Madame la ministre de la culture et de la communication, il y a quelques semaines, la direction de la chaîne de télévision Numéro 23 a annoncé la vente de celle-ci. Cette transaction nous interroge. Elle constitue en effet, purement et simplement, une spéculation sur un bien public. La fréquence a été attribuée en juillet 2012 ; la chaîne a commencé à émettre en décembre 2012 ; et, dès le début de l’année 2015, la décision de vente a été annoncée. Comment peut-on raisonnablement croire que l’intention de vendre n’était pas, dès 2012, dans l’esprit des actionnaires ? Comment peut-on admettre qu’une chaîne ayant bénéficié d’une fréquence accordée gratuitement puisse faire l’objet d’une vente à hauteur de 88 millions d’euros, après seulement deux ans d’existence ? Comment justifier ce montant avec une qualité des programmes inexistante et un audimat très faible ?
En 2013, le Parlement a instauré une taxe sur les plus-values réalisées lors des ventes de chaînes. Le Sénat vient de proposer un renforcement du dispositif. Est-ce suffisant ? Ce dispositif mériterait d’être encore renforcé et enrichi par la fixation, dans la loi, une durée minimale de détention. Plus largement, il pourrait être opportun de conférer au Conseil supérieur de l’audiovisuel un pouvoir décisionnel accru en ce domaine. Nous devons agir pour l’avenir, certes, mais nous devons également agir pour l’opération en cours. La jurisprudence du Conseil constitutionnel nous conforte en ce sens, en ne reconnaissant pas le principe de confiance légitime, d’une part, et en autorisant le législateur à adopter des dispositions fiscales rétroactives, d’autre part. Madame la ministre, pouvez-vous accepter cette vente à 88 millions d’euros sans réagir ?