Je reconnais volontiers qu'il n'est pas facile, mesdames et messieurs les députés, de formuler des remarques sur un rapport que, pour beaucoup d'entre vous, vous découvrez. Cette situation peut expliquer certains malentendus ou erreurs d'interprétation que, j'en suis sûr, une lecture plus attentive permettra de dissiper.
Ainsi, la Cour n'observe pas une augmentation de la dépense, monsieur Fauré, mais sa stabilisation. En revanche, nous sommes en désaccord avec ceux qui parlent d'une réduction de la dépense. Nous ne sous-estimons pas le résultat obtenu : la stabilité est un progrès par rapport à des années où la dépense était très peu maîtrisée, quels qu'aient été d'ailleurs les gouvernements en place. Bref, ne sur-interprétez pas nos propos.
Je suis d'accord avec plusieurs d'entre vous, notamment Mme la rapporteure générale, pour distinguer, s'agissant des recettes, ce qui relève de décisions souveraines, discrétionnaires, politiques, de ce qui correspond à des hypothèses imprudentes ou à de mauvais calculs de Bercy. Je l'ai fait dans mon exposé comme nous le faisons dans le rapport. Les hypothèses trop optimistes de croissance ou d'élasticité des recettes, notamment des recettes fiscales de l'État, ne sont pas placées sur le même plan que des mesures comme le CICE ou la suppression de la première tranche d'impôt sur le revenu, qui résultent d'une volonté politique. Je ne comprends donc pas que certains d'entre vous puissent dire que la Cour met en cause vos choix souverains ! Nous nous contentons d'en constater les conséquences ; à vous de les apprécier.
De même, la Cour ne porte pas de jugement sur la trajectoire de redressement des comptes, ni sur son rythme. Elle se contente de déterminer si celle que vous avez vous-mêmes fixée est respectée.
Ne craignez aucune contradiction entre la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. En réalité, nous ne parlons pas de la même chose, comme j'ai pris la précaution de vous le dire à plusieurs reprises : le rapport de la Cour porte sur l'exécution du budget de l'État, en comptabilité budgétaire ; le Haut Conseil, lui, raisonne toutes administrations publiques confondues, en comptabilité nationale. Dès lors, leurs points de vue ne peuvent que différer. Vous verrez bien s'il y a contradiction au mois de juin, lorsque nous analyserons la situation toutes administrations publiques confondues. En fait, vous le verrez alors, les deux institutions sont complémentaires.
Quant à ce que le Haut Conseil peut juger positif à propos du solde structurel, permettez-moi de vous rappeler que la trajectoire a été modifiée par la loi de programmation que vous avez votée en décembre et qui a aussi revu la croissance potentielle. Les références ne sont donc pas les mêmes. Dès lors, effectivement, comparaison n'est pas raison. Bref, il n'y a pas la moindre contradiction entre le rapport de la Cour sur l'exécution du budget et ce que peut dire le Haut Conseil à partir de l'article liminaire du projet de loi de règlement, toutes administrations publiques confondues, je le répète, et en comptabilité nationale.
Nous aurons l'occasion de reparler du PIA puisqu'il fait l'objet d'un travail en cours que nous espérons vous présenter à l'automne. Vous conviendrez en tout cas que lorsqu'un programme qui devait être exceptionnel connaît sa deuxième édition, voire la troisième, l'exercice change de nature. Du reste, le budget de l'État comprend des dépenses d'investissement, et non pas simplement des dépenses de fonctionnement. Dès lors, pourquoi faudrait-il exclure celles-là du budget ? En tant que parlementaires, vous devriez résister à cette tendance. La Cour l'a dit à plusieurs reprises à propos de débudgétisation ; je me souviens à cet égard de rapports plus anciens, dans une vie antérieure où nous occupions les uns et les autres des positions différentes. C'est un point sur lequel l'ensemble des parlementaires pourraient tomber d'accord, car tout ce qui peut nuire à la transparence ou à la lisibilité des dépenses de l'État devrait être évité.
Nous expliquerons nos calculs, mais nous n'avons pas inventé le solde budgétaire de l'État : il figure dans les comptes de Bercy. C'est en le retraitant pour distinguer ce qui est exceptionnel de ce qui ne l'est pas que nous constatons la stabilisation de la dépense, et non la hausse que l'on aurait pu déceler à première vue.
N'y a-t-il pas substitution lorsque, dès lors que les recettes attendues ne sont pas au rendez-vous, près de 2 milliards d'euros de dépenses qui étaient inscrits dans le budget de la défense se retrouvent financés dans le cadre du PIA ? Bercy peut bien estimer que la Cour a modifié cette année sa manière de compter ; en réalité, ce n'est pas nous qui avons modifié notre mode de calcul, mais c'est le PIA qui a changé de nature, perdant son caractère exceptionnel.
Les opérateurs méritent la plus grande attention. Longtemps, ils n'ont pas été astreints aux mêmes règles que les administrations de l'État ; depuis quelques années, cela a changé. Encore faut-il se donner les moyens de suivre vraiment leur action, car, ici aussi, il peut exister un décalage entre la volonté affichée par l'État et la réalité de l'exécution par les opérateurs.
Entendons-nous bien : la question n'est pas de savoir si nous sommes sévères. Nous ne donnons pas d'appréciation. Certains d'entre vous disent que nous jugeons, mais, en l'occurrence, ce n'est pas le cas : en ce qui concerne le budget de l'État, nous sommes bien plutôt comptables ou notaires ; nous constatons la réalité, et raisonnons par référence à l'exécution précédente. Nous n'entrons pas dans une logique politique.
Monsieur le député Lefebvre, la Cour des comptes, dites-vous, serait plus sévère que Bruxelles ; mais, là encore, comparaison n'est pas raison. Bruxelles est une autorité politique avec laquelle vous négociez, d'autorité à autorité. La Cour des comptes est une juridiction. On ne négocie pas avec la Cour des comptes à propos de la présentation des chiffres et des constats. Nous ne sommes pas souverains ; c'est vous qui l'êtes, c'est vous qui décidez.