Madame la ministre, la recherche en France est victime d’un paradoxe. D’un côté, on soumet la recherche publique à la réduction des dépenses publiques et à une obligation de se financer au moyen des transferts qu’elle doit engendrer ; de l’autre, l’État attribue 6 milliards de crédit d’impôt recherche aux entreprises, sans véritablement contrôler l’utilisation qui en est faite.
La communauté scientifique nous a alertés lors de la discussion budgétaire sur la misère de l’emploi scientifique. Elle demandait à bénéficier d’une partie des sommes du crédit d’impôt recherche qui n’allaient pas à la recherche. Le Gouvernement a opposé une fin de non-recevoir. Depuis lors, une commission d’enquête sénatoriale a montré que pour la période 2007-2012 on ne pouvait établir aucune corrélation entre le crédit d’impôt recherche et la création d’emplois. L’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés, qui capte 63 % du crédit d’impôt recherche, n’a créé que 18 % des emplois nouveaux de recherche- développement au cours de cette même période. Le secteur de la pharmacie a même détruit 2 400 emplois dans ses laboratoires après avoir bénéficié de 2 milliards d’euros de crédit d’impôt recherche entre 2008 et 2012.
La logique consistant à faire des cadeaux aux entreprises sans contrôler l’utilisation des fonds ainsi alloués pénalise ainsi le développement de la recherche. L’emploi scientifique privé et public va mal pour le plus grand malheur de la recherche et de l’avenir scientifique de notre pays. Le sort réservé au CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, est de ce point de vue parlant. Son budget est inférieur au montant total du crédit d’impôt recherche ! De plus, le projet de contrat d’objectifs 2015-2018 entre l’État et le CNRS somme cet organisme public de se tourner vers le transfert et l’innovation, au détriment de la recherche fondamentale.
Madame la ministre, la recherche publique a fait les grandes heures de notre pays. Le succès des programmes français dans l’aéronautique, le spatial, l’énergie, la médecine et bien d’autres domaines a été rendu possible par l’ampleur de l’investissement public et sa qualité dans la durée, de la recherche fondamentale au développement industriel. Allez-vous répondre aux chercheurs en reversant une partie du crédit impôt recherche à la recherche publique ?