Intervention de Marie-Anne Cohendet

Réunion du 22 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Marie-Anne Cohendet :

En ce qui concerne la représentation, nos collègues politistes ont observé que notre Parlement se compose pour l'essentiel de vieux mâles blancs. Pour ce qui est de l'âge, les effets du cumul sont manifestes : sa limitation rajeunira mécaniquement le Parlement et le diversifiera de manière plus générale.

S'agissant des femmes, on observe au niveau mondial une corrélation quasi parfaite entre la proportion de femmes élues au Parlement et le mode de scrutin. Lorsque le Parlement est élu à la proportionnelle, le pourcentage de femmes est très élevé ; lorsque le scrutin est majoritaire, y compris aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, il est beaucoup plus faible. La proportionnelle est donc manifestement essentielle à la représentation des femmes. Ce point est corroboré par l'évolution historique puisque sous la Quatrième République, où la proportionnelle était en vigueur, il y avait beaucoup plus de femmes élues au Parlement que sous la Cinquième. Et sous la Cinquième elle-même, les élections au scrutin proportionnel ou mixte, comme les élections européennes ou les élections régionales, désignent un très grand nombre de femmes, tandis que les assemblées départementales exclusivement masculines dont il vient d'être question sont élues au scrutin majoritaire.

Faut-il s'orienter aujourd'hui vers la proportionnelle ou vers un mode de scrutin binominal sur le modèle de celui qui a été appliqué lors des dernières élections départementales ? Nous pouvons encore en débattre. Une autre possibilité serait le scrutin de liste majoritaire, qui n'a pas laissé de très bons souvenirs mais mérite peut-être d'être envisagé à nouveau. Sur tous ces points, il convient de réfléchir à partir de projections. Quoi qu'il en soit, le rôle de la proportionnelle est indéniable.

En dépit des apparences, le cas des minorités visibles n'est pas similaire. Bien qu'il soit toujours possible de changer de sexe, on est soit homme soit femme. La situation faite aux minorités visibles pose en revanche le problème de la discrimination positive, qui ne fait absolument pas partie de la tradition française. Je récuse évidemment ce terme de race, qui aurait dû disparaître de tous nos textes depuis longtemps ; mais comment remédier à la discrimination selon l'origine, puisque c'est de cela qu'il s'agit ?

Il est indispensable de permettre la représentation dans nos assemblées de personnes issues de l'immigration. Un étudiant ayant travaillé sur la discrimination raciste à l'embauche a constaté que les mécanismes juridiques existants, malgré leur efficacité et les bonnes volontés à l'oeuvre, n'étaient pas mobilisés parce que les victimes ne faisaient pas confiance au droit. Or si les intéressés ne siègent pas au sein des assemblées, comment pourraient-ils signaler ces points de blocage qu'ils sont particulièrement bien placés pour identifier ?

Ne versons pas pour autant dans un communautarisme qui serait contraire à l'idée de représentation nationale. À cet égard, nous pourrions tirer profit de l'expérience d'autres pays : l'Inde a instauré des dispositifs de discrimination positive au profit des intouchables, ce qui a permis à ces derniers de participer enfin à la vie politique mais a cristallisé les sentiments d'appartenance à telle ou telle communauté, donc aggravé les divisions sociales. Ce point délicat mérite donc une réflexion approfondie.

Sur les autres points, je suis entièrement d'accord avec les orateurs qui se sont exprimés avant moi.

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