Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 2 juin 2015 à 15h00
Débat sur l'emploi des jeunes en europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous occupe aujourd’hui, à la demande du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, concerne un sujet des plus préoccupants, à savoir la situation des jeunes en Europe sur le marché de l’emploi.

Cela a été dit : il y a urgence à agir. La situation de la jeunesse est pour le moins dramatique : sur l’ensemble de l’Union des vingt-huit, l’écrasante majorité des jeunes de moins de trente ans sont des outsiders – ou, pour le dire autrement, parce que je n’aime pas beaucoup le « franglais », ils sont sur le côté et ne trouvent pas de place. Cela signifie qu’ils sont soit au chômage, soit sans aucune activité : pas d’emploi, pas d’études et même pas de formation.

En effet, sur la totalité de nos jeunes Européens, seuls 13 % occupent un emploi salarié à durée indéterminée, quand 10 % ont un emploi salarié à durée déterminée. Le constat de cet échec, il ne faut pas se le cacher, est sans appel, autant pour les États eux-mêmes que pour l’Union européenne. Au-delà de ces pourcentages, au-delà de ces chiffres, c’est d’abord et avant tout le drame des jeunes hommes et des jeunes femmes qui doit nous interpeller, d’autant plus que ces jeunes sans activité disposent de peu de perspectives. Ils se sentent déclassés, sans avenir. Ils ne se sentent pas citoyens, et donc pas concernés par un dessein européen. Plus grave encore : comme ils ne trouvent pas de place dans notre société, ils sombrent dans le désespoir.

Cette situation fragilise le contrat social intergénérationnel et le fonctionnement de notre société. À la désespérance humaine et aux drames qu’elle entraîne s’ajoute un coût social, mais aussi économique et financier, qui n’est pas négligeable. En effet, le coût du non-emploi des jeunes adultes représentait 150 milliards d’euros en 2011 pour l’Union des vingt-huit, soit 1,2 % de son produit intérieur brut, auxquels il faut ajouter une perte nette de gains de croissance, plus difficilement chiffrable, que ces jeunes auraient pu apporter à l’économie européenne. Rappelons-le : le chômage est un fléau qui touche l’ensemble de la zone. Avec la crise, le taux global d’emploi a baissé en moyenne, dans les vingt-huit pays de l’Union, de 1,7 point entre 2008 et 2010, avec, de plus, un net repli des contrats de travail à temps plein et des contrats à durée déterminée, au profit de formes atypiques et plus précaires d’emplois.

Dans ce contexte détérioré, l’emploi des jeunes est le maillon faible, avec un taux au moins deux fois supérieur aux taux de chômage nationaux moyens, à l’exception notable de l’Allemagne, où il est de 7,8 %, contre 5,1 % dans les autres classes d’âge.

La difficulté du jeune adulte à s’insérer dans le monde du travail est d’autant plus grande que le marché est contracté. Cette contraction renforce les inégalités entre ceux qui ont une place et ceux qui sont écartés. Elle atténue également la solidarité en crispant les agents économiques.

Toutefois, la situation est encore davantage de nature structurelle, en ce sens que persiste et même s’aggrave dans plusieurs pays européens, en particulier la France, l’inadéquation entre l’offre et la demande du marché du travail.

De manière générale, les jeunes adultes européens sont paupérisés comparativement à la génération qui les a précédés, et plus encore par rapport à la génération des baby-boomers qui a grandi dans une période révolue où le jeune choisissait son employeur. Désormais, le marché du travail fait principalement peser ses failles creusées par la crise – une flexibilité accrue – sur sa jeunesse.

Trop souvent, nos jeunes n’ont pas de véritable protection sociale et n’ont pas accès aux minima sociaux. En France, notre système de protection sociale est davantage tourné vers les familles que vers l’individu, et la situation est pire encore pour les jeunes adultes, notamment en matière d’accès au logement. Les minima sociaux, pour la plupart, ne sont d’ailleurs pas accessibles aux moins de vingt-cinq ans. C’est pour cela que le Gouvernement a rendu éligible aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans la nouvelle prime d’activité. Et c’est une bonne chose, comme l’a rappelé tout à l’heure mon collègue Jacques Moignard.

Toutefois, notre pays demeure à la traîne de la Suède, de l’Allemagne, du Portugal, de l’Autriche ou de l’Irlande, qui ouvrent le droit au revenu minimum garanti aux jeunes sortis du foyer parental.

Si cette question de l’accès des jeunes aux minima sociaux doit être traitée prioritairement, comme l’a fait le Gouvernement, elle doit s’accompagner d’une véritable révolution visant à favoriser l’emploi des jeunes.

Ainsi, nous devons multiplier nos efforts, parce qu’il n’y a pas de fatalité. Renforcer la formation, développer l’apprentissage – véritable maillon faible pour notre pays –, avec une aide à la mobilité, au retour à l’emploi et à la création d’entreprise, voilà ce que nos jeunes attendent. Et c’est un véritable emploi qu’ils demandent, parce que le travail est un trésor, comme le disait Jean de La Fontaine. C’est ainsi qu’ils retrouveront leur place dans la société, et espoir en l’Europe.

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