L'idée de revenir sur l'incompatibilité entre les fonctions ministérielles et parlementaires instaurée en 1958 est séduisante. Elle aurait l'avantage de soumettre les ministres aux mêmes pressions, aux mêmes enjeux et au même calendrier électoral que les députés, ce qui serait de nature à réduire le hiatus entre majorité présidentielle et majorité parlementaire. Il me semble néanmoins qu'elle présente un double inconvénient.
Celui d'abord de déboucher sur une cohabitation interne, ce que le général de Gaulle appelait une dyarchie. Nous n'en sommes actuellement pas si éloignés, avec un Premier ministre dont la popularité se compare élogieusement à celle du Président de la République, et si M. Valls n'avait pas déclaré qu'il n'entendait pas remettre en cause la légitimité de l'actuel Président de la République aux prochaines élections, il serait un candidat aux primaires socialistes plutôt convaincant et assez compétitif... Or, si les élections législatives doivent désormais désigner de facto le chef de la majorité élue comme Premier ministre, on peut redouter de se trouver dans la situation d'un conflit interne à l'exécutif débouchant sur une crise du type de celle du 16 mai 1877.
Ne faut-il pas, dans votre scénario qui consiste à fabriquer un parlementarisme à la française proche des parlementarismes majoritaires allemands et anglais, réfléchir à une révision de l'article 12 et des prérogatives du chef de l'État en matière de dissolution, auxquelles la réforme constitutionnelle de 2008 n'a pas touché ? Les Britanniques ont, pour leur part, opté, avec le Fixed-Term Parliaments Act, pour le principe de l'autodissolution.
Le second inconvénient de votre scénario est qu'il fige le personnel gouvernemental en réduisant le vivier des ministres. L'actuel ministre des finances n'est ni parlementaire ni élu, ce qui lui a permis d'incarner, voire de légitimer une autre politique économique : n'est-ce pas une bonne chose ?
Enfin, seriez-vous d'accord avec l'idée que la révision constitutionnelle de 2008 a contribué à renforcer le Parlement mais que l'on peut encore aller plus loin ? La réforme du premier alinéa de l'article 42 est d'une grande importance même si elle n'est pas spectaculaire : en faisant porter en séance la discussion des projets et propositions de loi sur le texte adopté en commission, elle va en effet dans le sens du renforcement du pouvoir des commissions que vous préconisez. Tout aussi positif, même si ce n'est pas constitutionnalisé, est le fait que la présidence de la commission des finances soit désormais confiée à un membre de l'opposition.