Je fais a priori confiance à Delphine Ernotte puisqu'elle a été choisie par le CSA. Comme ses prédécesseurs, elle sera certainement conduite à s'expliquer devant vous sur l'ensemble de ses décisions. Comme président du CSA, je ne saurais en tout état de cause me substituer à elle, sur ce sujet ou sur tout autre.
Pour répondre à l'une de vos questions, madame la députée, il n'y a eu ni « analyse de profils potentiels » ni connotation politique partisane lors des choix pour les nominations aux postes de président de Radio France et de président de France Télévisions.
Je comprends parfaitement que des questions se posent. Moi-même, en tant que président du CSA, et en tant que citoyen je m'interroge sur certains points.
Faut-il mener des auditions publiques comme on le fait pour la nomination des présidents des chaînes parlementaires, qui ne relèvent pas de notre contrôle ? Le CSA est en tout état de cause tenu de se tourner vers le législateur et éventuellement vers le Conseil constitutionnel s'il souhaite que soit modifiée la règle qu'il applique actuellement. Personnellement, je pense qu'il est possible de trouver un équilibre entre le besoin d'un certain degré de confidentialité, que peuvent manifester certains candidats, et la possibilité d'un compte rendu plus large et plus ouvert de la procédure qu'aujourd'hui. Je n'exprime donc en aucun cas une position de principe hostile à l'idée de rendre les auditions publiques. Si la loi nous permet de mener nos travaux dans ces conditions, nous l'appliquerons avec la même minutie et la même attention que celles avec lesquelles nous avons mis en oeuvre la procédure qui s'y conforme aujourd'hui.
Faut-il rendre publics toutes les candidatures et tous les projets stratégiques ? De la même façon, pour résoudre ce problème, nous avons recherché un équilibre entre le souhait de la publicité la plus large et le souci de la confidentialité exprimé par certains candidats afin de préserver leur parcours professionnel. Cette question a fait l'objet d'un arbitrage de notre part, mais nous mènerons certainement une nouvelle réflexion collective sur ce sujet qui pourra nous amener à changer notre pratique. Cette réflexion se fera, comme toujours, en liaison avec vous, car je tiens à maintenir ce dialogue qui s'est encore concrétisé le 7 avril dernier lorsque je suis venu vous présenter le rapport d'activité du Conseil pour l'année 2014.
Le prochain rapport d'activité du CSA portera trace des débats et des questionnements en cours. J'ai bien compris le message collectif que vous m'avez adressé en demandant que le CSA soit en mesure de vous éclairer encore mieux sur les perspectives de bilan et d'évaluation de la procédure de nomination mise en oeuvre. Il est vrai que, pour l'instant, le CSA n'a fait que « vivre » cette procédure et que nous ne l'avons pas encore évaluée, ce qui ne signifie pas que nous n'avons pas l'intention de le faire. Pour ma part, je proposerai au Conseil de mener ce travail.
Monsieur Travert, vous avez été le premier à vous interroger sur la divulgation d'informations relevant du secret des délibérations. C'est le législateur qui a inscrit dans l'article 5 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée que « les membres et anciens membres du conseil sont tenus de respecter le secret des délibérations ». C'est lui qui en a fait, dans l'article 8, un élément du secret professionnel auquel sont astreints « les membres comme les agents du conseil ». C'est encore lui qui a prévu dans l'article 5 une procédure qui conduit à prendre en compte des comportements qui ne seraient pas conformes au devoir professionnel. L'application de la procédure prévue suppose toutefois que nous détenions des preuves concernant l'identité de la personne ayant divulgué des informations, personne qui aujourd'hui se réclame de la protection des sources garantie dans notre droit. Parce que, comme certains d'entre vous ont bien voulu le reconnaître, je suis attaché aux règles de droit, à la présomption d'innocence et aux droits de la défense, je ne peux pas mettre en cause des personnes sans preuve, quelle que soit ma conviction intime.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la question du plagiat. Je rappelle que nous avons fourni un travail considérable durant un laps de temps restreint. Collectivement, le Conseil a pris la décision de ne pas utiliser l'intégralité du délai que lui laissait la loi pour la nomination du président de Radio France comme pour celle de la présidente de France Télévisions. Nous avons donc choisi ensemble de mener un travail dense et approfondi ; je crois qu'aucun membre du collège ne pourra apporter la moindre dénégation à cet égard. Nous avons lu l'ensemble des projets stratégiques, et personne n'a évoqué le moindre plagiat. J'ai entendu le nom d'un candidat qui n'a pas été retenu et qui nous a soumis un projet stratégique d'une centaine de pages ; Mme Ernotte nous a présenté pour sa part un document d'une trentaine de pages. Libre à vous d'apprécier si son tour est personnel ou pas. Par ailleurs, les ressemblances entre les projets ne peuvent pas être sans lien avec le fait que les candidats disposaient tous du rapport remis en application de la loi par le CSA sur le bilan de quatre années de la gestion de France Télévisions, du rapport convergent rendu par le groupe interministériel que j'ai déjà évoqué, et des orientations que le Gouvernement avait souhaité rendre publiques. Pour le reste, comment voulez-vous que le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel vous en dise plus ? C'est à Mme Ernotte de répondre sur ce point. À titre personnel, je n'ai aucun doute car si j'avais un doute, je penserais alors que le choix du Conseil devrait être récusé.
Vous avez la possibilité d'interroger qui vous souhaitez : la future présidente de France Télévisions et, bien évidemment, les membres du CSA. Je suis d'ailleurs déjà venu devant votre commission accompagné de membres du collège. Je ne souhaite en aucune façon confisquer la parole de quiconque.
D'autres procédures de nomination sont-elles possibles ? Je l'ai dit, elles relèvent de divergences voire d'oppositions entre diverses conceptions, et je n'ai pas à me prononcer pour l'une ou l'autre. Je constate simplement, madame Buffet, que si l'élection par le conseil d'administration est satisfaisant pour une entreprise, il n'est souvent qu'apparence s'agissant des institutions publiques. Nous le constatons avec la procédure qui prévaut à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) : le pouvoir exécutif choisit un candidat qu'il nomme au conseil d'administration avant que ce dernier ne procède à son élection. On voit qu'ici la procédure elle-même n'est garante de rien sur le fond. En l'espèce, pour comprendre le mécanisme de nomination, il faut s'interroger sur la composition du conseil d'administration et sur les conditions dans lesquelles il est amené à se prononcer.
Je ne souhaite pas sortir de mon rôle de président du CSA, mais je reconnais que des questions se posent quant à la convergence entre des responsabilités confiées au CSA et d'autres qui ne lui reviennent pas en matière de tutelle et de finances – sur lesquelles vous êtes d'ailleurs vous-même amenés à vous prononcer, le plus souvent sur la proposition du Gouvernement. Il est parfaitement vrai qu'une fois que le CSA a désigné les présidents des sociétés de l'audiovisuel public, vous lui avez confié la mission de vous éclairer à intervalles réguliers sur les conditions d'ensemble de la gestion de ces sociétés : avis lors de l'élaboration des contrats d'objectifs et de moyens et lors de leurs modifications, avis lors des modifications des cahiers des charges, bilan annuel, bilan après quatre années d'exercice des présidents… En revanche le CSA n'a pas la responsabilité au jour le jour de la tutelle administrative et financière de ces sociétés qui est exercée par le ministère compétent, le gouvernement tout entier et des corps de contrôle. Je comprends en conséquence que des questions puissent être posées à ce sujet. En tant que président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, je ne peux pas y apporter une réponse.
Les conceptions qui se sont directement exprimées concernant la désignation de Mme Ernotte sont tout à fait différentes. Le CSA a motivé son choix. À ce stade, je crains de ne pouvoir ce soir en dire utilement plus.
Monsieur Reiss, je ne crois pas que le CSA ait été « juge et partie ». Nous avons une mission de régulateur certes, mais nous n'y avons aucun intérêt particulier.
Puisque j'évoque les intérêts particuliers, permettez-moi de revenir sur les contacts qu'aurait pu prendre tel ou tel membre du Conseil, sur lesquels j'ai été interrogé. Je vous ai dit très précisément et complètement ce qu'il en était pour moi. Je vous ai décrit les règles collectives que nous nous étions fixées en tenant compte de la date du 1er avril. Pour le reste, je n'ai ni la possibilité de contrôler le comportement de chacun des membres du CSA, ni vocation à le faire. Je ne suis pas leur supérieur hiérarchique et ils n'ont pas à me rendre compte de leur agenda ou de leurs contacts. J'espère et je pense a priori qu'ils respectent toutes les règles que nous nous fixons collectivement mais, en tant que personne et en tant que juriste, je ne peux pas répondre pour autrui.
Madame Sophie Dessus, je vous remercie des propos que vous avez eus à mon égard. Comme Mme Buffet l'avait fait avant vous, vous avez mentionné l'enjeu que représentent les relations sociales dans l'entreprise. Croyez bien que je suis très sensible à cette question ! Ne doutez pas que le CSA s'est interrogé, et il l'a fait longuement, sur l'expérience sociale de Mme Ernotte et sur son rôle personnel dans la situation que vous évoquiez chez Orange ! Je ne veux pas parler à sa place, mais je pense qu'elle aura le souci du dialogue social et du compte rendu aux personnels de France Télévisions – si ce ne devait pas être le cas, c'est que nous nous serions trompés. J'observe qu'elle s'en est tenue jusqu'à présent à une réserve totale sur son projet auprès des médias comme de moi-même, ce que je respecte et comprends parfaitement, même s'il a été rendu public selon la règle que nous avions annoncée.
Plusieurs d'entre vous ont abordé la question des programmes. Nous n'avons absolument pas négligé les programmes et ce que l'on appelle parfois les « contenus ». En la matière, nous avons tout particulièrement pris en compte les liens de toute nature et les engagements de Mme Ernotte dans ses responsabilités actuelles, ainsi que ses engagements par rapport au poste auquel elle postulait. Même s'il ne s'agit pas de l'activité principale du groupe Orange, je rappelle que son activité s'étend aux programmes et aux contenus et qu'il gère un bouquet de chaînes.
La date à laquelle le CSA s'est prononcé n'a en aucun cas été fixée avec la volonté de ménager un effet de surprise. Il est toutefois vrai que, en conformité avec les règles énoncées par la loi, nous avons souhaité ne pas provoquer d'afflux de curiosité publique le jour où nous nous prononcions. Si la loi avait prévu que nous devions délibérer sous l'oeil d'acteurs extérieurs, nous l'aurions évidemment respectée de façon tout aussi scrupuleuse.
Monsieur Kert, vous avez évoqué les nominations de deux membres du CSA au mois de janvier dernier. J'ai toujours dit qu'il était très important que ce renouvellement permette de doter le Conseil de compétences personnelles en matière numérique, économique, et technologique, d'autant qu'il perdait en la personne d'Emmanuel Gabla un éminent spécialiste de ces sujets. Je ne me suis caché de rien à cet égard. Le choix qui revenait aux présidents des assemblées a été soumis à la commission des affaires culturelles de la chambre concernée. S'agissant de Mme Nathalie Sonnac, je crois me souvenir que votre commission a donné, à l'unanimité, un avis favorable à sa nomination aux fonctions de membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Quant à l'idée selon laquelle le président du Sénat aurait pu concourir à je ne sais quelle démarche de caractère partisan en faisant son choix, je ne la partage absolument pas. J'ajoute que les deux imputations se contredisent en quelque sorte.
Plusieurs d'entre vous se sont étonnés que le collège n'ait pas retenu pour l'étape des auditions un certain nombre de personnalités dont la compétence était indéniable. Il faut à mon sens opérer une distinction. La présidente d'une grande société audiovisuelle, dont la nomination à son poste relèverait aujourd'hui du CSA – le collège avait rendu un avis sur la désignation de cette dernière en septembre 2012, procédure à laquelle ne s'appliquait pas la décision du 27 juillet 2000 du Conseil constitutionnel qui ne concerne que les procédures de nomination –, a annoncé avoir présenté sa candidature. Je peux donc en faire état. La considération selon laquelle le CSA devait avoir une vue d'ensemble de l'exercice des mandats qu'il a en quelque sorte confié lui-même pouvait naturellement venir à l'esprit des membres du collège. Je ne peux guère en dire plus car cela enfreindrait le secret des délibérations. Je tiens en revanche à vous assurer que cette question ne peut légitimement être posée que pour une entreprise dont le président est nommé par le CSA, et pour aucune autre.
J'espère que vous retiendrez de nos échanges que nous avons le souci permanent d'être digne, individuellement et collectivement, de la responsabilité éminente qui a été confiée à chacun d'entre nous dans les procédures de désignation comme dans toutes les missions qui sont les nôtres et qui ont été encore accrues par la loi du 15 novembre 2013. Nous sommes à la disposition de la représentation nationale pour concourir à une réflexion et à une évaluation. Nous ne considérons pas que ce qui a été expérimenté vaut précédent ; au contraire, nous sommes guidés par un esprit de responsabilité qui nous conduit à nous interroger sans cesse sur les procédures et la façon dont nous les appliquons. Il reste que nous nous sommes prononcés et que notre vote demeure ; nous avons fait des choix et nous les assumons.