierry Tuot était saisi officieusement par Jean-Marc Ayrault de l'organisation de la concertation des parties prenantes, puis, le 14 février 2013, il était officiellement missionné pour élaborer un projet de code minier conforme aux orientations retenues en conseil des ministres : modernisation du modèle français fondé sur le rôle de l'État concédant ; application des principes constitutionnels de la Charte de l'environnement ; protection de l'environnement et garantie de la sécurité des travailleurs et de la sécurité publique ; fiscalité plus favorable aux territoires concernés ; prise en compte des spécificités ultramarines. Le 9 décembre 2013, le groupe de travail, comprenant ONG environnementales, syndicats et représentants de l'industrie, livra au Gouvernement un projet de texte soutenu par tous.
Face aux enjeux soulevés par les défaillances du code minier, le Parlement n'est pas resté inactif et la Commission du développement durable de l'Assemblée nationale a toujours joué un rôle déterminant à travers des travaux tels que le rapport d'information sur les gaz de schiste de Philippe Martin et François-Michel Gonnot, la proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique, la loi relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public, dont Sabine Buis était rapporteure et qui, dans son article 4, renforçait la participation du public dans la procédure d'octroi des titres miniers. Fin 2013, nous avons pris la décision de constituer un groupe de travail sur la réforme du code minier réunissant des représentants de tous les groupes. Celui-ci, sur la base des conclusions du groupe de Thierry Tuot, a auditionné les principales organisations et personnalités engagées dans cette réforme.
Si nos débats ont vu se confronter des approches différentes, les désaccords constatés sur des questions précises – relance de la recherche d'hydrocarbures, droit de suite entre exploration et exploitation, fiscalité sur l'exploitation –, n'ont jamais remis en cause le constat partagé d'une réforme nécessaire autant à la protection de l'environnement qu'à la sécurisation de l'activité minière. Dix points de conclusion ont retenu notre attention, et pour ceux ne faisant pas l'objet d'un consensus, j'ai fait le choix de laisser la question ouverte.
Rarement projet de loi n'aura bénéficié d'un temps de préparation aussi étendu, d'études d'impact aussi fouillées, de document préparatoires aussi nombreux. Soumise à un code minier obsolète, l'industrie extractive, dont l'activité est assise sur le long terme, ne peut arrêter sa stratégie de développement. Le temps est venu de légiférer ; un projet de loi doit être déposé dans les meilleurs délais. Eu égard à l'investissement de ses membres depuis l'origine de la réforme du code minier, notre commission du développement durable doit jouer un rôle central. Le caractère environnemental affirmé de cette réforme lui en donne naturellement la compétence, et c'est d'ailleurs vers elle qu'ont été renvoyés tous les textes parlementaires en relation avec le droit minier depuis le début de la législature.
Le recours aux ordonnances envisagé par le Gouvernement n'est pas illogique pour les simples modernisations, adaptations de cohérence et autres toilettages. Toutefois, les membres du groupe de travail ont considéré que devaient être sorties de ce champ les dispositions hautement politiques touchant aux principes du code minier, à la procédure minière, à l'outre-mer et à la fiscalité.
L'opportunité d'un rapprochement entre le code minier et le code de l'environnement n'a pas fait consensus. Le premier ayant vocation à réglementer une exploitation et le second à protéger l'environnement, la divergence des objectifs justifie une séparation.
L'idée, issue de la tendance à la décentralisation, de confier la compétence minière aux collectivités territoriales a rapidement été abandonnée, à l'unanimité ou peu s'en faut. S'il est admis que les ressources du sous-sol constituent le patrimoine de la nation, il y aurait quelque incohérence à donner aux collectivités une compétence décisionnelle sur leur exploitation. La politique minière doit demeurer une compétence de l'État.
Le groupe de travail a été très intéressé par la proposition de Thierry Tuot de recourir, dans certains cas, au groupement momentané d'enquête (GME), une procédure innovante visant à renforcer l'information et la participation du public.
Les difficultés rencontrées en 2010, lors de la délivrance de permis exclusifs de recherches, ont révélé le caractère insatisfaisant des demandes déposées auprès du ministre de l'écologie. Conformément au code minier en vigueur, celles-ci ne faisaient mention que de la matière prospectée : M pour métal, H pour hydrocarbures, sans beaucoup plus de précision. Le groupe de travail souhaite que les dossiers de demande de permis minier soient désormais plus explicites et que, en conséquence, les permis soient délivrés pour des produits mieux identifiés.
Proposé par la commission Tuot, le recours au rescrit lors de l'attribution d'un titre minier, qui conduirait la cour administrative d'appel à juger de la procédure suivie, accélérerait et sécuriserait grandement les procédures minières au bénéfice des citoyens comme des industriels. Néanmoins, nous devons nous interroger sur l'immixtion du juge administratif dans les prérogatives du pouvoir exécutif.
L'une des difficultés du droit minier actuel tient à la délivrance quasi automatique d'une concession minière à tout détenteur d'un permis exclusif de recherches dont la prospection se révèle fructueuse. Si, aujourd'hui, certains considèrent que ce droit de suite ne doit pas perdurer, les opérateurs économiques comme le groupe de travail attendent du nouveau code minier qu'il procure un cadre à l'activité extractive, non qu'il multiplie les obstacles à son développement.
Enfin, doit-on, dans la logique du choc de simplification décidé par le Président de la République, accepter qu'au bout de deux mois, le silence de l'autorité administrative vaille acceptation, comme le propose la commission Tuot ? Adviendrait alors la délivrance de titres implicite, uniquement fondée sur l'absence d'instruction et de réponse de l'administration. Si le groupe de travail a jugé séduisant ce principe, il a préféré attendre la rédaction finale du projet de loi pour se prononcer.
Je conclus en disant ma satisfaction – j'espère qu'elle ne sera pas déçue – que l'examen de cette réforme se stabilise sur l'automne 2015. En effet, le 18 mars dernier, les ministres chargés de l'économie et de l'écologie ont conjointement annoncé le début du processus de consultation sur un avant-projet de loi, prélude à une saisine du Conseil d'État et à un dépôt sur le Bureau de l'Assemblée pour la rentrée prochaine.