Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 2 juin 2015 à 15h00
Dialogue social et emploi — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi, dont nous venons d’achever l’examen, traite de plusieurs sujets. Tout d’abord, concernant les intermittents du spectacle, nous nous félicitons que soit inscrit dans la loi le principe d’une indemnisation du chômage qui leur soit spécifique. En outre, nous apprécions qu’ait été adopté notre amendement visant à ouvrir, d’ici juillet 2016, des négociations sur la politique contractuelle comprenant les conditions de recours au contrat à durée déterminée d’usage. C’est un progrès dans la lutte contre la précarité de ces professionnels.

D’autre part, ce texte instaure une nouvelle prime d’activité qui doit bénéficier aux travailleurs les plus modestes. Nous avons à la fois réaffirmé notre soutien à cette mesure et regretté vivement que cette réforme se fasse à enveloppe constante, autrement dit dans le cadre des 4,1 milliards d’euros actuels, puisqu’elle doit théoriquement compter un plus grand nombre de bénéficiaires que la prime pour l’emploi et le RSA activité auxquels elle se substitue.

S’agissant du dialogue social, qui constitue l’essentiel du texte, nous ne pouvons accepter que la nécessité de le moderniser et de le simplifier constitue un prétexte pour affaiblir la représentation des salariés. Bien sûr, vous mettez en avant la création des commissions paritaires régionales, permettant enfin aux 4,6 millions de salariés des très petites entreprises d’être représentés. C’est une indéniable avancée mais, telle que vous l’avez conçue, elle reste très limitée, les membres de ces commissions ayant peu de pouvoirs, même si vous avez accepté notre demande d’élargir leurs prérogatives à la médiation, ce qui est une bonne chose.

Vous avez refusé nos amendements qui visaient à augmenter les cinq heures mensuelles de délégation actuellement prévues par le texte. Vous avez même repoussé celui qui donnait aux délégués le droit d’entrer dans les entreprises dont ils représentent pourtant les salariés !

La nouvelle délégation unique du personnel, dite DUP, pour les entreprises comprenant jusqu’à 300 salariés – et davantage, lorsqu’un accord collectif le prévoit –, n’est pas une évolution positive pour les salariés, d’autant que la DUP inclut désormais le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT.

Cela signifie que les mêmes élus, moins nombreux et avec moins d’heures de délégation, devront tenir tous les rôles : celui de délégué du comité d’entreprise, de délégué du personnel et de membre du CHSCT. Chacun devra donc acquérir des compétences dans des domaines aussi techniques et divers que l’analyse du budget d’une entreprise, la maîtrise du droit du travail, de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. Le risque est grand que ces différents sujets, et particulièrement les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail, soient traités de façon moins approfondie qu’auparavant.

Vous avez accepté les amendements introduisant dans le texte le burn-out, ce syndrome d’épuisement au travail. Nous nous en félicitons, mais la question essentielle de sa prévention exige précisément des CHSCT confortés, quand vous faites le choix de les affaiblir.

Vous répétez à l’envi que la nouvelle DUP préserve « globalement » les moyens dédiés aux différentes instances représentatives du personnel, désormais regroupées. Mais force est de constater que vous avez obstinément refusé nos amendements visant à inscrire dans le texte que le nombre d’heures de délégation et de représentants des salariés serait le même dans le cadre de la DUP qu’avant le regroupement. Ainsi la mise en place de la DUP, telle que prévue dans ce texte, conduit à une diminution objective des moyens, à laquelle s’ajoute une perte de proximité des élus avec les salariés eux-mêmes, puisque certains établissements pourraient en être privés, et un affadissement de l’expression syndicale, puisque ce sont les mêmes élus qui siégeront dans l’ensemble des instances.

C’est dommage, car un gouvernement de gauche aurait pu, avec ce projet de loi, rééquilibrer les rapports entre employeurs et salariés – une condition indispensable pour aboutir à de réels compromis, en donnant plus de pouvoir aux représentants du personnel, pour que la voix des salariés – qui sont la force de l’entreprise, je le souligne –, pèse davantage. Mais non ! Rien de tout cela, au contraire : ce texte, après la loi bien mal nommée de « sécurisation de l’emploi », entraîne de nouveaux reculs pour les droits des salariés. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Front de Gauche ne peuvent que voter contre.

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