Intervention de André Schneider

Réunion du 27 mai 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Schneider :

Comme vous le savez, l'une des grandes priorités du mandat de la nouvelle Commission européenne est de bâtir l'Union de l'énergie pour fournir à l'Europe un approvisionnement sûr, durable et compétitif. La stratégie dévoilée en février 2015 a présenté à la fois les grandes lignes de l'action à envisager ainsi qu'un calendrier prévisionnel.

Notre groupe de travail, après avoir réalisé des auditions à Bruxelles en janvier et entendu de nombreux experts, notamment lors de la table-ronde organisée ici le 14 avril, a souhaité vous présenter un point d'étape sur les avancées de l'Union de l'énergie. L'actualité du sujet nous semblait en effet appeler à une prise de position de notre Commission. Il s'agit d'abord de rappeler les contraintes géopolitiques du marché mondial de l'énergie. Mais cette Union de l'énergie s'appuie sur des précédents européens, dont elle cherche à dépasser les défauts et les contradictions internes. Cette communication vise enfin à souligner les marges d'amélioration possibles pour l'Union de l'énergie, et à attirer l'attention sur des points qui gagneraient à être clarifiés dans le projet européen.

L'Union de l'énergie nous apparaît comme un projet porteur de nombreux développements positifs pour assurer une meilleure sécurité énergétique en Europe, créer un réel élan industriel avec de nouveaux investissements. Une Union de l'énergie ne peut en outre que renforcer la capacité européenne à atteindre ses objectifs en matière environnementale. Mais on ne peut manquer d'observer que ce sont bien les futurs développements concrets qui donneront à cette Union de l'énergie sa véritable orientation : à ce titre, le projet gagnerait à être plus précis sur ses modalités de réalisation.

La proposition de conclusions européennes qui accompagne cette communication vise à encourager la poursuite des efforts vers une Union de l'énergie plus concrète tout en attirant l'attention sur les nécessaires précisions à donner quant aux moyens financiers qui lui seront alloués et la gouvernance qu'elle entend instituer.

Le contexte mondial de la géopolitique de l'énergie a introduit ces dernières années de nouveaux défis qui appellent à la constitution d'une Union de l'énergie plus solidaire. La concentration des ressources et la dépendance européenne ont rendu plus sensible la problématique de la sécurité de l'approvisionnement, dans un contexte d'accroissement de la demande mondiale

La dépendance européenne aux sources extérieures d'énergie n'est pas nouvelle, mais la situation ne va pas en s'améliorant. Aujourd'hui, l'Union importe près de 53 % de son approvisionnement énergétique, soit une facture annuelle de près de 400 milliards d'euros et 20 % du total des importations de l'Union. Comme l'indique la Commission européenne, l'Union importe en effet 90 % de son pétrole brut, 66 % de son gaz naturel, 42 % de son charbon et 40 % de son uranium. Cette dépendance préoccupante a mené la Commission à dessiner une nouvelle stratégie pour la sécurité énergétique en mai 2014, qui proposait des solutions structurelles présentes dans la stratégie pour une Union de l'énergie de février 2015.

Il s'agit de l'amélioration de l'efficacité énergétique, de la diversification des sources d'approvisionnement et du développement de sources d'énergies autochtones. Cette stratégie comportait également des mesures de plus court terme pour éviter toute pénurie d'énergie lors de l'hiver 2015. En vertu de cette communication de la Commission, des simulations ont été réalisées durant l'été 2014 pour évaluer les conséquences de ruptures d'approvisionnement totales ou partielles en gaz d'origine russe pour une grande partie des États européens (38) et tous les États de l'Union.

