Nous sommes tous attachés au caractère représentatif de notre démocratie et à l'article 27 de la Constitution décrétant « nul » tout mandat impératif. Mais nous devons dépasser ce constat et reconnaître que ce régime ne peut fonctionner que si la représentation s'avère bien démocratique. J'approuve les propos de M. Slama privilégiant la voie de la lutte contre les discriminations plutôt que celle de la discrimination positive. Nous ne pouvons plus nous contenter de la défense classique du mandat représentatif, illustrée par Edmund Burke en 1774 dans son Discours aux électeurs de Bristol, dans lequel il refusait de rendre des comptes à ses électeurs en affirmant que ceux-ci l'avaient élu pour qu'il soit indépendant. Les parlementaires sont très soucieux de représenter leur circonscription et n'agissent pas en permanence comme des représentants de la nation dans son ensemble. L'idée selon laquelle l'élu est un représentant de la nation constitue une régulation du système politique permettant de poser des limites aux hommes politiques.
La démocratie a changé car la société n'est plus homogène, et le système représentatif doit intégrer cette évolution. Dans l'esprit des gens, plus de démocratie signifie davantage de diversité, de droits de l'Homme et de reconnaissance des individualités. Or cette feuille de route s'avère complexe car elle exige la représentativité de groupes, de communautés et de subjectivités individuelles. Il serait tentant de se contenter de reprendre l'idée du XVIIIe siècle de la représentation de l'ensemble de la nation, mais une telle attitude alimenterait des crises sociétales et des radicalisations. Le salut du régime représentatif passe par une prise en compte rénovée des exigences démocratiques, car si la représentation constitue un phénomène stable, la démocratie repose sur un mouvement et sur un processus d'identification des gouvernants et des gouvernés.
Les réflexions sur le bicamérisme, le rôle du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le mode de scrutin devraient prendre en compte l'exigence de représentation de la diversité des communautés qui composent la société française et des subjectivités des individus démocratiques. Un mode de scrutin qui soit à la fois majoritaire et de liste, comme en Allemagne, permettrait d'imposer des quotas ; je ne suis pas un chaud partisan d'un tel système, mais si l'on en reste à la conception classique du régime représentatif, la société reprendra violemment les droits qu'on ne lui reconnaît pas dans les enceintes parlementaires. On devrait politiser une institution un peu dormante comme le CESE plutôt que de dépolitiser le Sénat. L'entrée d'élus au CESE y insufflerait de la vie et la rendrait politique, ce qu'elle n'est pas aujourd'hui.