Intervention de Daniel Goldberg

Réunion du 26 mai 2015 à 17h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Goldberg :

Il était nécessaire, sur cette question des aides au logement dont il est débattu lors de chaque exercice budgétaire, qu'un groupe de travail pluriel soit mis en place pour tordre le cou aux idées reçues qui ressurgissent périodiquement, selon lesquelles il serait possible de réaliser d'énormes économies en la matière. La première vertu du travail sérieux mené par nos collègues est de montrer que, si le système des aides au logement pèse beaucoup sur les finances publiques – à hauteur de près d'un point de PIB –, il n'y a pas de recette miracle dans ce domaine, contrairement à ce que l'on entend parfois affirmer.

La première conclusion du groupe de travail est qu'il n'est pas opportun de donner un coup de rabot général sur les APL, ce qui me paraît tout à fait juste. En 2009, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite loi MOLLE, a posé le principe d'une évolution des aides personnelles au logement basée sur l'indice de référence des loyers (IRL). La progression du montant de ces aides est difficilement soutenable – nous sommes passés de 15,9 milliards d'euros à 18 milliards d'euros en 2015 –, mais beaucoup a déjà été fait, y compris dans le budget 2015, pour limiter leur augmentation, en jouant sur des clés de répartition.

Avant même la publication du rapport du groupe de travail, il a été écrit dans la presse que l'on allait limiter les aides au logement des « locataires riches » – c'était l'expression utilisée dans le titre d'un article paru dans un grand journal économique, avant qu'il ne soit question des « locataires aisés ». Or, je pense que la plupart des bénéficiaires d'aides au logement ne sont ni riches ni aisés, et que l'augmentation de ces dernières années est essentiellement due au durcissement de la crise ressenti par de nombreuses familles. Sur cette question comme sur d'autres, la bonne réponse réside à la fois en une politique de l'offre, visant à produire une offre de logement socialement accessible – en locatif comme en accession à la propriété – et équitablement répartie, et en une politique de la demande, consistant à soutenir les ménages.

M. Olivier Carré disait tout à l'heure que l'APL servait de cale au système locatif ; pour ma part, je considère que l'investissement locatif lui tient lieu d'EPO – un dopant puissant, mais qui ne constitue pas une solution à long terme. Il conviendrait, selon moi, de réexaminer tout le système afin de voir s'il ne serait pas possible de le déconnecter de ces moyens qui lui ont permis de subsister jusqu'à présent, mais ne sont pas soutenables à long terme.

J'en viens aux propositions exposées par le groupe de travail. L'APL accession, qui nous avait beaucoup occupés dans le cadre du budget 2015, est censée être quasiment supprimée au 1er janvier 2016, aux termes d'une réforme introduite dans le cadre du dernier projet de loi de finances. J'ai fait partie de ceux qui, sur tous les bancs, ont instamment demandé à ce que la mise en oeuvre de cette réforme soit repoussée d'un an. Cela dit, s'agissant d'une loi fiscale, j'ai bien peur que le Gouvernement soit désormais le seul à pouvoir revenir sur ce projet : en effet, si elle émanait de parlementaires, la proposition consistant à abandonner la réforme signifierait une augmentation de la dépense et serait, à ce titre, déclarée irrecevable au titre de l'article 40. Nous devons cependant continuer à nous faire entendre sur ce point – peut-être le président Brottes consentira-t-il à jouer les figures de proue dans ce combat – jusqu'à ce que le Gouvernement fasse droit à notre demande.

La piste consistant à prendre en compte le patrimoine me paraît constituer une excellente piste de réflexion.

Je ne suis absolument pas convaincu par l'idée selon laquelle les aides au logement auraient un effet inflationniste général. En revanche, cet effet ne me paraît pas faire de doute dans les villes universitaires de province, pour les logements d'une surface correspondant à celle habituellement recherchée par les étudiants. Le même effet inflationniste s'est fait ressentir pour l'habitat social de fait – c'est-à-dire pour les logements se situant juste au-dessus de l'habitat indigne, occupés par une population disposant de très faibles revenus et n'ayant pas accès au logement social –, où l'on voit un certain nombre de propriétaires peu scrupuleux fixer le niveau de loyer en fonction de l'APL, préférant tirer le maximum de profit du système plutôt que de choisir de louer à des familles disposant de revenus légèrement supérieurs, mais ne présentant pas le même niveau de garantie qu'une aide sortant des caisses de l'État. Pour résoudre ce problème, il conviendrait de se pencher sur la question d'un encadrement plus strict des loyers, et sans doute commencer par mettre en oeuvre ce que l'excellente loi ALUR prévoit à ce sujet.

Ce qui est proposé pour les étudiants, à savoir mieux cibler les aides vers les étudiants qui en ont le plus besoin, en tenant compte de critères tels que l'éloignement géographique par rapport au domicile des parents, me paraît très intéressant mais implique à mon sens que l'on tienne compte de la situation sociale des étudiants, c'est-à-dire que l'on prenne en considération leur demande d'autonomie – une revendication exprimée depuis une cinquantaine d'années, mais qui prend un relief particulier aujourd'hui –, et que la question du logement des étudiants ne soit pas dissociée de celles des bourses et de la prime d'activité – ce dernier point faisant actuellement l'objet de discussions dans le cadre de la loi sur le dialogue social et l'emploi.

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