Intervention de Céline Vintzel

Réunion du 22 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Céline Vintzel :

Votre propos était très dense, et je vais avoir du mal à répondre à toutes vos questions…

Vous m'interrogez notamment sur l'incidence du mode de scrutin. Je ne prendrais pas, pour ma part, le risque de le modifier : il faut à mon sens conserver une stabilité gouvernementale et donc un régime majoritaire. L'Italie, par exemple, n'arrive pas à établir un tel régime, et les députés viennent encore de voter pour modifier le mode de scrutin. Le droit comparé m'a permis de me rendre compte que la domination du Gouvernement sur le pouvoir législatif était une tendance inexorable : les gouvernements italiens, auxquels la Constitution donne peu d'armes pour faire adopter leurs projets de loi, en ont inventé, de la même façon que l'article 49, alinéa 3, a été détourné par le gouvernement français pour en faire une arme de lutte contre l'obstruction. Ainsi, en Italie, la question formelle de confiance a été créée pour lutter contre l'obstruction et faire adopter des projets de loi. Et, lorsque les parlementaires ont limité la question de confiance au vote sur un amendement, le Gouvernement a inventé la pratique du « maxi-amendement » : le Gouvernement dépose un amendement qui reprend tous les articles de la loi en discussion… Les gouvernements détournent la Constitution, d'ailleurs avec l'aval du juge constitutionnel. Il n'est bon ni pour la démocratie, ni pour l'État de droit, d'en arriver là.

Un régime parlementaire majoritaire me paraît donc bien préférable. De plus, le fait majoritaire permet d'adopter l'autre variante du parlementarisme rationalisé que j'évoquais : accorder aux assemblées l'autonomie technique. C'est un moyen de renforcer le Parlement, puisque le Gouvernement et le Parlement agissent davantage de concert, sur l'organisation de l'ordre du jour par exemple.

Lorsque j'ai évoqué les résolutions en matière européenne, je ne voulais pas dire que l'avis du Parlement ne compte pas ! Au contraire, me semble-t-il, il faudrait aller beaucoup plus loin en France : en Allemagne, on informe vraiment les parlementaires, et l'on essaye de prendre en compte leur avis. Il est essentiel de recueillir l'avis des parlementaires, mais il ne doit pas devenir obligatoire de le suivre.

Quant à la séparation des pouvoirs, c'est une question extrêmement vaste, et je ne reviens pas sur vos explications, notamment concernant Montesquieu. Je voulais insister sur le fait que notre régime est principalement un régime de fusion des pouvoirs, au sens d'une fusion entre le Gouvernement et sa majorité parlementaire, élue au suffrage universel direct. La séparation des pouvoirs existe bien et elle s'effectue aujourd'hui grâce aux commissions, qui sont donc essentielles. N'oublions pas non plus les autres contre-pouvoirs que sont le Sénat et le Conseil constitutionnel. Il est vrai que nous rencontrons le problème de la concentration de pouvoirs entre les mains du Président de la République, mais vous connaissez cette question mieux que moi…

La réforme que je propose n'apporte pas de solution à tout, mais elle permet un changement de système politique qui est susceptible d'entraîner un changement de régime. Aujourd'hui, celui-ci ne m'apparaît pas possible : comment les citoyens accepteraient-ils de renoncer à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct ? Comment changer la Constitution ? Enfin, les modifications constitutionnelles ne provoquent pas toujours sur le système politique les conséquences souhaitées par leurs auteurs… Dans le régime que le jargon universitaire appelle une « démocratie immédiate », les électeurs désignent le chef de la majorité, et les coalitions qui veulent former le gouvernement choisissent, avant les élections, le programme électoral. Il n'est pas sûr que changer de régime suffise à atteindre ce but, fondamental pour les démocraties modernes à mon sens.

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