Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit, monsieur le député.
Troisième constat de la Cour : en 2014, les recettes fiscales nettes se sont à nouveau révélées inférieures aux prévisions. Elles ont représenté 274,3 milliards d'euros, soit 9,7 milliards d'euros de moins que prévu. Cela s'explique d'abord par plusieurs mesures importantes de diminution des recettes fiscales : d'une part les mesures qui ont réduit le rendement de l'impôt sur le bénéfice des sociétés de 11,3 milliards d'euros, notamment l'entrée en vigueur du crédit d'impôt pour la compétitivité et de l'emploi – CICE –, pour un montant de 6 milliards d'euros ; d'autre part, la réduction de l'impôt sur le revenu adoptée en loi de finances rectificative en août 2014, dont le coût est évalué à 1,3 milliard d'euros.
Par ailleurs, les prévisions de recettes fiscales en LFI restent toujours aussi fragiles. Pour la troisième année consécutive, la croissance spontanée des recettes fiscales a été inférieure à la prévision en LFI. Les hypothèses économiques retenues par le Gouvernement ont été trop optimistes – nous l'avions dit à l'époque –, et l'estimation de l'élasticité des recettes par rapport à la croissance a été fixée à un niveau trop élevé – prévue à 1,3 elle s'est in fine révélée égale à - 0,1. Pour toutes ces raisons, la Cour recommande à nouveau de continuer à renforcer la qualité et la transparence des prévisions de recettes fiscales, même si quelques pas en ce sens ont été réalisés.
En matière de recettes fiscales, la Cour relève néanmoins deux points a priori positifs, pour malgré tout les nuancer. D'une part, en matière de lutte contre la fraude fiscale, le nouveau service de traitement des déclarations rectificatives a permis d'encaisser 1,7 milliard d'euros, soit 300 millions d'euros de plus que prévu. C'est évidemment une bonne nouvelle, mais elle est à nuancer, puisque ce surcroît de recettes n'a pas permis, contrairement aux prévisions, de compenser le coût de 1,3 milliard d'euros de la réduction forfaitaire d'impôt sur le revenu adoptée en août 2014. D'autre part, les dépenses fiscales ont été revues à la baisse, en raison du moindre coût du CICE – 6,5 milliards d'euros au lieu des 9,8 milliards prévus. C'est aussi une nouvelle positive, même s'il convient de relever que le montant des dépenses fiscales, hors CICE, a déjà été revu à la hausse dans le projet de loi de finances – PLF – pour 2015. Plus généralement, la Cour constate que la maîtrise des dépenses fiscales reste déficiente. L'évaluation de l'efficience de ces dépenses continue à relever de l'exception. Elle est rarement le fait des administrations.
Les dépenses de l'État ont été stabilisées en 2014. Mais elles l'ont parfois été en procédant à des opérations budgétaires contestables. C'est le quatrième et dernier constat de la Cour dans son rapport sur le budget de l'État en 2014.
Je rappelle que, d'un point de vue méthodologique, pour apprécier l'effort réalisé en termes de maîtrise de la dépense, il est nécessaire de raisonner sur des périmètres comparables. Il faut en particulier procéder à plusieurs retraitements. Par exemple, les dépenses exceptionnelles doivent être exclues : il s'agit notamment des programmes d'investissements d'avenir et du financement du mécanisme européen de stabilité et de la Banque européenne d'investissement. De manière symétrique, s'agissant des PIA, il faut réintégrer les décaissements réalisés par les opérateurs pour le compte de l'État.
Sur ce périmètre, je le disais, la Cour dresse un constat de stabilité entre 2013 et 2014. Cette stabilité, qui est déjà un progrès, a été acquise grâce à une charge de la dette en recul de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2013. Mais, dans le même temps, il faut être conscient que certains postes de dépenses croissent de nouveau. C'est le cas des dépenses de personnel qui, globalement, augmentent de 1 % pour atteindre un montant de 80,6 milliards d'euros. La masse salariale connaît une légère progression en 2014, alors qu'elle avait été stabilisée en 2012 et 2013. La contribution de l'État employeur au compte d'affectation spéciale – CAS – Pensions continue, elle aussi, à progresser de près de 3 %.
Les normes de dépenses, plus strictes et plus ambitieuses que les années précédentes, ont été respectées, moyennant toutefois des opérations budgétaires parfois contestables. Ainsi, le plafond de la norme « 0 valeur » a été abaissé de 3,3 milliards d'euros. Mais la définition restrictive du périmètre de la norme de dépenses « 0 valeur » a conduit à l'exclusion de certaines dépenses. Par exemple, le Gouvernement a écarté les décaissements effectués dans le cadre des PIA, soit 3,3 milliards. À cet égard, le dispositif dérogatoire mis en place pour le PIA a largement été utilisé pour combler des insuffisances de crédits budgétaires, en particulier au profit du ministère de la Défense, à hauteur de 2 milliards d'euros. Ces opérations de débudgétisation et de substitution de crédits dérogent aux principes fondamentaux d'annualité, d'universalité et d'unité budgétaires. Elles faussent l'appréciation des résultats de l'exécution.
Par ailleurs, comme les années précédentes, la dépense a davantage été contenue par l'effet de la régulation infra-annuelle que par des mesures pérennes. Concrètement, la réserve de précaution a atteint un montant inégalé de 9,3 milliards d'euros. Cela étant, la Cour constate in fine que les annulations – hors charge de la dette – ont été d'un niveau de 4,3 milliards d'euros, quasi identique à celui de 2013 – 4,4 milliards d'euros. Et les reports de charges sur 2015 sont croissants, comme en atteste l'augmentation de la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale.
S'agissant enfin des conditions de l'exécution du budget de l'État en 2014, comme les années précédentes, la Cour a observé des sous-budgétisations persistantes. C'est notamment le cas pour les opérations extérieures de la défense, pour l'hébergement d'urgence, pour les aides personnalisées au logement – APL –, pour l'allocation aux adultes handicapés – AAH –, pour l'aide médicale de l'État – AME – ou encore pour le revenu de solidarité active – RSA.
Dans ce contexte, la Cour pointe plusieurs incertitudes sur l'exécution du budget en 2015, par exemple l'évolution des recettes fiscales, avec la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité et de solidarité. La Cour constate aussi que la dette de l'État envers les organismes de sécurité sociale augmente, puisqu'elle s'établit à 368 millions d'euros fin 2014 contre 249 millions fin 2013.
Le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin reviendra de façon détaillée et complémentaire sur ces risques, pour ce qui concerne le périmètre « toutes administrations publiques ».
La Cour s'est également intéressée à la démarche de performance. Elle remarque que la qualité des indicateurs s'améliore, mais que les outils d'analyse font toujours défaut, alors que les résultats des indicateurs de performance devraient être rapprochés des coûts afin d'éclairer au mieux les choix budgétaires. Ce constat vaut notamment pour le suivi de la performance des missions prioritaires Enseignement scolaire et Travail et emploi, dont les indicateurs n'ont pas été complétés pour mesurer les effets des moyens supplémentaires attribués. Globalement, nous considérons toujours que l'appréciation de l'efficience des dépenses reste insuffisante.
Avant de conclure cette présentation, je veux évoquer le compte rendu du suivi des recommandations contenues dans les précédents rapports sur le budget de l'État, qui fait l'objet d'un développement détaillé à la fin du rapport. Ce suivi met en évidence une meilleure mise en oeuvre des recommandations, y compris pour celles formulées dans le rapport sur le budget de l'État en 2013. En moins d'un an, près de deux tiers des recommandations formulées dans ce rapport 2013 ont été totalement ou partiellement mises en oeuvre. Cela démontre que la démarche de la Cour est bien comprise par l'administration : il s'agit à la fois d'un contrôle de l'exécution du budget de l'État et d'un accompagnement dans le sens de son amélioration continue. Je souhaite que ces échanges, positifs pour l'intérêt général, se poursuivent pour les recommandations qui n'ont pas encore été mises en oeuvre.
Cela m'amène à conclure sur l'intérêt de construire le budget sur des hypothèses prudentes lors de la loi de finances initiale et sur la nécessité, pour mieux assurer la maîtrise de la dépense publique, d'en finir avec la politique du rabot, pour procéder à des choix explicites, plus conformes aux engagements pris par le Gouvernement.
La soixantaine d'analyses par mission qui sont jointes au rapport vous fournissent une matière riche. Ainsi, celle qui porte sur la mission Défense entre par exemple dans le détail de la sous-budgétisation ou de l'absence de budgétisation de dépenses récurrentes et prévisibles, comme les opérations extérieures ou Louvois. L'analyse de la mission Écologie conduit à la conclusion qu'il faut supprimer l'Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF –, recommandation récurrente de la Cour. En ce qui concerne la mission Justice, la Cour observe une sous-exécution des crédits accordés, alors même que la mission est considérée par le Gouvernement comme prioritaire. Dans le même temps, certaines réformes structurelles, comme la mise en place de la plateforme des interceptions judiciaires, n'ont pas toujours produit les effets escomptés.
Lorsque nous avions présenté notre rapport public annuel, un de nos messages portait sur le décalage observé entre les annonces, les engagements et les résultats réellement obtenus. Nous constatons souvent que qualité du service public ne rime pas forcément avec quantité de dépense publique, et le projet de loi de règlement, qui pourrait d'ailleurs s'intituler « projet de loi de résultats », est probablement le meilleur moment pour vérifier que vos décisions ont été effectivement mises en oeuvre et qu'elles ont atteint leurs objectifs. À travers ses rapports, la Cour souhaite en tout cas contribuer à ce qu'une attention plus grande soit portée aux résultats.