Ces tests ont montré la nécessité d'accroître la solidarité entre les États membres, notamment en renforçant les interconnexions et en permettant les flux rebours, et d'améliorer les mécanismes d'urgence. Le risque dans la fiabilité de l'approvisionnement est particulièrement prégnant depuis les crises à répétition de l'approvisionnement en gaz russe en Ukraine (2006, 2009, 2014). La relation avec la Russie est perçue différemment par les pays européens : les pays de l'ancien bloc soviétique se jugent trop dépendants du gaz russe ; les pays d'Europe de l'Ouest le sont moins. Six États-membres dépendent uniquement de la Russie pour le gaz, tandis que trois États membres (Estonie, Lettonie et Lituanie) dépendent d'un opérateur extérieur unique pour la gestion et l'équilibrage de leur réseau d'électricité. La sécurité énergétique est donc un problème majeur dans l'Union.

Cette question s'inscrit également dans un mouvement de hausse mondiale de la demande d'énergie, qui devrait augmenter de 27 % d'ici à 2030, principalement du fait des pays en développement. La consommation énergétique mondiale primaire est passée de 5,5 à 13,1 milliards de tep (tonne d'équivalent pétrole) entre 1971 et 2011, soit une croissance annuelle moyenne de 2,2 %, et continue depuis quarante ans.

En raison du dynamisme de la population mondiale (de sept milliards en 2010 à 9 milliards en 2050), les scénarios énergétiques de l'Agence internationale de l'énergie prévoient une hausse soutenue de la demande énergétique à l'avenir, pour des ressources énergétiques doublement concentrées. D'une part, entre un nombre restreint de grands fournisseurs qui peuvent utiliser l'énergie comme un outil d'influence sur la scène internationale. La demande est elle-même très concentrée entre des ressources énergétiques peu diversifiées : près de 80 % pour les énergies fossiles. Dans ces conditions, l'Union a tout intérêt à s'affirmer unie et puissante sur le marché mondial. Elle pourra ainsi mieux se positionner comme un acteur incontournable et « faiseur de prix » face à des fournisseurs qui se trouvent souvent dans une situation de dépendances des revenus liés à l'export d'énergie.

La compétitivité européenne a souffert du développement des sources d'énergie non conventionnelles moins chères. L'Union de l'énergie est également la promesse d'un nouveau projet industriel pour renforcer ce secteur, grâce à des investissements basés sur des synergies renforcées entre les États membres. Elle doit s'inscrire dans le contexte de la révolution énergétique que constitue le développement des gaz et pétroles dits “non conventionnels” aux États-Unis et au Canada. Les prix de gros de l'électricité en Europe sont 30 % plus élevés qu'aux États-Unis et les prix de gros du gaz, plus de deux fois plus élevés. Jusqu'à présent, la stratégie européenne de l'énergie n'a pas montré une capacité d'adaptation suffisante au contexte mondial : l'exploitation du gaz et du pétrole de schiste, la catastrophe de Fukushima ont profondément transformé le rapport des citoyens à l'énergie et l'acceptabilité de certaines méthodes d'exploitation ou d'extraction des ressources reste encore en discussion. Mais l'Union doit avoir ces débats de façon plus concertée, afin de ne plus simplement subir ces évolutions. Le respect des mix énergétiques nationaux ne doit pas empêcher d'avancer dans la recherche.

L'urgence du changement climatique plaide pour un modèle de développement moins dépendant des énergies fossiles. L'Union de l'énergie doit permettre la transition énergétique des États-membres en conformité avec le « second paquet énergie-climat » de 2014. L'union a toujours été aux avants postes de la lutte contre le réchauffement climatique, et l'Union de l'énergie lui permettra de s'appuyer sur le progrès des énergies renouvelables, une meilleure efficacité énergétique et sur de nouveaux efforts en matière de recherche et de développement.

La stratégie pour une Union de l'énergie a été dévoilée dans la même séquence que la contribution européenne en termes d'engagements pour la conférence climatique de Paris. Il y a donc là une volonté de lier ces deux dimensions de façon intrinsèque, tout en valorisant la dimension créatrice d'emplois et de croissance que revêt la transition énergétique.

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