Certains handicaps sont dits « permanents » ; ce n’est en effet pas au moyen d’une formule bienséante que l’on pourra réduire une distance de 8 000 à 2 000 kilomètres et rapprocher l’outre-mer de la France métropolitaine. L’éloignement, l’insularité sont des faits permanents. Or, les mesures, selon Bruxelles, ne sont pas permanentes, madame la ministre : elles sont ponctuelles. Les contraintes permanentes sont donc traitées par des mesures extrêmement ponctuelles ; telle est la philosophie retenue. Bruxelles maintient que cette interprétation était déjà celle de la Commission européenne, qui ne concorde d’ailleurs pas avec celle du Conseil de l’Union européenne, de l’article 227 du traité de Rome, puis de l’article 299 du traité de l’Union européenne dans sa rédaction issue du traité d’Amsterdam, et enfin de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne.
Pour la Commission, les dispositions dérogatoires ont pour objet de mettre en oeuvre des mesures dérogeant aux interdictions et obligations du traité lui-même, et non au droit dérivé. En d’autres termes, vous ne pouvez pas prétendre à ce que le droit primaire de l’Union européenne intègre de manière pérenne des modifications donnant à de telles dérogations une assise permanente. Tel est le problème auquel nous sommes confrontés. Quand j’avais rencontré M. Ayrault, il avait pris l’engagement de pousser Bruxelles à aller beaucoup plus loin dans le sens d’une interprétation permanente des handicaps qui sont les nôtres et des dérogations qu’ils devraient autoriser.
J’en viens au marché unique antillais. Je le dis très clairement à notre collègue Chantal Berthelot, le marché unique antillais ne doit pas léser la Guyane. Un dialogue a été engagé entre la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et le Gouvernement qui nous a déjà permis de cibler sept produits, alors qu’il n’y en avait que six au départ. Nous sommes ouverts à l’adoption d’une acception plus large de ce septième produit. Nous pouvons, je le pense, continuer d’oeuvrer ensemble dans une véritable dynamique. Ce qui doit prévaloir, c’est le dialogue, et non pas les coups de boutoir lancés d’un côté ou de l’autre. Je souhaite que la commission qui sera créée avec la règle d’une présidence tournante entre les trois régions nous permette d’adapter cette liste à nos réalités.
Je conclurai avec quelques mots sur le modèle économique. Nous ne nous privons pas de le répéter à cette tribune : la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane connaissent une situation économique difficile, le taux de chômage des jeunes est très élevé – près de 60 % dans la plupart des zones. Le taux de chômage de l’ensemble de la population stagne à 22 %, alors que le PIB par habitant est de 23 000 dollars, contre 400 à 800 dollars dans les pays voisins. Un vrai problème se pose quant au modèle économique. C’est la raison pour laquelle je suis totalement d’accord avec le rapporteur sur la nécessité d’impulser immédiatement une dynamique de réflexion pour déterminer le régime fiscal le plus approprié afin d’accroître rapidement la création de valeur ajoutée et d’emplois.