Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 2 juin 2015 à 15h00
Débat sur l'emploi des jeunes en europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui êtes nombreux et jeunes, sur ce sujet ô combien grave, le constat à l’échelle européenne est assez triste. Notre collègue Philip Cordery l’a bien dit en introduisant ce débat : le taux de chômage des jeunes en Europe est très élevé, puisqu’il était de 23 % en moyenne l’année dernière, soit plus du double du taux de chômage de la population active dans son ensemble – 9,3 %. La France n’échappe pas à la règle et se situe malheureusement dans la moyenne, avec un taux de chômage des jeunes à 24 %.

Le taux de chômage des jeunes est donc, globalement, deux fois plus important que celui de la population active dans tous les pays de l’Union européenne. Ce taux connaît des pics particulièrement préoccupants dans des pays comme l’Espagne ou la Grèce, où il atteint quasiment 50 %. L’Allemagne et quelques pays du nord de l’Europe font néanmoins exception, avec un taux de chômage des jeunes beaucoup plus proche de la moyenne nationale.

Il est de bon ton, dans notre pays, de débattre au sujet de l’Allemagne. Je ne sais d’ailleurs même pas si l’on peut encore parler de débat, puisqu’il s’agit plutôt d’attaques en règle contre ce qui se passe chez nos voisins allemands. Un livre a paru récemment, intitulé Le hareng de Bismarck, mais l’Allemagne d’aujourd’hui n’est plus celle des casques à pointe. C’est une réalité économique et sociale qui doit être regardée avec intérêt. Je me souviens d’un sondage réalisé l’année dernière, au moment des élections européennes, dans les vingt-huit États de l’Union européenne : il montrait que c’est en Allemagne que les jeunes se sentent les plus heureux. Décrire l’Allemagne de façon caricaturale, comme un pays vieillissant et sclérosé, ce n’est pas regarder la réalité en face. Vous me pardonnerez cette petite parenthèse, mais je la crois importante pour le débat qui nous occupe.

Il est vrai – Philip Cordery et Michel Piron l’ont dit – que l’Union européenne a pris quelques initiatives pour lutter contre le chômage des jeunes et favoriser leur emploi. Je n’en reste pas moins stupéfait de lire, dans des documents émanant de l’Union européenne, que l’objectif à atteindre est le plein emploi des jeunes et l’accès de tous à la formation. Étant donné la gravité de la situation, il serait peut-être sage de faire preuve d’un peu d’humilité. En l’occurrence, les initiatives qui ont été prises n’ont pas toutes porté leurs fruits. La Cour des comptes avait d’ailleurs dressé, pour la France, un bilan assez alarmant de la garantie pour la jeunesse, soulignant à la fois une insuffisance de moyens et un manque de volonté politique et, par voie de conséquence, une absence de résultats.

Cela étant, je fais partie de ceux qui considèrent que cette situation ne doit pas être vue comme une fatalité. Certains pourraient être tentés de dire que le marché du travail est un marché comme un autre, et qu’il est normal qu’il sélectionne les plus productifs, que les plus jeunes et les plus âgés étant moins compétitifs, les premiers parce qu’ils ont moins d’expérience, les autres parce qu’ils sont usés par des années de travail, il est normal que le marché les écarte, et logique que le chômage des jeunes soit plus élevé. Je ne partage pas ce point de vue, pas plus que l’idée, que l’on voit régulièrement réémerger, y compris dans notre pays, selon laquelle le salaire minimal pourrait ne pas être le même pour les jeunes et pour le reste de la population. J’espère, monsieur le ministre, que vous vous exprimerez clairement sur ce sujet.

On connaît un certain nombre de pistes, qui n’ont pas été suffisamment étudiées jusqu’à présent. Je parlais à l’instant de l’Allemagne, qui a misé sur la formation par alternance et l’apprentissage : ce sont des voies qui doivent être encouragées, dans notre pays en particulier. Il faut faciliter la création de nouveaux emplois ; or on se préoccupe souvent davantage, en France, de défendre l’existant que de se projeter vers de nouveaux emplois. Il convient également de faciliter la mobilité universitaire et économique. À ce propos, je tiens à dire que j’ai trouvé surréaliste que les groupes de droite de notre assemblée aient souhaité créer une commission d’enquête parce qu’ils s’inquiétaient que des jeunes Français partent travailler à l’étranger.

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