Je remercie la commission des affaires culturelles et de l'éducation de m'offrir l'occasion, utile pour tous et souhaitable pour le CSA, d'informer véridiquement la représentation nationale sur la procédure qui a conduit à la désignation de la prochaine présidente de France Télévisions.
Je suis accompagné de mon directeur de cabinet, de la conseillère en communication du CSA, mais aussi du secrétaire du collège, seule personne qui assiste aux réunions à huis clos du Conseil. Ce dernier est venu de son propre mouvement, même si sa présence ne peut que rester muette.
J'attache d'autant plus d'importance à cette audition qu'elle intervient dans un moment particulier, après plusieurs jours de ce qui s'apparente à une campagne de déstabilisation de l'institution que je préside. Je n'hésite pas à employer ces termes forts, car j'ai pu lire toute une série d'allégations successives et contradictoires, présentées comme des révélations, et totalement fausses.
Certaines font état de prétendues indications, qui relèvent par nature du secret des délibérations. Je ne peux que le déplorer, sans possibilité d'y répondre directement point par point, car je suis moi-même soumis à ce secret qui s'impose, en vertu de l'article 5 de la loi du 30 septembre 1986, à l'ensemble des membres du collège.
Mais compte tenu de la gravité et de la multiplicité des imputations, j'irai aussi loin qu'il m'est possible dans le compte rendu de tout ce que j'ai eu à connaître. Ma seule réserve sera celle-ci : je ne pourrai faire état d'aucune mention nominative, qu'il s'agisse des membres du collège ou des candidats. Mais je serai aussi précis et concret que possible pour décrire, expliquer et justifier la procédure collégiale que nous avons collectivement définie et mise en oeuvre.
Je ressens en effet la nécessité non seulement de me défendre personnellement, alors que ma vocation a toujours été de mettre en oeuvre le droit, mais aussi de défendre l'institution que j'ai la charge et la responsabilité de présider.
Je voudrais d'abord rappeler les principes qui ont guidé le Conseil dans l'établissement de la procédure.
En modifiant la loi de 1986 par la loi du 15 novembre 2013, le législateur a redonné au Conseil le pouvoir de nommer les dirigeants de l'audiovisuel public. L'objectif alors affirmé était d'assurer l'indépendance de ces nominations à l'égard du pouvoir politique en confiant cette responsabilité à une autorité publique indépendante et collégiale dont les membres sont nommés avec l'exigence de votre consultation et de votre vote après audition.
À l'article 47-4 de la loi, le législateur a rendu obligatoire la motivation de la décision de nomination et précisé les critères sur lesquels elle doit se fonder – compétence, expérience et projet stratégique –, ainsi que les règles de vote – la nomination doit être décidée à la majorité des membres du collège. En revanche, il n'a pas entendu organiser la procédure de désignation : la loi indique simplement que les candidatures sont présentées au Conseil et évaluées par celui-ci sur la base d'un projet stratégique. En la matière, les travaux préparatoires n'offrent pas d'indications complémentaires.
Dans le respect de ce cadre législatif, mais aussi des principes généraux de valeur constitutionnelle, c'est donc au CSA qu'il incombait de définir la procédure de nomination.
Dans les deux cas qui se sont présentés à lui depuis deux ans, pour la présidence de Radio France au début de l'année 2014, et pour celle de France Télévisions cette année, je veux souligner que les règles ont été établies de manière collégiale après des discussions approfondies entre les membres du collège, qu'elles ont à chaque fois été définies en amont, que leur détermination a fait l'objet de comptes rendus par des communiqués de presse, et qu'aucune d'entre elles n'a fait l'objet, ensuite, d'une quelconque modification.
Pour France Télévisions comme pour Radio France, le Conseil a cherché, en définissant la procédure de nomination, à concilier de la manière la plus équilibrée possible plusieurs objectifs fondamentaux qui peuvent, dans une certaine mesure, se révéler contradictoires : l'égalité de traitement de tous les candidats, l'exigence de sécurité juridique, la volonté d'attirer les candidatures les plus diverses et les candidats les plus qualifiés, le souhait de les évaluer le plus complètement possible, mais aussi, compte tenu de l'ensemble de ces objectifs, le souci de donner toutes les informations possibles aux candidats et au public.
