Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 22 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Duflot :

J'aimerais apporter ma modeste contribution à l'exposé de Michel Winock sur l'histoire du droit de vote des femmes. C'est par un amendement de Fernand Grenier, qui tenait en deux mots, que celui-ci a été instauré. Je vous invite tous à relire le compte rendu du débat à l'Assemblée consultative d'Alger qui a présidé à cette avancée démocratique, l'une des plus grandes du xxe siècle. Tous ayant convenu qu'il serait aberrant de priver les femmes de l'éligibilité après ce qu'elles avaient fait dans la Résistance, le texte prévoyait qu'elles soient « éligibles dans les mêmes conditions que les hommes », mais non électrices. L'amendement Grenier s'est contenté d'ajouter les mots « électrices et » avant le mot « éligibles ».

Cet exemple en dit long sur les évolutions constitutionnelles. Membre d'un mouvement politique qui défend l'idée d'une Sixième République, je m'accommoderais toutefois très bien d'une « Cinquième République bis » issue de modifications apportées par le biais de lois organiques. La méthode serait plus rapide et sans doute plus efficace que la désignation d'une nouvelle assemblée constituante, dont notre histoire a prouvé l'utilité, mais souvent à la suite d'immenses troubles, ainsi que Michel Winock nous l'avait rappelé.

Il me semble que l'accentuation de la non-représentativité se conjugue à l'aggravation des inégalités économiques et sociales pour nourrir la crise démocratique très profonde que nous connaissons. En d'autres termes, on a l'impression que les responsables politiques, qui ressemblent de moins en moins à la population, profitent par ailleurs de la situation. Nous devons impérativement réfléchir à cette conjonction. Ainsi, les réformes qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, la rémunération réelle des parlementaires sont totalement déconnectées de la perception qu'en a une très grande partie de la population. Il ne s'agit là que d'un exemple du sentiment qu'inspirent les hommes politiques en général. Citons encore, même s'il est toujours difficile d'extrapoler à partir d'un cas particulier, la défaite d'Yves Daudigny, président sortant du conseil général de l'Aisne, devancé par la femme de ménage de la mairie, candidate du Front national. Elle confirme d'ailleurs que le scrutin majoritaire peut provoquer un basculement sans frein vers les extrêmes, contrairement à la proportionnelle.

Je suis tout à fait d'accord pour considérer que c'est en alourdissant les pénalités financières que l'on fera progresser la parité, notamment à l'Assemblée nationale. Même si c'est au nom d'une profonde conviction, plus que pour des raisons financières, que les écologistes sont exemplaires en la matière – au Sénat plus encore qu'à l'Assemblée nationale, d'ailleurs –, ainsi que Michel Winock a eu la gentillesse de le rappeler. Nous avons travaillé à instaurer en notre sein un dispositif assurant la parité de résultat, y compris lors d'un scrutin législatif uninominal, cas complexe puisque la désignation des candidates doit tenir compte de la « gagnabilité » des circonscriptions. Notre exemple montre en tout cas qu'il est possible de le faire.

Quant aux micro-partis, je suis tout à fait opposée à l'usage qui en est fait, mais ne sous-estimons pas le risque auquel leur suppression exposerait la démocratie : celui d'aboutir à un système qui se protège lui-même en évitant l'émergence de nouvelles formations politiques. N'est-ce pas plutôt la double appartenance qu'il conviendrait de viser ? Si l'on obligeait les pseudo-candidats à l'élection présidentielle à quitter leur parti principal pour éviter que leur petit parti n'alimente leurs comptes de campagne, peut-être seraient-ils moins sensibles à la dimension démocratique de l'apparition d'un nouveau parti. Etant une écologiste très intéressée par l'internationale verte, je sais qu'il existe des pays où il est extrêmement complexe de créer un parti politique, même rattaché à un courant aussi clairement identifié à l'échelle planétaire que le mouvement écologiste, car cela suppose une immobilisation financière et un nombre donné d'adhérents, voire de signatures de parlementaires.

Pour la représentativité, outre le rôle des partis politiques – notamment dans la promotion de la diversité, comme cela vient d'être dit – et l'aspect financier, le scrutin de liste est décisif. Il est beaucoup plus facile, en effet, d'accéder à une position éligible sur une liste que d'être élu dans le cadre d'un autre mode de scrutin. Il n'y a là rien de personnel, mais le fait même que l'on puisse lire dans la presse, que cela soit vrai ou non, que le président de la métropole lyonnaise, sénateur et maire de Lyon, envisage que sa femme soit candidate à la mairie parce que la loi sur le non-cumul l'empêche de conserver ses trois mandats est désastreux pour l'image de la représentation et des élites. Voilà pourquoi le scrutin de liste – donc la non-féodalisation de la décentralisation, qui en est l'un des enjeux – est essentiel, surtout au Parlement car c'est de là qu'il pourra s'étendre tout naturellement aux autres niveaux.

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