Intervention de général Denis Mercier

Réunion du 26 mai 2015 à 18h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air :

Je n'ai pas, monsieur Dhuicq, de visibilité sur les conséquences de la baisse des crédits de recherche. L'hypervélocité, que vous avez citée, me semble en effet essentielle, pour les missiles, voire les vecteurs, avec d'importantes applications civiles possibles. Ce sujet ne me paraît pas compromis.

Les futurs drones de combat sont un autre domaine important. Nous avons réalisé un premier démonstrateur, dont les résultats sont bons. Nous en réaliserons un second avec les Britanniques. C'est important mais, comme je l'ai dit, un démonstrateur n'est pas un prototype, et cela ne correspond pas à un matériel opérationnel.

Les démonstrateurs nous aident à développer de futurs concepts. L'un de ces concepts, c'est que le bon critère, par rapport aux menaces sol-air ou air-air extrêmement performantes qui se dessinent, c'est la survivabilité. Il n'y a plus de capacité militaire capable de répondre à elle seule à une menace. La réponse se fera donc en réseau. Nous n'avons pas besoin, par exemple, d'un Rafale furtif dès lors que nous serons capables de faire voler des patrouilles avec un drone furtif. C'est cette capacité à amalgamer différentes capacités dans une architecture de commandement qui dessinera l'avenir : cela implique de passer d'une logique de plateforme à une logique de système. C'est pourquoi nous sommes en train de transformer le centre de Mont-de-Marsan en centre d'expertise aérienne militaire. Je reste très vigilant sur la préparation de l'avenir.

Les dates de livraison de Rafale à l'Égypte et au Qatar sont connues car les contrats sont là.

D'ici à 2019, mon objectif est que tous les Rafale prévus pour la LPM soient livrés, y compris les six prélevés sur les chaînes d'assemblement au profit de l'Égypte, lesquels nous seront normalement restitués avant 2018. C'est important car le deuxième escadron nucléaire Rafale doit remplacer les Mirage 2000N dont la fin de vie se termine en 2018. Le Président de la République nous a demandé d'être opérationnels en 2018 : les équipages sont déjà en formation et quelques Rafale déjà arrivés. Ce sont ceux que l'on avait mis sous cocon en raison du décalage de l'arrivée de cet escadron et qui sont indispensables à la montée en puissance de cet escadron.

Le coût de la composante aéroportée dans la dissuasion, monsieur Candelier, est de 7 % du coût total de la dissuasion (MCO compris), tous programmes confondus (144 146 178 212). Le MCO de cette composante couvre également l'entraînement conventionnel car l'escadron nucléaire Rafale est aujourd'hui déployé au Mali et en Irak. Il remplit également l'alerte de défense aérienne au titre de la posture permanente de sûreté. Nous avons diminué le format de l'aviation de combat dans la LPM en intégrant le fait que le Rafale est polyvalent et peut participer aux missions conventionnelles. Je reste persuadé que, pour que la dissuasion nucléaire soit crédible, les deux composantes sont nécessaires, en toute complémentarité.

Les contrats avec l'Égypte et le Qatar ne soulageront pas nos finances. Cependant, la LPM a été construite sur une hypothèse de 4,5 années blanches pendant lesquelles les livraisons de Rafale à notre profit étaient stoppées, ce qui supposait, dans la mesure où il faut bien que le constructeur produise des avions, qu'ils soient acquis par d'autres pays. L'export était donc indispensable, mais cela n'a pas de conséquence directe sur nos finances.

La modernisation de la flotte polyvalente, c'est le Rafale pour l'aviation de chasse, le MRTT pour le futur tanker, et l'A400M qui fera du transport stratégique et tactique. Deux autres projets me tiennent à coeur, outre Cognac 2016 : la rénovation du C-130 et le Mirage 2000D. Pour le Mirage 2000D, il n'y a plus vraiment de polyvalence : la modernisation est un traitement d'obsolescences, en plus de l'ajout d'un canon et de missiles MICA. De même, la mise au même standard de tous les avions est absolument essentielle. Moins de 30 % de mes Mirage 2000D sont aujourd'hui capables de faire toutes les missions opérationnelles, car les autres n'ont pas tous les câblages nécessaires pour emporter tous les équipements nécessaires aux missions opérationnelles. Quand ces avions, engagés en Afrique et en Irak, rentrent en France, nous les utilisons pour redonner du potentiel aux autres. C'est une sur-maintenance difficile à imaginer.

Les 26 Rafale que vous évoquez, monsieur Audibert Troin, sont pour l'armée de l'air et la marine (19 Rafale Air et sept Rafale Marine de 2014 à 2019). La précédente LPM avait prévu des livraisons de Rafale pour faire monter nos escadrons en puissance, avec une tranche 4 prévoyant une soixantaine d'avions, et la perspective d'une tranche 5, d'ailleurs, pour faire ensuite un peu de parc. Dans la présente LPM, nous avons prévu 4,5 années blanches, ce qui signifie qu'il fallait absolument, sur cette tranche 4, vendre des avions. Nous avons ainsi ralenti, puis stoppé pendant quatre ans et demi, les livraisons à la France, d'où le décalage de l'arrivée de l'escadron nucléaire. Comme nous avions déjà reçu quelques avions pour cet escadron, nous avons décidé de ne pas tous les mettre en ligne, pour des questions de finances. Nous sommes en train de les utiliser aujourd'hui parce que cet escadron va remplacer les Mirage 2000N.

Les six Rafale destinés à l'Égypte ont été prélevés sur les chaînes du constructeur : c'étaient des avions qui devaient nous être livrés en 2015. Le constructeur peut nous restituer ce nombre, en accélérant un peu la chaîne, avant 2018.

Si un autre client arrive, il faudra produire plus d'avions. C'est possible mais la construction prend du temps : un Rafale ne dépend pas que de Dassault, il y a d'autres grands constructeurs, ainsi que 400 ou 500 PME, qui doivent produire les pièces. Aussi, si un autre pays demande des avions dans vingt-quatre mois, ce ne sera pas possible, sauf à les prendre sur nos avions.

Pour l'accompagnement du SOUTEX, nous avons demandé environ deux cents personnes à temps plein : beaucoup de mécaniciens, un peu de personnel navigant, quelques experts de la guerre électronique et du renseignement.

Nous avons deux types de contrats pour l'accompagnement. Avec l'Égypte, le contrat a été intégré dans le contrat Dassault, avec une formation de base relativement courte. Dans ce cadre, l'armée intervient en facturant en quelque sorte ses prestations à Dassault Aviation.

Pour le Qatar, il s'agit d'un accompagnement complet et à plus long terme. L'arrangement technique a été sorti du contrat industriel et passé par l'armée de l'air. Les Qataris nous paieront directement les prestations de formation. En vertu d'un décret de 2009, nous allons facturer directement la formation. L'imputation se fait sur le budget opérationnel de programme (BOP) 178 de l'armée de l'air. C'est la première fois que nous allons passer un contrat de ce type.

L'export est un effort permanent. La formation du personnel égyptien nous a conduits à décaler des formations en France. C'est bon pour le pays et nous déployons cet effort naturellement, mais il ne faut pas faire n'importe quoi. Il convient que l'armée de l'air soit dès le départ partie prenante de toutes les discussions, notamment sur la question du calendrier. Il faut que « l'équipe France » – la DGA, l'armée de l'air, l'industriel – affiche clairement le calendrier et ne cède pas aux éventuelles pressions de pays qui ne voudraient pas attendre. Moyennant cela, tout se passera très bien.

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