La procédure retenue pour France Télévisions diffère peu de celle adoptée pour Radio France. Trois différences seulement peuvent être relevées.
La première, sur laquelle je reviendrai car elle a été critiquée, résidait dans l'absence de divulgation du nom des personnalités auditionnées dès lors qu'au moins un des candidats retenus le demandait. La deuxième novation allait dans le sens d'une plus grande transparence, puisque c'est l'intégralité du projet stratégique de Delphine Ernotte qui a été publiée. Enfin, la troisième novation visait à s'assurer au préalable de l'absence de tout conflit d'intérêts susceptible de peser sur l'exercice du mandat du président de France Télévisions : chacun des candidats retenus a été invité à transmettre au CSA, avant son audition, une déclaration sur l'honneur. Par cette déclaration, dont nous avons publié le modèle, le candidat devait notamment certifier être à jour de ses obligations fiscales et sociales et ne pas se trouver dans une situation d'interférence ou de dépendance à l'égard d'intérêts publics ou privés.
Une quatrième différence aurait pu procéder de ce que le nombre des membres du collège avait été réduit transitoirement à huit. Se posait en conséquence la question du caractère prépondérant ou non de la voix du président. Compte tenu du principe selon lequel les règles spéciales – en l'occurrence, le fait que la majorité devait se dégager au sein des membres en exercice du collège – prévalent sur les règles générales, mais aussi dans le souci de protéger le Conseil de tout risque contentieux, le collège a, sur ma suggestion, décidé que la voix du président ne serait pas prépondérante en cas de partage.
Je souhaite à présent insister sur les deux principaux éléments de la procédure qui n'ont pas été mis sur la place publique, ce qui nous a été abondamment reproché.
Premièrement, des considérations impératives de sécurité juridique s'opposaient à la publicité des auditions. C'est pourquoi, dans les cas récents de France Télévisions et de Radio France, comme dans tous les cas précédents de nomination, le CSA n'a ouvert les auditions ni au public ni à la presse.
Ce choix a été commandé par la nécessaire prise en compte de la jurisprudence, certes un peu ancienne mais s'imposant à ce jour, du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 27 juillet 2000, il a en effet considéré que « la garantie résultant du mode de nomination retenu ne serait plus effective si l'intégralité des procès-verbaux des auditions et débats du Conseil supérieur de l'audiovisuel devait être rendue publique », que « ne serait plus assurée en pareil cas l'entière liberté de parole tant des candidats que des membres du Conseil eux-mêmes, condition nécessaire à l'élaboration d'une décision collégiale éclairée, fondée sur la seule prise en compte de l'intérêt général et du bon fonctionnement du secteur public de l'audiovisuel dans le respect de son indépendance ». Le Conseil constitutionnel a même relevé que « la publication intégrale de ces auditions et débats pourrait porter atteinte à la nécessaire sauvegarde du respect de la vie privée des personnes concernées ».
Si le CSA avait, de sa propre initiative, choisi d'ouvrir les auditions au public, il se serait en conséquence exposé à une annulation contentieuse de sa décision. En effet, si un recours avait été formé devant le Conseil d'État, ce dernier n'aurait eu d'autre choix que de se référer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dont les décisions « s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » aux termes de l'article 62 de la Constitution. Il est donc hautement probable que, dans pareille hypothèse, le juge administratif aurait été conduit à censurer la procédure et à annuler la nomination. Nous ne pouvions pas prendre un tel risque.
Deuxièmement, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a subordonné à l'accord de l'ensemble des candidats auditionnés la publication de leur nom.
Par ce choix, le Conseil a entendu protéger la situation professionnelle des candidats, permettre à toute personne, quels que soient son profil et ses fonctions, de présenter sa candidature, et en particulier ne pas décourager les candidatures de personnalités exerçant des fonctions éminentes dans une entreprise publique ou privée.
