Ce n'était effectivement pas le moment de diminuer les moyens des chambres d'agriculture, alors que l'agriculture française doit prendre un virage très serré et ne doit pas sortir de la route. Elle est capable, si on lui en donne les moyens, de relever un grand nombre des défis auxquels lui demande de répondre la société civile, qu'il s'agisse de l'alimentation – en termes de suffisance ou de qualité –, de la question énergétique, de l'aménagement du territoire ou de la gestion de la biodiversité. C'est pourquoi, plutôt que de diminuer les moyens des chambres, il aurait été préférable de leur en donner davantage.
Je suis également président d'une organisation non gouvernementale consacrée au développement international : dans ce cadre, je promeus le modèle français de développement au moment même où c'est un gouvernement socialiste qui le remet en cause sur le territoire français. Notre modèle a en effet pour caractéristique de permettre à l'ensemble du monde paysan, sans exclusive, d'accéder aux schémas de développement dans le cadre d'un système mutualisé dont les bases sont le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR), les chambres d'agriculture et le financement par l'impôt. Or l'effort qui nous est demandé – remplir les mêmes missions avec moins de recettes – nous conduit non seulement à réduire nos charges mais surtout à passer d'un système mutualisé à un système facturé, qui ne sera accessible qu'aux plus fortunés et laissera sur le bord du chemin de nombreux paysans exclus des schémas de développement et de tous les dispositifs permettant à chacun de s'engager dans des voies de progrès. Cette privatisation de nos services sera préjudiciable à un modèle que j'étais fier de défendre au-delà de nos frontières.
Par ailleurs, est-il normal que notre participation à la résorption du déficit budgétaire national se traduise par la mise au chômage de nos collaborateurs ? L'ambiance au sein des chambres d'agriculture est délétère, chacun d'entre eux se demandant s'il sera le prochain sur la liste. Pour trouver 100 000 à 150 000 euros supplémentaires d'une année sur l'autre, chercher de nouvelles recettes ou resserrer encore les charges ne sont plus des moyens suffisants : il nous faudra mettre en oeuvre à des plans sociaux, ce qui est dommageable dans un pays qui additionne les mauvais chiffres du chômage. C'est une idée d'autant plus mauvaise que nous manquons déjà de collaborateurs pour rendre les services découlant des réglementations de la politique agricole commune. Comment faire comprendre à des salariés qui dépassent déjà l'horaire légal que nous devrons nous séparer de certains d'entre eux ?
Une partie de la solution passe par la mutualisation, dans laquelle nous étions déjà très engagés dans le cadre des précédentes régions. Or avant même que ce chantier ne soit achevé, nous devons changer le périmètre de nos régions, ce qui engendrera des surcoûts dont nous n'avons plus les moyens – il faut savoir en effet que la mutualisation ne permet de réaliser des économies que dans un second temps. Notre légalisme nous conduira évidemment à fournir tous les efforts qui seront exigés de nous. Soulignons que les nouvelles régions rassemblent des territoires très différents, notamment au plan culturel – un Champenois ou un Ardennais n'est ni un Lorrain ni un Alsacien.