Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 27 mai 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt :

L'équilibre de cette proposition de loi s'appuie sur deux volets. L'un abroge un statut administratif exorbitant du droit commun et complète les décisions prises par le Conseil constitutionnel en 2012 ; l'autre répond à la nécessité de développer l'offre d'accueil pour les gens du voyage tout en assouplissant les conditions de mise en oeuvre de l'évacuation forcée des résidences mobiles stationnant illégalement sur les territoires des communes ou des EPCI. Dans la continuité de la « loi Besson » du 5 juillet 2000, le texte garantit l'équilibre entre la liberté d'aller et de venir, le droit à un logement décent et le droit de propriété, ainsi que le droit des maires de faire respecter l'ordre, la tranquillité et la salubrité publics, sur le territoire de leur propre commune.

Notre pays abrite l'une des plus grandes communautés de gens du voyage, comptant 350 000 personnes. Bien qu'ils ne soient plus que 70 000 environ à être nomades en permanence, ils sont extrêmement attachés à l'itinérance comme mode de vie. Ce choix, qui doit être respecté, a d'ailleurs valu aux gens du voyage d'être soumis à un régime administratif spécifique. Dans le propos introductif de son rapport, le préfet Derache rappelle d'ailleurs que les gens du voyage ont longtemps été considérés comme des Français entièrement à part, non comme des Français à part entière.

Les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 relatives à la possession d'un carnet ou d'un livret de circulation ont été dénoncées dans plusieurs rapports ainsi que par le Conseil constitutionnel. Saisi d'une QPC en octobre 2012, celui-ci a estimé que le carnet de circulation représentait une atteinte disproportionnée à la liberté publique d'aller et venir. Nous nous félicitons donc que l'article 1er de la proposition de loi abroge les dispositions restant en vigueur de cette loi du 3 janvier 1969.

Par le biais des articles 8 et 9, les gens du voyage relèveront désormais du régime du droit à la domiciliation mis en place au profit des personnes sans domicile stable par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, avec la possibilité d'élire domicile soit auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale, soit auprès d'un organisme agréé, afin de prétendre au service des prestations sociales ou encore à l'exercice des droits civils et civiques. La suppression du livret de circulation devra s'accompagner d'un meilleur accès à la carte nationale d'identité, sur laquelle la mention « sans domicile fixe » devra être remplacée par l'adresse d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale.

Je souhaite insister sur les articles 2 et 3 de la proposition de loi, qui doivent être regardés ensemble. La proposition de loi n'entend pas aborder les problématiques liées au statut, à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage sous le seul angle de la défense de l'ordre public ou de la tranquillité publique, alors que les dispositions de la « loi Besson » en matière d'implantation des aires d'accueil sont aujourd'hui loin d'être respectées. Quinze ans après, seulement 65 % des aires d'accueil et moins de la moitié des aires de grand passage ont été construites – encore ces chiffres ne rendent-ils pas compte des fortes disparités entre régions, l'accueil des gens du voyage étant très difficile dans certaines d'entre elles.

Lorsqu'ils ont respecté leurs obligations en matière d'aires d'accueil, les élus locaux doivent pouvoir obtenir plus facilement du préfet l'évacuation des occupants d'un campement illicite. Le dispositif actuel est très lourd, souvent coûteux et complexe, notamment pour les petites communes. C'est la raison pour laquelle nous accueillons avec satisfaction l'assouplissement des conditions de mise en oeuvre des évacuations forcées. Lorsque les personnes publiques sont défaillantes, le préfet dispose du pouvoir de substitution en vertu duquel il pourra, après mise en demeure pour non-respect des obligations définies par le schéma départemental, consigner entre les mains du comptable public les sommes nécessaires ; en cas de non-obtempération et après une nouvelle mise en demeure, il pourra utiliser ces fonds pour mettre en place l'aire d'accueil.

L'article 3 ouvre aux élus locaux qui ont respecté leurs obligations la possibilité d'obtenir plus facilement du préfet l'évacuation d'un campement illicite. Je me félicite, moi aussi, de l'amendement du rapporteur, qui réécrit complètement le dispositif en rendant la mise en demeure du préfet applicable pendant sept jours à compter de sa notification aux occupants d'une résidence mobile, et sur le territoire de la collectivité concernée. Afin d'en renforcer l'efficacité, le délai laissé au président du tribunal administratif ou à son délégué pour statuer sur un recours contre une mise en demeure passerait de soixante-douze à quarante-huit heures.

J'appelle également l'attention de la Commission sur la proposition du rapporteur d'inscrire dans le schéma départemental la possibilité pour les communes de remplir leurs obligations en mettant en place des modes d'accueil diversifiés, tels que des terrains familiaux, adaptés à l'évolution des modes de vie et des besoins des gens du voyage, notamment de ceux en cours de sédentarisation.

Enfin, en tant que rapporteur du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, je rappelle que les dispositions des articles 4, 5, 6 et 7 de la présente proposition de loi ont été reprises dans le texte porté par Marylise Lebranchu aux articles 18, 19, 20 et 21, aux titres desquels sera obligatoire le transfert de la compétence de création et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération.

En conclusion, le groupe socialiste soutiendra l'adoption de ce texte d'équilibre.

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