Monsieur le président de la Commission, je vais essayer de ramener un peu de sérénité dans ce débat : vos énervements sont généralement, nous le savons, fonction des reproches que vous vous adressez sans doute pour avoir accompagné la dérive des finances publiques lorsque vous étiez rapporteur général de notre Commission, entre 2002 et 2012.
Je remercie la Cour des comptes, dont l'indépendance est garantie par la Constitution, du travail effectué pour remplir ses missions qui lui sont confiées. J'ai lu ce rapport de certification avec le plus grand intérêt. Le nombre des levées de réserves partielles montre, je crois, qu'il faut commencer par féliciter les administrations pour leur mobilisation et leurs efforts, soulignés, je crois, par la Cour. C'est l'exploitation en gestion de la comptabilité générale qui demeure pour l'avenir en débat.
Sur l'exécution budgétaire, je respecte la séparation des pouvoirs et je ne porterai donc pas de jugement sur la présentation retenue par la Cour des résultats de 2014. Personne néanmoins ne me fera croire que cette présentation est uniquement comptable : la Cour devrait s'abstenir de remettre en cause, même implicitement, les choix souverains du Parlement – même si sa mission est d'éclairer l'opinion sur les conséquences de ces choix. En effet, il y a entre la majorité parlementaire et la Cour un accord sur un point : les chiffres eux-mêmes, qui figureront dans la loi de règlement. Mais il y a un désaccord, réel, qui n'est pas nouveau mais qui s'accentue, sur la présentation et l'interprétation des résultats. Je m'interroge sur les méthodes employées, et en particulier sur l'analyse des efforts consentis, je l'ai dit, par les différentes administrations, et qui n'avaient jamais été menés auparavant. C'est là un désaccord de méthode, mais qui repose sur un désaccord de fond sur les choix de politique économique et budgétaire.
Ainsi, je lis dans votre rapport que « le déficit budgétaire s'est alourdi par rapport à 2013 et n'est pas conforme aux autorisations de la loi de finances initiale ». Pouvez-vous m'éclairer sur la portée juridique d'une telle phrase ? Je ne suis pas spécialiste de la LOLF, mais il me semble que la loi de finances initiale est une autorisation de prélever l'impôt, une autorisation de dépenses et un plafond de dette ; en revanche, je ne sais pas ce qu'est une autorisation de déficit – à moins que vous ne vouliez dire que le déficit doit être à tout prix contenu, alors même qu'il peut varier, notamment sous l'effet de l'évolution des recettes, qui est liée à la conjoncture.
Le niveau du déficit a été assumé politiquement par cette majorité, et voté en loi de finances initiale. Je souligne, en outre, que son accroissement résulte de l'inscription de 12 milliards d'euros au titre des programmes d'investissements d'avenir : sans cette somme, le déficit passerait de 85 à 73,6 milliards d'euros et serait donc en recul. Vous calculez que le solde budgétaire hors dépenses exceptionnelles était déficitaire de 66,73 milliards en 2013, et de 70,30 milliards en 2014. La Cour aurait pu souligner – et c'est là que la présentation joue un rôle dans la compréhension – que cet accroissement est dû à une baisse de 10 milliards des recettes, ce qui s'explique notamment par la conjoncture, mais aussi à une économie de dépenses de 2,6 milliards. Cette majorité ne s'est donc pas contentée de constater une absence de recettes ; elle a pris des mesures pour restreindre les dépenses.
Quant à la référence constante à la loi de programmation, en droit, l'année 2014 relevait en effet d'une précédente loi. Mais l'histoire a tourné : dès le printemps 2014, lors de la discussion du programme de stabilité, nous avons débattu de ce problème, et nous avons adopté une nouvelle loi de programmation à la fin de l'année, tenant compte à la fois de la conjoncture et de nos choix de politique économique et budgétaire.
Nous considérons donc que, selon nos indicateurs, le déficit budgétaire de l'État est en baisse ; vous considérez qu'il est en hausse. Vous dites que la dépense de l'État est stabilisée ; à notre sens, elle a diminué de 2 milliards d'euros hors dépenses exceptionnelles. Cette diminution est absolument sans précédent, et la Cour aurait pu mettre davantage ce point en valeur. Les dépenses sont inférieures à l'autorisation parlementaire de 6 milliards d'euros, ce qui est également sans précédent à ma connaissance. La Cour reconnaît que les normes de dépenses ont été respectées, alors même qu'elles avaient été durcies par la loi de finances rectificative. Hors éléments exceptionnels, je trouve même une baisse de 1,9 milliard d'euros.
Le débat porte sur l'instrument de pilotage et sur les normes : c'est un débat politique, et un débat de méthode. La Cour – ce n'est pas nouveau – souhaite un élargissement de la norme en volume et en valeur. Puisque la discussion porte essentiellement sur le PIA et les dépenses exceptionnelles, elle estime que ces dépenses doivent être financées dans le cadre de la norme : elle conteste ainsi, pour être clair, la trajectoire de redressement des finances publiques telle qu'elle a été décidée par le Parlement pour des raisons de politique économique et de stratégie de retour à la croissance. La façon de prendre en compte le PIA préconisée par la Cour revient en effet à exiger un effort de réduction des dépenses publiques supérieur à ce que nous souhaitons, pour des raisons de stratégie économique et budgétaire.
De ce point de vue, le Gouvernement et la majorité parlementaire sont mieux écoutés et mieux compris à Bruxelles qu'ils ne le sont rue Cambon.