En effet, rendre publique la candidature de la personnalité concernée peut conduire, d'une part, à déstabiliser l'entreprise en question et, d'autre part, à mettre le candidat en situation difficile pendant la procédure, et s'il n'est pas retenu, après la désignation. Quant au choix d'étendre la confidentialité à l'ensemble des candidats dès lors qu'au moins l'un d'entre eux la demandait, il découle du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats aux emplois publics.
Il me semble que le bilan que l'on peut tirer de la procédure de désignation à la présidence de France Télévisions tend à valider rétrospectivement cette analyse : trois candidats sur les sept sélectionnés au sein de la liste restreinte ont demandé la confidentialité. Rien n'interdisait aux autres candidats de faire publiquement état de leur démarche, ce que certains ont d'ailleurs fait. Ainsi a été respectée la diversité des intentions et des attitudes de chacun des candidats.
Je m'attacherai maintenant à retracer le plus précisément possible les étapes de la procédure de désignation. J'en profiterai pour répondre à certaines contre-vérités qui ont pu être propagées.
En amont du lancement de la procédure, le collège s'est fixé une règle commune. Jusqu'au 1er avril, date de l'ouverture des plis, les conseillers pouvaient rencontrer toute personne ayant manifesté publiquement son intention d'être candidate, à condition naturellement de ne pas être invités par elle, ni de se déplacer pour cette rencontre dans les locaux où elle exerçait son activité. À partir du 1er avril, tout contact avec les candidats, désormais connus après l'ouverture de leur dossier, était prohibé.
Pour ma part, contrairement à ce qui a pu être écrit, je n'ai ni démarché des personnalités pour les inciter à se présenter, ni dissuadé qui que ce soit. De telles initiatives, si je m'étais autorisé à les prendre, n'auraient pas été conformes au principe de collégialité de la décision, ni à celui d'égalité de traitement entre tous les candidats.
Je me suis donc contenté de recevoir, à leur demande, les personnes le souhaitant, que ce fût pour m'indiquer leur intention de candidater ou les raisons pour lesquelles elles ne le faisaient pas et ce, jusqu'à l'ouverture des plis uniquement, conformément à la règle commune que s'était fixée le collège.
Le 4 février 2015, le Conseil a rendu public, par voie de communiqué de presse, une délibération relative aux modalités de nomination à la présidence de France Télévisions. Ce texte précisait que les candidatures devaient comporter le projet stratégique, auquel pouvait être joint tout document attestant la compétence et l'expérience du candidat. Elles devaient être transmises au Conseil, soit par courrier, soit par dépôt, entre le 9 mars et le 26 mars. La date du 9 mars a été retenue pour permettre aux candidats de tenir compte, dans la rédaction de leur projet, des conclusions du groupe de travail interministériel coordonné par Marc Schwartz, qui ont été présentées le 4 mars, ainsi que des orientations gouvernementales formulées le même jour.
Cette délibération décrivait également le déroulement ultérieur de la procédure : date d'ouverture des plis, établissement d'une liste qualifiée volontairement par le Collège de « restreinte », auditions non publiques conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, décision de nomination entre le 22 avril et le 22 mai comme prévu par la loi. Toutes ces étapes ont été scrupuleusement respectées, sans aucune exception.
L'ensemble de la procédure s'est déroulé à huis clos, c'est-à-dire en présence uniquement des membres du collège et du secrétaire du collège pour protéger les collaborateurs du Conseil de tout soupçon et de toute pression.
Le 1er avril, le Conseil a procédé à l'ouverture des plis et indiqué par un communiqué de presse qu'il avait reçu trente-trois candidatures. Ce communiqué a rappelé les étapes ultérieures de la procédure.
Le 8 avril, le Conseil a rendu publiques deux décisions complémentaires.
La première portait sur les modalités pratiques d'organisation des auditions : leur durée serait de deux heures, débutant par une présentation de trente minutes suivie d'un échange d'une heure trente avec les membres du collège. La seconde était relative à la remise par les candidats sélectionnés de la déclaration sur l'honneur dont j'ai déjà parlé.
Le 15 avril, soit quinze jours après l'ouverture des plis, le Conseil a délibéré, à huis clos, sur les trente-trois candidatures reçues afin d'établir la liste restreinte de celles qui donneraient lieu à audition. Après un premier échange à caractère général entre les membres du collège, chaque candidat a fait l'objet d'une discussion, chaque conseiller étant libre de s'exprimer ou non, puis d'un vote. Il avait été prévu que ce vote serait effectué, candidat par candidat. Le recueil de cinq voix positives était nécessaire pour être auditionné. Ce vote a été opéré à bulletin secret, conformément à l'article 6 du règlement intérieur du Conseil qui prévoit que « le vote à bulletins secrets est de droit à la demande d'un conseiller », l'ensemble du collège s'accordant, d'ailleurs, sur cette procédure.
Le Conseil a ensuite procédé au dépouillement de l'ensemble des votes, en une seule fois, de sorte que les résultats des premiers votes ne puissent peser sur les votes ultérieurs. Conformément à la règle fixée au préalable par le collège, seuls les candidats ayant obtenu au moins cinq voix ont été retenus au sein de la liste restreinte. Celle-ci se composait, la presse s'en est fait largement l'écho, de sept candidats.
Le Conseil s'était initialement réservé la faculté de procéder à une seconde délibération dans l'hypothèse où la liste lui serait apparue trop large, mais il a finalement fait le choix de n'évincer aucun des sept candidats qui avaient obtenu cinq voix ou plus. Il n'a, par ailleurs, jamais été question de « repêcher », pour reprendre une expression que j'ai lue, des candidats ayant obtenu moins de cinq voix.
Le choix du mode de vote, candidat par candidat, était motivé par la nécessité d'examiner successivement et sans exception la candidature de chacun d'entre eux, conformément au principe d'égalité.
L'affirmation selon laquelle j'aurais, en dernière minute et dans je ne sais quel dessein, modifié les règles de vote fixées au préalable par le collège, est totalement fantaisiste.
Je ne peux entrer ici dans le détail des motifs qui nous ont conduits à retenir ou écarter tel ou tel candidat. La loi impose des critères de compétence et d'expérience dont nous avons pleinement tenu compte de même que des projets stratégiques. Pour autant, notre appréciation a pu être inspirée également par un souci de cohérence et des conséquences de notre décision sur les entreprises qui relèvent de notre pouvoir de nomination.
On a pu regretter que le choix de ne pas retenir tel ou tel candidat n'ait pas fait l'objet d'une motivation particulière. Je rappelle qu'aux termes de la loi, c'est la décision de nomination qui doit être motivée, et non les rejets des autres candidatures.
Je tiens enfin à souligner que la décision de ne pas auditionner certaines personnalités dotées d'une expérience indéniable dans l'audiovisuel n'est pas le fait d'un prétendu bloc – j'ai également lu que ce mot était utilisé – constitué de certains membres du Conseil qui, pour favoriser tel ou tel candidat, aurait cherché à écarter des concurrents. Je note d'ailleurs, sans pouvoir en dire plus sans violer le secret des délibérations, que rien, absolument rien, n'accrédite la thèse fabriquée a posteriori pour les besoins de la cause, selon laquelle quatre voix, et en plus à chaque fois les mêmes, se seraient coalisées pour écarter les personnalités en question.
Les auditions se sont tenues durant deux jours, les 21 et 22 avril. À l'issue de ces auditions, le 22 avril en fin d'après-midi, le Conseil a procédé à un vote, toujours à bulletin secret, conformément aux modalités de vote qu'il avait arrêtées préalablement. Chaque membre s'est exprimé en cochant un nom sur la liste des personnes auditionnées qui lui était individuellement soumise.
Le processus était le suivant : chaque conseiller votait pour le candidat lui paraissant présenter les meilleures aptitudes selon les critères fixés par la loi. Si, à l'issue du premier tour de scrutin, un candidat obtenait la majorité requise, soit cinq voix, il était nommé. À défaut, on procédait à un deuxième tour en éliminant le ou les candidats qui avaient obtenu le moins de voix, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'une majorité d'au moins cinq voix se dégage.
Les règles ainsi adoptées ont été scrupuleusement suivies. Le 23 avril en fin de matinée, il est apparu, après deux tours de scrutin, que les votes se partageaient à égalité, quatre voix contre quatre, entre deux candidats.
