Intervention de Jean-Patrick Gille

Séance en hémicycle du 26 mai 2015 à 15h00
Dialogue social et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie pour avis de l’article 20 du projet de loi qui, traduisant la volonté du Gouvernement de trouver une solution pérenne aux crises récurrentes dans le spectacle vivant, confère une base législative au régime d’indemnisation au titre de l’assurance chômage des intermittents du spectacle,

Ce régime particulier est justifié par la discontinuité spécifique de l’emploi, liée à l’économie de projet des artistes et des professionnels du spectacle vivant ou enregistré. Il trouve sa traduction dans l’existence des annexes VIII et X à la convention d’assurance chômage, annexes reconduites à chaque négociation entre partenaires sociaux interprofessionnels, mais qu’il serait, en droit, possible de remettre en cause, ce qui ne crée pas les conditions propices à apaiser les inquiétudes des professionnels concernés, d’où l’inscription dans la loi du principe de l’existence de règles spécifiquement applicables aux intermittents.

Cela reprend en fait l’une des principales préconisations contenues dans le rapport que nous avons remis, Hortense Archambault, ancienne codirectrice du festival d’Avignon, Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’État, et moi-même le 7 janvier 2015 au Premier ministre. Nous avions alors esquissé un scénario de sortie de crise de nature à bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle, scénario dont les grandes lignes sont reprises par les quatre points qui structurent l’article 20.

Premier point : la consécration législative de l’existence de règles spécifiques pour l’indemnisation chômage des intermittents, qui permettra d’apaiser les discussions et de donner un cadre clair aux parties prenantes, tout en maintenant ce régime dans la solidarité interprofessionnelle.

Cette sanctuarisation ne signifie cependant pas qu’il sera accepté de recourir excessivement à l’intermittence, d’où l’obligation de réexaminer les listes d’emplois pouvant être pourvus en CDD d’usage – c’est le deuxième point. Cette disposition ne doit surtout pas être, comme c’est parfois le cas aujourd’hui, interprétée à tort comme une autorisation de recruter en CDD d’usage tous les personnels occupant un emploi figurant sur ces listes. Un tel recrutement doit en premier lieu répondre aux critères du CDD et les employeurs doivent être incités à recruter en priorité en CDI dès que c’est possible ! Ce sera d’ailleurs l’un des objets de la conférence sur l’emploi artistique qui sera organisée par le ministère de la culture à la rentrée.

Troisième point : la mise en place d’une forme inédite de subsidiarité encadrée de la négociation du niveau interprofessionnel vers le niveau professionnel.

Allant plus loin que les préconisations de la mission de concertation, qui avait plaidé pour l’établissement d’une concertation entre les niveaux professionnel et interprofessionnel, par une simple consultation du premier par le second avant toute négociation sur l’assurance chômage, l’article 20 met en place un mécanisme de quasi-délégation de négociation du niveau interprofessionnel au niveau professionnel. La négociation sera donc au niveau professionnel, mais encadrée par des objectifs du niveau interprofessionnel. En retour, elle est assortie d’un principe de reprise obligatoire par l’interprofession de tout accord professionnel respectant les objectifs qu’elle aura fixés.

Quatrième point : la création d’un comité d’expertise ad hoc venant en appui aux négociateurs, qui constitue très largement la reprise de la méthode novatrice expérimentée par la mission de concertation fondée sur une expertise partagée, transparente et consensuelle et l’élaboration d’un outil de simulation, qui repose sur l’étude de 10 000 cas, outil désormais reconnu par tous.

L’article 20 crée un comité d’expertise, auquel il confie deux types de missions. La principale, à mes yeux, est celle d’appui technique aux organisations patronales et salariales en cours de négociations : il sera chargé d’expertiser et de chiffrer les différentes propositions qui lui seront soumises.

Mais il lui revenait aussi, dans le cadre du projet de loi initial, de rendre un avis sur le respect par l’accord conclu au niveau professionnel du contenu du document de cadrage. De mon point de vue, et j’ai été en cela suivi tant par la commission des affaires culturelles que par la commission des affaires sociales, le comité d’expertise doit être avant tout un groupe d’appui pour le secteur professionnel, lui permettant de se doter d’une expertise qui ne se réduise pas à celle de l’UNEDIC même si l’UNEDIC participera à ce comité.

La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 20, sous réserve des huit amendements qu’elle a adoptés, dont sept ont été repris par la commission des affaires sociales et sont à ce titre intégrés dans le texte soumis à notre discussion aujourd’hui. Je voudrais les présenter rapidement.

Outre deux amendements précisant la rédaction de certains points de la procédure de négociation en deux temps, qui pouvaient prêter à confusion, la commission des affaires culturelles a adopté quatre amendements ayant pour objet de repositionner le groupe d’expertise, afin de lui donner pour mission principale un rôle d’appui aux négociations.

La notion d’« avis » que serait susceptible de rendre le comité d’expertise, notion qui comprend une dimension de jugement et de sanction, serait remplacée par celle d’« évaluation », plus souple et plus conforme au rôle d’appui technique qui doit être donné au comité.

Par ailleurs la faculté pour l’interprofession de désigner certaines des personnalités qualifiées qui le composeront a été supprimée, de même que la mention expresse de sa faculté de le consulter directement – ce dernier point n’a pas été retenu par la commission des affaires sociales, mais je vous proposerai un nouvel amendement.

Enfin, sur l’initiative de Mme Isabelle Attard, la commission a adopté un amendement sur les "matermittentes" visant à améliorer au plus vite la prise en compte des périodes de maladie et de maternité des intermittents.

L’équilibre auquel sont parvenues nos deux commissions sur cet article – je salue le rapporteur Christophe Sirugue avec lequel j’ai travaillé en étroite collaboration – respecte l’esprit des travaux de la mission de concertation, qui a fait le pari de la responsabilisation des acteurs. Pour toutes ces raisons, je vous invite, au nom de la commission des affaires culturelles, à soutenir ce texte.

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