Intervention de Général Pierre de Villiers

Réunion du 21 mai 2015 à 15h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées :

Nous nous sommes posé la question dès 2009, monsieur Bays, mais, jusqu'à présent, nous avons su attirer des hackers de qualité, qui ne gagnent pas autant que ce qu'ils pourraient gagner ailleurs. Quand nous avons professionnalisé l'armée en 1996, je pensais que nous n'arriverions pas à recruter dans la durée des gens de qualité pour remplacer les appelés dans certaines niches. Or je constate tous les jours qu'il y a des militaires du rang, des bacs + 2, payés au SMIC. Nous recrutons dans des domaines pointus des gens qui ne gagnent pas ce qu'ils seraient en droit d'espérer ailleurs. Ils viennent chercher chez nous des valeurs, une famille, de l'aventure, y compris en matière de cyber. Peut-être serons-nous contraints de trouver un jour des systèmes d'attractivité.

Pour ce qui est de la réserve, je ressens une conjonction de facteurs favorables, ne serait-ce que, pour la première fois, son inscription dans un projet de loi. Il s'agit d'un projet cohérent : une réserve plus nombreuse – 40 000, avec une dotation budgétaire supplémentaire de 75 millions d'euros sur 2016-2019 –, plus réactive, avec des périodes plus longues, et plus attractive vis-à-vis de la fonction publique et du secteur privé.

Nous devons par ailleurs réorganiser les réserves en profondeur, en les territorialisant, pour que le militaire engagé dans l'opération Sentinelle à Marseille soit un Marseillais plutôt qu'un Strasbourgeois. Ce serait plus intelligent, puisqu'il connaîtrait la ville et la population. C'est cela, la territorialisation, l'esprit de défense. C'est pour cela qu'on peut aller beaucoup plus loin dans la réorganisation des réserves.

Le projet est globalement cohérent. Ce qui n'y figure pas, c'est ce qu'il reste à faire : changer la loi, discuter de dispositifs incitatifs, y compris au plan économique ou social, rédiger les décrets d'application. Tout cela ne se fera pas en un jour, même s'il est toujours possible d'accélérer en cours de route. Mieux vaut, pour avoir une chance d'aboutir, se doter d'un calendrier prudent et de chiffres modestes. Notre armée professionnelle n'est pas encore totalement équilibrée, car le pilier réserve y est insuffisant. La défense du territoire, telle qu'elle se dessine, nécessitera que ce pilier ait plus de responsabilités qu'aujourd'hui, y compris dans des missions comme Sentinelle. Notre système, issu de la réserve d'avant 1996, doit définitivement faire sa mutation. Partout, je rencontre des volontaires qui sont prêts à y participer. En outre, dans les armées, certains ont besoin d'une réserve plus collective, d'autres d'une réserve plus individuelle. Tout doit être cousu main, et cela prendra du temps.

En ce qui concerne la montée en puissance de la FOT, notre ambition est de recruter 11 000 soldats supplémentaires en deux ans. C'est une nécessité pour l'armée de terre puisque 7 000 soldats ont été déployés sur le territoire national et que l'opération Sentinelle est appelée à durer. Nous avons fait appel à tous les personnels disponibles de la FOT. Nous avons donc annulé 50 % des exercices centralisés de l'armée de terre. C'est pourquoi j'ai besoin d'une accélération du calendrier : nous devons commencer sans tarder, accélérer, empêcher les départs et recruter. Si, depuis quelques semaines, nous mettons en place cette manoeuvre, c'est pour que les gens puissent continuer à s'entraîner, pour que les exercices puissent avoir lieu au second semestre et pour que soient rapidement rétablis les exercices internationaux que nous avons annulés en catastrophe.

Pour les ressources exceptionnelles de 2015, nous avons choisi de passer par le projet de loi de finances rectificative de fin d'année. D'ici là, pour éviter la rupture de trésorerie entre septembre et novembre, s'agissant notamment du programme 146, il y aura un décret d'avance, un dégel des crédits, puis des mesures de gestion. Je suis assez optimiste en la matière, mais je reste très vigilant. Pour la suite, c'est plus clair, puisque les crédits figurent dans le budget pour 2016.

Je milite, moi aussi, pour l'employabilité de la Brigade franco-allemande. Les matériels que vous avez vus sont ceux des unités de l'armée de terre. Loin d'être choqué que vous les ayez vus, j'en suis au contraire ravi et j'ai félicité la BFA d'avoir montré à des députés la réalité de nos armées. Jusqu'à présent, en bons soldats que nous sommes, nous mettions notre fierté à toujours mettre en avant ce qui va bien et à cacher ce qui va moins bien. Les temps changent.

S'agissant du MCO, ma priorité, c'est de régénérer nos anciens matériels, usés par le rythme des opérations et l'abrasivité des théâtres, afin qu'ils tiennent jusqu'à l'arrivée des matériels nouveaux. Avec 500 millions d'euros, ce sera juste. Nous réajusterons en gestion au fur et à mesure, si nécessaire. Je ne peux pas répondre à toutes les questions de M. Folliot, mais je peux lui dire que, de même que pour le B2M et le BSAH, je tiens aux quatre C-130 et que nous les obtiendrons. Ils représentent le minimum vital, selon les études qui ont été faites, pour remplacer les C-160. Le modèle des chars Leclerc est le même que dans les LPM précédentes où nous avions 200 chars modernisés. Il n'y a pas non plus de changement pour les frégates, les BATSIMAR. Les drones MALE sont des Reaper. Il ne faut pas confondre les douze drones MALE que nous devons avoir et le drone MALE 2025, qui est le futur drone MALE européen.

Pour faire face à toutes les difficultés qu'entraîne l'opération Sentinelle en matière de permissions, d'exercices et de désorganisation, nous avons conçu un plan d'action qui porte sur la régénération des effectifs, les conditions de vie du personnel – logement, alimentation, équipement –, décorations, indemnisation. Il comporte deux phases, la première allant jusqu'au 14 juillet, la seconde concernant davantage l'infrastructure. Nous considérons ce plan de la même manière qu'une opération. Les militaires attendent des mesures concrètes qui améliorent leurs conditions de travail.

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