C'est pourquoi le Conseil a décidé de procéder à une nouvelle audition des deux personnalités sur lesquelles les votes s'étaient concentrés, afin d'approfondir l'échange avec elles et d'éclairer mieux encore sa décision. Il l'a fait savoir par voie de communiqué de presse.
Ces deux auditions, d'une durée d'une heure trente chacune, se sont tenues le 23 avril après-midi. Elles ont permis de compléter l'information du collège sur les motivations des candidats, leur sens du service public, leur projet stratégique, leur conception du management d'une entreprise publique, leurs orientations en matière de programmation comme dans le domaine des ressources humaines et de la gestion financière, ainsi que, j'y reviendrai, sur des questions plus personnelles.
À l'issue de ces auditions, le Conseil a de nouveau procédé à des votes. Il en est cette fois ressorti une majorité au profit de Mme Ernotte. Le Conseil a alors établi, conformément à la loi, la décision motivée de nomination, puis rendu publique la désignation par voie de communiqué de presse. Le projet stratégique de Mme Ernotte a été rendu public dès le lendemain.
Au total, entre le début des auditions et la désignation, il se sera donc écoulé moins de trois jours. Dans ce laps de temps, le Conseil aura procédé à dix-sept heures d'audition, délibéré collégialement de manière approfondie, et organisé plusieurs tours de scrutin. Je ne crois pas qu'on puisse dire, comme je l'ai lu, que le collège aurait été confronté à une situation de blocage grave et persistant.
Je n'insisterai pas sur les motifs qui ont conduit le Conseil à désigner Mme Ernotte à la présidence de France Télévisions. Ces motifs, qui tiennent à la fois à sa personnalité, à la qualité de son projet stratégique pour France Télévisions, à ses compétences managériales, à son expérience à la tête d'une entreprise imprégnée d'une culture de service public, et à sa connaissance de l'environnement numérique, sont détaillés dans la décision motivée que nous avons publiée en même temps que la nomination elle-même.
On peut évidemment discuter ce choix, de même que l'on peut discuter la procédure au terme de laquelle il a été fait. Le Conseil a eu à choisir parmi des candidatures nombreuses, diverses et de grande qualité, tant du point de vue de la compétence et de l'expérience des personnalités candidates que de leurs projets stratégiques.
Je veux simplement souligner que le délibéré s'est déroulé, au terme d'une procédure parfaitement régulière, en dehors de toute pression, qu'elle soit politique, économique ou personnelle. La seule exigence ne pouvait être que celle de parvenir, en responsabilité, à faire le meilleur choix possible pour l'avenir de France Télévisions.
En ce qui me concerne, et j'en atteste personnellement, je n'avais aucun parti pris sur les différents candidats. Ma conviction s'est forgée au fil des étapes de notre procédure collégiale, à la lecture des projets stratégiques et lors des auditions. S'agissant en particulier de la future présidente de France Télévisions, je l'ai rencontrée individuellement, pour la première et seule fois, le 6 mars, à sa demande, pour un simple entretien de présentation, exactement comme je l'ai fait pour les autres candidats qui le souhaitaient.
Je n'ai fait pression sur aucun de mes collègues, ni directement ni indirectement. J'ai participé au débat collégial, à la fois comme président veillant au bon déroulement des délibérations, et comme membre doté d'une voix sur huit. J'ai rappelé solennellement et à plusieurs reprises à mes collègues le caractère impératif du secret des délibérations. Il est totalement faux de dire que je les aurais menacés de poursuites judiciaires.
Je me suis engagé fermement et formellement devant vous sur l'indépendance du CSA. J'ai respecté cet engagement.
Je ne vois pas dans l'absence d'unanimité un échec. Il est naturel et légitime que des personnes de formations et d'expériences diverses se forgent des appréciations différentes, en particulier lorsqu'il s'agit de choisir entre des personnalités elles-mêmes diverses et porteuses chacune d'une vision propre de l'avenir de l'audiovisuel public. L'unanimité n'est pas une règle dans la vie du collège, même si elle s'est manifestée une fois précédemment pour un choix de dirigeant, s'agissant de Radio France.
La collégialité est au fondement même de la compétence donnée au Conseil de désigner les présidents de l'audiovisuel public. Elle est, au même titre que le mode de nomination rénové des membres du collège, une garantie de l'indépendance du service public audiovisuel. Elle est un gage de pluralisme interne. Elle est conforme à l'esprit et à la lettre de la loi. Ce que le législateur a voulu, c'est la collégialité, mais celle-ci n'est pas synonyme de publicité.
Bien que très proche de celle retenue pour la désignation du président de Radio France, qui avait été saluée par les commentateurs, la procédure adoptée pour la nomination à la présidence de France Télévisions a fait l'objet de critiques qui concernent pour la plupart un manque de transparence, ce que beaucoup ont stigmatisé en parlant d'« opacité ».
Plusieurs observateurs ont estimé que la désignation des dirigeants de l'audiovisuel public et la confrontation de leurs projets stratégiques devraient procéder de ce qu'ils ont qualifié de « grand débat public et démocratique » permettant à chacun, expert, journaliste ou simple citoyen, de se faire une opinion et d'exprimer son point de vue. Ces désignations seraient en quelque sorte regardées comme des décisions d'intérêt collectif, soumises à ce titre à un débat public à chaque étape de leur procédure. J'y vois d'ailleurs, si vous me permettez cette note positive, le signe de l'importance des enjeux collectifs qui s'attachent à l'audiovisuel public compte tenu de son rôle dans la promotion de nos valeurs.
Il n'y a pas, à ma connaissance, de tel précédent en matière de nomination ; mais l'absence de précédent ne saurait conduire à soi seul à écarter la perspective de changements.
Pour autant, m'autorisant à exprimer un point de vue personnel, je relèverai qu'il faut se garder d'un raccourci automatique selon lequel plus un processus de désignation serait mis sur la place publique, mieux il serait à même de garantir un choix éclairé et indépendant. Un certain niveau de confidentialité peut contribuer à protéger l'autorité de nomination des pressions extérieures en tout genre. Il peut aussi permettre un dialogue sincère et approfondi avec chacun des candidats. Je note d'ailleurs que certaines des questions posées et des réponses apportées dans les auditions menées avec les deux candidats restant en présence, touchant par exemple au secret des affaires, à de possibles conflits d'intérêts, aux relations commerciales antérieures avec la société France Télévisions, ou encore à l'éthique personnelle, n'auraient probablement pas pu l'être dans le cadre d'une audition ouverte au public.
Je ne crois pas davantage que l'on puisse justifier le choix d'une publicité absolue au seul motif que la confidentialité serait trop difficile à faire respecter. Constater que le secret des délibérations a pu être méconnu, ce que je ne peux que déplorer, ne saurait conduire pour moi à considérer que cette règle doit être a priori écartée. Cela peut aussi amener à engager une réflexion sur les moyens de la faire mieux respecter.
En tout état de cause, le débat sur le degré de publicité qui devrait s'appliquer à la nomination des dirigeants de l'audiovisuel public me paraît sain et légitime. Mais une telle réflexion ne peut être conduite et encore moins tranchée par le CSA lui-même. C'est au législateur qu'il revient, s'il le souhaite et s'il le juge utile au bon fonctionnement du service public audiovisuel, de trancher lui-même ces questions et de prévoir par la loi un processus éventuellement différent de celui appliqué par le Conseil.
Il s'agit en effet d'un enjeu politique, qui renvoie à la conception que chacun peut avoir du mode de nomination qui doit être retenu pour l'accès aux plus hauts emplois publics, et plus spécifiquement pour la désignation des dirigeants de l'audiovisuel public.
Au surplus, seul le législateur est en mesure, par une modification des termes de la loi, de susciter un revirement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel dont j'ai parlé, qui interdit la publicité des auditions.
Je l'ai dit, à chaque fois que l'occasion m'en a été donnée : la loi est non seulement notre référence, mais c'est notre impératif. C'est avec la conscience de l'avoir appliquée, dans ses objectifs comme dans ses procédures, avec le souci d'ouvrir les meilleures perspectives possible à l'audiovisuel public, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel se tiendra toujours strictement aux règles que lui fixe le législateur.