Intervention de Laurent Collet-Billon

Réunion du 26 mai 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

L'enquête sur le crash de l'A400M, monsieur Boisserie, est placée sous l'autorité d'une juge espagnole qui ne communique pas ; nous ignorons également à quels experts elle entend faire appel. Les boîtes noires sont arrivées, le temps d'un week-end, au Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) au Bourget, avant de repartir à Madrid à la demande des autorités judiciaires espagnoles.

Trois des quatre moteurs de l'appareil sont tombés en panne ; les causes de l'accident pourraient être à chercher dans une modification mal conçue du FADEC – Full authority digital engine control – et, probablement, dans une erreur de production. Airbus a émis une recommandation technique sur la vérification des moteurs ; l'avion qui s'est « crashé » avait un FADEC du même type que celui développé en Malaisie et en Turquie, donc différent de celui des six avions français, lesquels ont accumulé plus de 10 000 heures de vol : on peut donc dire qu'ils sont sûrs.

Plusieurs questions, dès lors, se posent. La première est de savoir comment garantir que l'évolution de la production, de la part d'Airbus, ne conduise pas à des régressions. Plus généralement, on peut s'interroger sur l'attitude des pays parties prenantes du programme, sachant qu'un certain nombre d'entre eux envisagent d'ores et déjà de diminuer massivement leurs commandes. Au mois de juillet prochain, M. Enders rencontrera le ministre de la Défense : il sera question du nombre d'avions susceptibles d'être livrés à la France en 2015 et de l'avancement des différents développements. Ce dernier point me conduit indirectement au C-130 car il concerne au premier chef les capacités tactiques de l'avion : extraction de charges lourdes par la rampe arrière, parachutage par les deux portes latérales et, fonction essentielle aujourd'hui absente, autoprotection de l'avion – en particulier contre les missiles de courte portée à guidage infrarouge. L'extraction des charges lourdes ne posera pas de problème particulier, mais le doute est de mise sur le parachutage simultané par les deux portes : l'histoire, sur ce point, se répète puisque le C-17 avait connu le même problème – lequel avait été réglé par un changement de parachute : la solution est sans doute à chercher de ce côté, une fois encore.

Je n'ai pas beaucoup de nouvelles s'agissant de l'autoprotection, ce qui n'est évidemment pas bon signe. Airbus a fait entrer en lice plusieurs entreprises sur le développement de cette capacité ; nous souhaitons donc avoir des précisions quant à ses perspectives d'intégration.

S'agissant du ravitaillement en vol des hélicoptères, les dernières nouvelles ne sont guère positives non plus ; d'où les réflexions portant sur les C-130, dont la flotte, composée de quatorze appareils, n'est pas toute neuve, certains d'entre eux ayant été achetés d'occasion. Le renouvellement était prévu après 2020 : s'y intéresser dès aujourd'hui est donc une anticipation davantage qu'une rupture stratégique. D'autre part l'A400M dispose de capacités tactiques, mais il ne constitue pas, à proprement parler, un avion tactique au sens où l'étaient le Transall ou même les C-130 – avions préférés des forces spéciales et des services –, compte tenu notamment de son volume et de son envergure. J'avais donc suggéré l'acquisition de C-130 capables de ravitaillements en vol, en l'occurrence quatre C-130J neufs, pour un prix de l'ordre de 800 millions d'euros qui, bien que très critiqué, correspondait aux prix communiqués à la faveur de contacts sur place, aux États-Unis – étant entendu que le projet n'a jamais été officiellement formalisé. Si le contrat est si onéreux, c'est non seulement parce que le C-130J est la dernière version produite par Lockheed Martin, mais aussi parce que ses moteurs, son avionique et son pilotage sont différents – le nombre de pilotes est réduit à deux –, d'où la nécessité d'acheter des services d'instruction des personnels, des simulateurs et de la logistique supplémentaire.

Nous nous sommes donc rabattus sur un montant qui, compatible avec l'enveloppe de 1,5 milliard, n'en est pas pour autant irréaliste : il correspond à l'acquisition de quatre C-130H d'occasion ; nous prospecterons le marché pour les trouver et, plus généralement, pour trouver des industriels capables d'intégrer, sur un ou plusieurs de leurs avions, des capacités de ravitaillement en vol d'hélicoptères et, le cas échéant, à quel prix. La réflexion, en ce domaine, devrait aboutir d'ici à la fin de 2015.

La question du prix unitaire de l'avion n'a guère de sens indépendamment du contexte logistique. Pour l'A400M, elle avoisine les 130 millions d'euros, mais ce chiffre monte à 150 millions si l'on y ajoute la part afférente au développement. Un C-130, lui, coûte quelque 90 millions de dollars.

Je continue d'être un farouche partisan de l'A400M, mais cela n'implique évidemment pas de bannir de notre flotte les C-130, qui correspondent à des besoins très spécifiques des forces spéciales et des services. En revanche, les possibilités de l'A400M quant à l'acheminement des matériels lourds sur des pistes sommairement préparées, par exemple, sont tout à fait significatives. L'intérêt pour cet avion est au demeurant manifeste, non seulement de la part de la Malaisie, mais aussi des pays du Moyen-Orient, indépendamment des questions posées sur l'accident.

Sur le programme 146, monsieur Fromion, 500 millions d'euros sont inscrits en crédits de paiement au titre de l'équipement en 2018 et 2019 – les chiffres étant à peu près les même pour l'EPM. Les crédits prévus en 2016 et 2017 permettront de payer les dépenses de T2 et hors T2 afférentes au surcoût généré par l'atténuation de 18 750 ETP ; le reste provient, pour 564 millions, de l'effet « coût des facteurs » hors PEM – Programmes à Effet Majeur – et, pour 436 millions, des programmes à effet majeur, selon des effets calculés par l'IGF et le CGA, dont le ministre a approuvé le rapport. La DGA se retrouve dans les méthodes de calcul retenues ; le seul problème concerne le périmètre. La part de 436 millions d'euros correspond aux programmes futurs ou renégociés, lesquels voient donc leur dotation diminuer par rapport aux prévisions de la LPM. Cette baisse est significative puisqu'elle représente 12 % sur la période 2016-2019. Aussi pourrions-nous être amenés à réajuster le contenu physique, le calendrier ou les quantités commandées. En tout état de cause, les baisses, volontaristes, s'appliquent à des enveloppes budgétaires davantage qu'à des contenus industriels précis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion