Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’octroi de mer a pratiquement trois siècles et demi d’existence. Une telle longévité s’explique par sa nature intrinsèque. Cette mesure est ingénieuse et efficace, adaptée et adaptable. Aujourd’hui encore, l’octroi de mer a toute sa raison d’être pour les collectivités, les communautés d’agglomérations et les entreprises, car toutes en dépendent largement. Il représente jusqu’à 48 % des ressources de certaines collectivités. Et dire que ce dispositif a été décrié, accusé, et qu’il fait l’objet de nombreux recours devant les tribunaux ! Les arguments fallacieux avancés invoquaient le renchérissement considérable du coût de la vie et l’entrave insupportable, comparable à un caillot, à la libre circulation des marchandises en provenance de l’Union européenne. Il se trouve qu’un rapport ad hoc publié par le cabinet Lengrand en 2012 affirme sans ambiguïté que l’octroi de mer n’a engendré ni surcompensation ni situation de rente. Ce constat n’est pas pour autant le dernier mot et l’octroi de mer doit évoluer afin de s’adapter aux exigences d’un monde en constante mutation. Tel n’est pas le chemin emprunté, ce que je déplore profondément.
On reste encore prisonnier du concept de « chasse gardée ». En effet, selon l’exposé des motifs du projet de loi, le dispositif doit être adopté d’ici le 30 juin 2015 en vue d’obtenir sa prorogation, pourtant réduite de moitié par rapport aux précédentes. On recadre tout en rétrécissant ! Le rappel très directif des principes européens ne saurait exclure les possibilités d’intégration dans d’autres espaces géographiques. N’est-ce pas la théorie économique en vogue répétant à l’envi qu’il importe de disposer d’un marché plus vaste si l’on veut réaliser des économies d’échelle ? Justement, un marché prometteur se trouve à notre portée dans notre bassin d’ancrage naturel et il serait contradictoire, improductif et anti-économique de ne pas y être ! L’Europe n’est pas recroquevillée sur elle-même. Elle ne vit pas en autarcie mais étend sans cesse ses relations commerciales avec le reste du monde. Au nom de quelle intransigeance cette possibilité nous serait-elle interdite ? Le principe de la réalité multiple doit être la règle appliquée à tous ! Est-il besoin de préciser que le tissu économique martiniquais est formé d’une myriade de petites entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 300 000 euros ? Soyons raisonnables ! Risquent-elles de déstabiliser la France et l’Europe ?
Le projet de loi prévoit la création du marché unique antillais englobant la Guadeloupe et la Martinique, initiative que je salue même si l’idée n’est pas neuve. Il était envisagé d’y inclure la Guyane mais celle-ci a de nouveau souhaité prendre le large. Personnellement, tout en respectant chaque prise de position, je souhaite qu’un accord de partenariat soit conclu afin de tenir compte des intérêts bien compris de chacun et d’éviter d’aggravantes distorsions et dissensions supplémentaires. Que penser enfin des pays voisins dont les marchandises entrent en Martinique, disons sans excès de complications et qui nous opposent en retour leur negative list ? Serait-ce une coopération à sens unique ? Voilà pourquoi notre adhésion comme membre de droit avec voix délibérative aux instances qui se mettent en place dans la zone caribéenne et américaine est une impérieuse nécessité et constitue une redéfinition optimale des liens et des intérêts. À rebours d’un dogmatisme sclérosant, optons pour un choix judicieux tout en continuant à développer la coopération avec la France et l’Europe !