Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 26 mai 2015 à 15h00
Dialogue social et emploi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce texte relatif au dialogue social et à l’emploi traite de trois grands sujets : le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle ; la mise en place de la prime d’activité ; les nouvelles règles concernant le dialogue social. Les dispositions concernant les intermittents du spectacle traduisent les engagements pris par le Premier ministre. Elles inscrivent dans la loi le principe d’indemnisation du chômage qui leur est propre et donnent la possibilité aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de conduire les négociations sur leur convention d’assurance-chômage. Ce sont là des avancées que nous soutenons.

Nous pensons toutefois que le texte pourrait être amélioré, s’agissant notamment de la lutte contre la précarité de ces professionnels qui souffrent d’un recours abusif aux contrats à durée déterminée. Nous formulerons des propositions en ce sens. Ce texte crée par ailleurs une prime d’activité, en fusionnant le RSA activité avec la prime pour l’emploi. Si nous pouvons soutenir cette proposition qui simplifie et qui, surtout, selon les objectifs annoncés, vise à soutenir prioritairement les travailleurs les plus modestes – à savoir ceux qui perçoivent entre 908 et 1 363 euros net par mois –, nous sommes préoccupés, monsieur le ministre, par le fait que cette réforme se fasse à enveloppe constante, dans le cadre des 4,1 milliards d’euros actuels. En effet, nous doutons que vous puissiez tenir vos engagements que les actuels bénéficiaires du RSA activité ne soient pas perdants et que, de surcroît, cette nouvelle prime bénéficie, sous certaines conditions, aux étudiants et aux apprentis qui étaient jusqu’ici exclus du RSA activité, et qui n’entraient donc pas dans l’enveloppe actuelle. Nous souhaiterions que vous nous précisiez le financement de cette mesure.

Je veux croire que le Gouvernement ne compte pas sur un faible recours à ce nouveau dispositif pour entrer dans l’enveloppe. Une autre de nos préoccupations est le très faible recours à ces dispositifs d’aide, puisque l’on considère aujourd’hui que, parmi ceux qui y ont droit, une personne sur deux seulement en bénéficie, alors qu’elles en ont pourtant éminemment besoin. Nous souhaiterions savoir quelles mesures sont concrètement envisagées

pour dépasser ce taux de recours estimé à seulement 50 %.

Je veux dire un mot du compte personnel d’activité dont l’article 21 fixe un calendrier de mise en oeuvre. Ce compte personnel, qui doit permettre le regroupement et la portabilité des comptes pénibilité, formation et épargne temps, va dans le sens du progrès. Cependant, pour qu’il constitue une réelle avancée sociale, il faut qu’il prenne en compte l’ensemble des droits susceptibles d’être attachés au salarié, donc portables. Je pense, par exemple, à l’ancienneté que nous proposerons d’introduire par un amendement.

J’en viens au coeur de ce texte, concernant la modernisation et la simplification du dialogue social. Vous posez d’emblée, et à juste titre, la nécessité de revisiter les conditions du dialogue social pour l’améliorer, en partant du constat – je cite l’exposé des motifs – « qu’il est souvent marqué d’un formalisme qui ne favorise ni la recherche constructive de solutions, ni la délibération sur les enjeux stratégiques auxquels l’entreprise est confrontée ». Il est vrai que différentes institutions représentatives du personnel coexistent, que leurs missions se sont étoffées au fil du temps, que, de ce fait, les réunions se multiplient et que l’employeur est dans l’obligation de remettre aux salariés de plus en plus de documents. Rien d’anormal à tout cela. C’est l’évolution de la vie, tant concernant les droits des salariés que le fonctionnement des entreprises.

Assurément, il est nécessaire de moderniser le dialogue social, non pour le réduire mais pour le rationaliser, le stimuler et le rendre plus sincère. Le préambule de la Constitution de 1946 met le dialogue social au coeur de notre contrat social en ces termes : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective des conditions de travail, ainsi qu’à la gestion des entreprises. » Cela signifie que ce dialogue ne peut être efficace qu’à condition de donner un réel pouvoir aux salariés et à leur représentation collective, afin de contrebalancer la subordination du salarié face à l’employeur, ce qui est contraire au principe constitutionnel d’égalité.

Or ce texte, quand on le prend dans sa globalité, aboutit en réalité, sous couvert de modernisation, à réduire les droits des représentants des salariés. Certes, avec la création des commissions régionales paritaires, vous instaurez enfin une représentation réclamée depuis longtemps par les travailleurs des très petites entreprises de moins de onze salariés. Ce n’est pas un détail, puisque cette disposition concerne 4,6 millions de salariés ; aussi nous en félicitons-nous. Pour autant, d’une part, cette avancée ne saurait justifier une réduction des droits des autres salariés ; d’autre part, des améliorations indispensables doivent y être apportées comme le droit pour les représentants des salariés d’entrer dans les très petites entreprises. Nous avons voulu introduire cette disposition par amendement et vous l’avez refusée en commission au prétexte qu’elle porterait atteinte au droit de propriété ! Sérieusement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, personne ne songe à s’emparer d’une entreprise, en portant atteinte au droit sacré de la propriété !

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