Intervention de Isabelle Le Callennec

Séance en hémicycle du 26 mai 2015 à 15h00
Dialogue social et emploi — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

Fin du deuxième acte, prévisible et désespérant : le chômage poursuit sa trajectoire haussière. Et le chômage, ce n’est pas que des statistiques : ce sont des hommes et des femmes, des familles, des jeunes, à qui il est inadmissible de laisser croire qu’ils sont victimes de la fatalité ou qu’on aurait tout essayé. Car comment expliquer que les taux de chômage de certains de nos voisins européens, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, s’établissent respectivement à 4,8 % et 5,5 % ? En Allemagne, le taux de chômage des jeunes est de 7,1 %, quand il atteint chez nous 25,3 %, un taux trois fois plus élevé !

Et même en France, comment expliquer que certains territoires s’en sortent mieux que les autres et affichent des taux de chômage deux fois inférieurs à la moyenne nationale, y compris dans des bassins industriels ? C’est le cas dans ma circonscription, mais pour combien de temps encore, si le Gouvernement ne prend pas conscience de la nécessité de lever les innombrables freins à la croissance et à l’activité dans notre pays ?

Troisième acte, le pari tout théorique de la croissance, de l’activité et de l’emploi, avec le fameux projet de loi Macron puis celui que nous examinons aujourd’hui sur le dialogue social. Là encore, quelle déception pour ceux qui avaient cru à une possible conversion libérale sociale de votre majorité ! De l’aveu même du Président de la République, la loi Macron n’est pas la loi du siècle. C’est le moins que l’on puisse dire ! Il est évident qu’elle n’apportera pas le point et demi de croissance nécessaire à la baisse durable du chômage. Et d’ailleurs, quelle loi Macron ? Celle qui a profondément divisé votre majorité, réveillé l’autoritarisme du Premier ministre et provoqué le passage en force à l’Assemblée nationale ? Ou celle, totalement réécrite par les sénateurs, qui devra faire l’objet d’un examen en commission mixte paritaire puis d’une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale ? Il est à craindre que, là encore, ce projet de loi – qui est en discussion depuis le 12 janvier 2015, n’est toujours pas voté, encore moins promulgué, et je ne parle même pas des décrets d’application – n’ait de croissance et d’activité que le nom, comme de trop nombreuses lois.

Il risque d’en être de même avec le projet de loi relative au dialogue social et à l’emploi, dont dix-neuf seulement des vingt-six articles ont un rapport direct avec le dialogue social. Un article concerne le régime des intermittents du spectacle : pourquoi ici, pourquoi maintenant ? Nous avons une petite idée, à quelques semaines de l’été. Les six autres concernent, pêle-mêle, la création du compte personnel d’activité, le statut de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – l’AFPA –, les contrats de professionnalisation adaptés aux chômeurs de longue durée ou encore la création de la prime d’activité.

À nos collègues non-membres de la commission des affaires sociales, je voudrais indiquer que la création du compte personnel d’activité, tout comme celle de la prime d’activité, n’a fait l’objet que de quelques très courts échanges entre nous, l’essentiel de nos débats ayant porté sur ce qui devait être l’objet du projet de loi, à savoir l’amélioration du dialogue social ou prétendu tel.

Quand on constate les difficultés à mettre en oeuvre le compte personnel de formation ou le compte pénibilité, on peut être sceptique vis-à-vis de la création d’un énième compte, le compte personnel d’activité. Tout compte fait, sur quoi peut compter le salarié pour sécuriser son parcours ? Trêve de plaisanterie, ce n’est pas l’accumulation d’annonces de nouveaux dispositifs conceptuels et complexes qui sera de nature à rassurer les salariés et les demandeurs d’emploi sur leur avenir. Quant aux chefs d’entreprise, qui créent les emplois, ce qu’ils attendent du législateur est pourtant simple : moins de charges – cela passe par la maîtrise de la dépense publique –, moins de complexité administrative, plus de liberté laissée aux acteurs de terrain.

La prime d’activité n’est rien moins que la fusion de la prime pour l’emploi, qui existe depuis 2001, et du RSA activité, créé en 2008. La PPE concerne 9 millions de foyers fiscaux, le RSA activité 476 000. La première, imaginée pour améliorer le pouvoir d’achat, est versée chaque année par les services fiscaux aux ménages dont les revenus ne dépassent pas un certain plafond. Le deuxième, conçu pour inciter à reprendre un emploi ou quelques heures de travail supplémentaire, est calculé chaque trimestre et versé mensuellement par la caisse d’allocations familiales. La PPE coûterait chaque année 2,5 milliards d’euros au budget de l’État, le RSA activité 2 milliards. Selon les intervenants, la prime d’activité concernerait 8, 5 ou 6 millions de Français. Quel est le chiffre exact ? C’est la question que j’aurais posée à Mme la ministre si elle nous avait fait l’honneur de rester avec nous jusqu’au bout du débat. Qui seront les gagnants ? Qui seront les perdants ? Assurément, les perdants seront, une fois de plus, la classe moyenne. Quel sera le coût effectif de la mesure ? 4 milliards d’euros, comme annoncé initialement, ou plus ? D’autant que le Président de la République a imprudemment annoncé à l’occasion d’une prestation télévisée, le 19 avril dernier, que la prime pour l’emploi concernerait aussi les étudiants et les apprentis. Les experts ont dû refaire les calculs : ce sera 1 million de plus. Que ne ferait-on pas pour tenter de s’attirer de nouveau les faveurs des jeunes qui, à 74 %, regrettent d’avoir voté pour M. Hollande ?

Chacun mesure donc bien les enjeux de cette fusion en termes de public cible, d’impact sur les finances publiques mais également de choix idéologiques. Le Gouvernement préfère subventionner le travail plutôt que créer les conditions de l’embauche de chômeurs et de la juste rémunération des salariés dans les entreprises.

Alors s’il ne devait y avoir qu’un motif valable de renvoi en commission, ce serait précisément, chers collègues, vous l’aurez bien compris, celui de l’examen au fond du compte et de la prime d’activité que le Gouvernement ne manque pas de présenter, à grand renfort de communication, comme des mesures de progrès social.

En outre, chers collègues, s’agissant des articles du projet de loi traitant directement du dialogue social, il y aurait matière à approfondir le débat en commission, comme nous avons, avec mes collègues de l’UMP, tenté de le faire avec, il faut bien le reconnaître, un maigre succès.

Je ne prendrais que deux exemples : l’article 1er qui crée les commissions paritaires régionales interprofessionnelles et l’article 19 qui revient sur le compte pénibilité. La création des commissions paritaires régionales a été présentée comme faisant consensus entre les partenaires sociaux. C’est faux. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME, pour ne citer que cette organisation patronale, qui représente pas moins de 1,6 million d’entreprises et 13,5 millions de salariés, a fait savoir, à plusieurs reprises, son opposition à la création de ces commissions.

J’ai bien entendu, en commission, les arguments de leurs défenseurs : ils font valoir qu’elle assurent la représentation des salariés des TPE. Mais j’ai aussi bien compris qu’en définitive, dix membres par commission multiplié par treize régions, cela ferait 130 salariés de TPE pour représenter 4,6 millions de salariés. Aussi je m’interroge : les salariés des TPE éprouvent-ils vraiment le besoin d’être représentés, quand on sait qu’aujourd’hui 63 % des établissements de onze à dix-neuf salariés et 35 % de ceux de 20 à 49 salariés n’ont ni délégués syndicaux ni représentants du personnel ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion