Intervention de général Denis Mercier

Réunion du 26 mai 2015 à 18h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air :

On ne peut pas communiquer au jour le jour sur les tirs, monsieur Guilloteau, mais j'ai tout de même à coeur de montrer ce que font nos aviateurs sur ces théâtres d'opération. En Afrique, beaucoup d'opérations sont liées aux opérations spéciales : c'est pourquoi elles sont peu relayées. Il en est de même au Levant où de nombreux aviateurs sont engagés dans la campagne aérienne. Le travail des drones, notamment, est remarquable. Même si le ministre rend visite à ces aviateurs, ils sont peu médiatisés et cela n'est pas bien vécu.

J'ai une inquiétude, en effet, sur le calendrier de Cognac 2016. Moyennant un investissement faible sur le programme 146, nous pouvons, avec ce projet, gagner beaucoup sur le programme 178. Il a plutôt glissé sur la fin 2017 et je m'accroche pour que cela ne glisse pas davantage. Peut-on se permettre de perdre 110 millions d'euros de MCO par an ?

Si je considère la totalité des contrats opérationnels, j'ai besoin de 290 pilotes de chasse opérationnels. Je ne les aurai jamais sauf à augmenter considérablement les moyens financiers pour les entraîner. La France ayant la capacité de réagir très vite à des contextes extrêmement changeants, qui peuvent être de haute intensité, nous pouvons entraîner 240 pilotes au niveau requis ; ce sont donc cinquante pilotes qui seront entraînés de manière différenciée. Ils feront quarante heures de Rafale au lieu de 180 et pourront être engagés en opération, pour des missions toutes aussi opérationnelles mais de moindre intensité, en fonction de la phase de la campagne aérienne. Le programme FOMEDEC nous permettra d'assurer ce basculement. C'est un programme que nous pourrions engager facilement et rapidement et qui nous ferait gagner de l'argent, de même qu'il nous permettrait d'améliorer l'entraînement car l'avion peut être configuré comme un Rafale. En outre, le regroupement des activités sur Cognac nous conduira à fermer la plateforme aéronautique de Tours – la plateforme mais non la base –, ce qui nous fait gagner des effectifs. C'est un projet vertueux.

Nous avons eu, dans le contrat égyptien, une excellente surprise : les pilotes et mécaniciens égyptiens sont des gens remarquables et leur formation se passe très bien. Nous nous sommes mis d'accord avec la DGA pour une restitution des six avions prélevés sur nos livraisons avant 2018, ce qui nous permettra de faire monter en puissance le deuxième escadron nucléaire Rafale.

Ma crainte, c'est que d'autres contrats, exigent des avions en avance de phase, ce qui impliquerait de prélever encore des avions sur ceux destinés à l'armée de l'air, alors que ce n'est plus possible. Les Qataris nous demandent un transfert opérationnel de plusieurs années, et nous sommes en mesure de l'assurer, mais cela va entraîner énormément de tensions sur notre personnel pendant au moins deux ans. Les clients suivants devront s'adapter à nos capacités d'absorption, tant pour le MCO que pour la formation et les livraisons.

L'encadrement militaire, monsieur Boisserie, oui, ça marche ! Ces jeunes viennent deux mercredis par mois chez nous. Nos jeunes sont bénévoles et ils s'y retrouvent parce que nous en avons fait un projet d'apprentissage au leadership par l'engagement.

Notre but n'est pas d'être propriétaire de cette démarche mais au contraire de l'élargir. À Toulouse, où la base aérienne a fermé il y a quelques années, nous avons contacté des jeunes de Sup Aéro et d'autres écoles aéronautiques, qui sont d'accord. Nous les accompagnerons pour qu'ils fassent la même chose.

Les difficultés de l'A400M sont connues. La principale est le retard pris par Airbus pour la livraison des capacités opérationnelles. Les premières vraies capacités opérationnelles, notamment l'autoprotection, essentielle à mes yeux, et les capacités de parachutage, arriveront en fin d'année, puis en 2016. Nous commencerons à cette date à avoir l'avion que nous attendions. Le seul point qui ne sera pas résolu concerne la capacité à ravitailler en vol des hélicoptères. C'est l'une des raisons pour laquelle nous souhaitons quatre nouveaux C-130.

Nous ne pourrions plus nous passer de l'A400M : nous ne l'utilisons pour l'instant qu'en logistique mais, rien que dans ce cadre, ses capacités sont formidables. Je suis donc très confiant sur cet avion et plutôt critique à l'égard des pays qui ont décidé d'arrêter le programme. Un avion vole toujours en vertu d'un certificat de navigabilité. Ce certificat est différent selon que l'avion est en essai-réception ou utilisé en ligne. Le certificat de l'avion qui s'est écrasé à Séville était un certificat de vol en essai-réception et non de vol en ligne.

Le C-130 ne fait pas mieux que l'A400M : c'est seulement que ce dernier a pris du temps – mais Airbus, je le vois, s'est mis en ordre de marche. Je dispose aujourd'hui de quatorze C-130, mais avec une faible disponibilité. Plusieurs sont dans un circuit de maintenance en raison d'une mise aux normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), obligatoire, et, de même, la rénovation tactique prévue dans la LPM doit bientôt arriver. Ces deux effets se conjuguant à des problèmes rencontrés sur l'avion, notre plan d'action mettra deux ou trois ans pour porter ses fruits. L'avion étant très utilisé par les opérations spéciales, les jeunes équipages volent trop peu. D'où les quatre C130.

Je n'ai pas de soucis sur les équipages d'avion de chasse tant que l'on ne nous prélève pas d'autres avions. En revanche, j'ai des soucis sur les équipages de C-135 et des avions de transport car nous ne générons pas assez d'heures de vol en raison de la vétusté des appareils. C'est pourquoi il est indispensable que nous disposions de quatre C-130 supplémentaires. Il nous faut deux ou trois ans pour rehausser les niveaux d'activité sur le transport aussi.

Nous effectuons environ entre cinquante et soixante évacuations sanitaires par an, soit plus d'une par semaine. Ainsi, depuis le 1er janvier 2015, 23 EVASAN ont été effectuées à bord des Falcon de l'armée de l'air. Nous avons une alerte à une heure, jour et nuit. Cela suppose un certain nombre d'équipages. Pour les entraîner, il faut les faire voler. Nos quatre Falcon, hormis les deux Falcon 7X réservés au Président de la République, ont pour première mission l'évacuation sanitaire mais, pour les faire voler et entraîner nos pilotes, nous les mettons au service du Gouvernement. C'est une mutualisation fructueuse.

La non-fermeture de la base de Luxeuil, monsieur Chrétien, a été décidée pour des raisons politiques. L'arrivée d'un troisième escadron Rafale, comme je l'ai indiqué, a été décalée de 2014 à au-delà de 2021. D'ici là, nous aurons deux escadrons Rafale à Saint-Dizier et deux autres à Mont-de-Marsan. Luxeuil pourrait offrir un cadre aux futurs escadrons de Rafale en remplacement des Mirage 2000.

Si un autre contrat export arrive, ma crainte est que l'on ne reprenne pas les livraisons de Rafale pour l'armée de l'air en 2021, comme c'est aujourd'hui prévu, mais au-delà, en 2023 ou 2024. Nous sommes déjà en train de prolonger les Mirage 2000-5 jusqu'en 2021 et nous sommes mêmes pas sûrs d'y parvenir ! L'éventuelle affectation des escadrons à Luxeuil est donc fortement suspendue au respect de la LPM et du LBSDN et d'une tranche 5 de livraison Rafale après 2020.

Nous avons retiré la protection sol-air de cette base car nous plaçons ces escadrons de protection sur les trois bases à vocation nucléaire, Istres, Avord et Saint-Dizier.

Le problème de la formation, monsieur Fromion, porte sur les équipages des C-135 et C-130. C'est pourquoi je vois d'un très bon oeil la réintégration de trois MRTT dans la LPM, et, de même, quatre C-130 de plus allégeraient nos tensions sur ces fonctions. La répartition n'est pas homogène entre les jeunes et les autres.

L'actualisation de la LPM prévoit l'acquisition de vingt-cinq pods de désignation laser nouvelle génération supplémentaires après 2020, en plus des vingt initialement prévus d'ici 2020, et c'est nécessaire. Le ministre a visité la base de Nancy il y a quelques mois et il a bien compris la problématique des pods. La fin du développement est prévue pour 2019. Je dispose de moins d'un pod par escadron aujourd'hui pour entraîner les jeunes, car tous sont engagés en opération.

Les AWACS viennent d'être modernisés. Le premier à l'avoir été est actuellement engagé dans l'opération Chammal. Cette modernisation est remarquable. Même si la cellule est relativement ancienne, nous pourrons, moyennant une petite rénovation OACI, la maintenir encore longtemps. Ces appareils sont extrêmement engagés, sur tous les fronts. L'OTAN vient d'attaquer un grand chantier pour étudier le renouvellement des AWACS.

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