Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 26 mai 2015 à 15h00
Dialogue social et emploi

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Monsieur le président, cher monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les députés, la grande ambition du modèle social français, c’est de donner à chacun de nos concitoyens la possibilité de s’épanouir dans une société qui ne conçoit pas de se construire sans chacune et chacun d’entre eux. Évidemment, au coeur de cette promesse, il y a le travail, parce que le travail, c’est d’abord du lien social, mais aussi le fondement de notre protection sociale. De ce point de vue, l’activité, le travail n’est pas seulement la rétribution d’un effort : c’est aussi le moyen de l’émancipation individuelle et collective, le moyen de se construire et de développer une vie personnelle.

La responsabilité d’un gouvernement de gauche est de prendre en compte les évolutions de la société pour faire en sorte que le travail soit toujours valorisé, dans un contexte qui évolue. C’est bien le sens de la prime d’activité, dont la création figure au titre IV de ce texte porté par François Rebsamen. La crise a considérablement fragilisé le lien de nos concitoyens avec le travail, pas simplement parce qu’il y a du chômage, parce que l’inquiétude de ne pas avoir d’emploi, de ne pas en retrouver est évidemment très forte chez un nombre important de Français, mais aussi parce que, de manière paradoxale, il y a, pour un certain nombre de nos concitoyens, l’impression, le sentiment, l’inquiétude, – en fonction des situations – que la reprise d’une activité pourrait s’accompagner d’une précarisation accrue.

De fait, la reprise d’une activité, ce sont aussi, parfois, des contraintes et des coûts supplémentaires : des frais de transport, des frais de garde d’enfants, parfois des frais d’équipement. Nous devons donc faire en sorte que la reprise de l’activité soit toujours valorisée, et que plus un de nos concitoyens ne s’interroge sur son utilité, sur la capacité qu’il peut avoir à reprendre le chemin de l’activité ou d’une activité plus importante. C’est pour cela qu’à travers la prime d’activité, nous nous adressons à ceux qui perdent le bénéfice du revenu de solidarité active – le RSA socle – pour reprendre quelques heures de travail, voire davantage, ainsi qu’à ceux qui ont un emploi à temps partiel et qui ont la possibilité, par exemple, de trouver un emploi à temps plein.

La prime d’activité exercera son plein effet au profit de ceux de nos concitoyens qui perçoivent une rémunération comprise entre 900 et 1 300 euros par mois. La cible est donc bien identifiée. Les dispositifs qui existent, plus ou moins récents – parce qu’en effet, il en existe – fonctionnent mal. De fait, la prime pour l’emploi était perçue par des salariés qui ne savaient pas toujours pourquoi, et qui la percevaient avec un an de retard, de manière relativement éparse et, parfois, pour des montants très limités. Quant au RSA activité – comme nous l’avions souligné lors de sa mise en place –, il renvoyait paradoxalement du côté des revenus d’assistance des hommes et des femmes qui travaillaient. Lorsque nos concitoyens entendaient « RSA activité », ils comprenaient « RSA », plus qu’ « activité ». L’objectif recherché n’a pas été atteint : nous savons que des Français ont préféré ne pas demander le bénéfice du RSA activité, en raison de leur fierté du travail, de l’activité, et de leur souhait que cette fierté soit reconnue.

La cible principale de la prime d’activité, j’y insiste, concerne les personnes percevant de 900 à 1 300 euros de revenus, ce qui ne signifie pas que les personnes gagnant moins ne perçoivent aucune prime. L’enjeu est aussi de reconnaître qu’il y a des Français qui travaillent, gagnent par exemple le SMIC, et ont l’impression de ne plus cocher les cases de la reconnaissance sociale. Ils gagnent « trop » – j’emploie des guillemets – pour pouvoir bénéficier des aides sociales qui s’adressent aux plus démunis, mais ne gagnent pas assez pour payer des impôts – ce qui est on ne peut plus logique – et ne pourront donc pas bénéficier des baisses d’impôts qui vont s’appliquer, à la rentrée prochaine, aux contribuables concernés par la première tranche d’imposition. Il y a donc une partie importante de Français qui gagnent trop pour bénéficier des aides sociales mais pas assez pour profiter des baisses fiscales.

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