Voici une déclaration qui me rassure. Quant au programme BATSIMAR, le Livre blanc est ainsi bâti, monsieur Vitel, et nous réglons notre attitude sur celle du marin, qui est habitué à faire au mieux avec ce qu'il a.
Pour voir le verre à moitié plein, disons que le recours à quatre B2M permet de combler un trou en remplaçant les bâtiments de transport amphibie légers (BATRAL). Mais d'un autre côté, le fort taux d'emploi accélère le vieillissement des P400 et des avisos A69 comme le Commandant Ducuing et Commandant Birot, engagés dans l'opération Frontex.
Il y a quelques mois, trois patrouilleurs de haute mer sur quatre étaient indisponibles à Brest pour cette raison. Oui, monsieur Dhuicq, cela pose question en matière de surveillance de la zone économique exclusive, au moment où d'autres puissances peuvent s'y intéresser du fait de la nouvelle répartition des forces. Toute la question est de savoir si l'on accepte ces trous capacitaires. Il faudra la traiter à l'occasion du prochain livre blanc.
Pour l'heure, ce sont des avisos A69 qui secourent ou interceptent, selon le point de vue où l'on se place, les migrants en Méditerranée. À l'avenir, ce seront les patrouilleurs BATSIMAR qui en seront chargés. En attendant, les équipages, par leur dévouement, font tenir le matériel de manière acceptable, mais son vieillissement fait de plus en plus peser la menace d'une rupture franche dans ce domaine.
Quant à l'opération Corymbe, il s'agit d'une opération essentielle, certes centrée sur la mer et non sur le coeur du sol africain. À l'origine, elle devait permettre de laisser en permanence un bâtiment disponible au cas où telles ou telles fluctuations politiques rendraient nécessaire l'évacuation de ressortissants – nous en comptons 70 000 dans la zone du golfe de Guinée. Force est de constater que les rebelles qui veulent prendre possession d'un pays ont aujourd'hui pour premier souci de prendre les aéroports, puis de fermer les frontières, comme on l'a vu au Yémen. Seule une évacuation par la mer reste possible.
De surcroît, le golfe de Guinée est devenu, au fil du temps, un espace où se concentrent les menaces en mer : piraterie, trafics d'hommes, d'armes, de drogue et de cigarettes, pêche illicite. L'opération Corymbe, initialement conçue comme une posture protectrice de nos ressortissants et de nos intérêts, a donc évolué vers une fonction préventive et de coopération avec les pays riverains de cette zone où nous avons à défendre des intérêts nationaux ou, devrais-je dire, européens, car nous sommes étrangement seuls dans cette région et nous avons parfois à y protéger les intérêts des autres. Je rappelle que le pétrolier Adour a été libéré grâce à notre intervention. La piraterie connaît en effet dans cette zone une recrudescence marquée par un niveau important de violence.
Heureusement, une forte prise de conscience des pays africains s'est exprimée au sommet de Yaoundé. Ils ont marqué la volonté que nous les soutenions. Les marins africains ont confiance en nous. Nous leur apportons beaucoup ; nous les formions auparavant sur place ou en France. Incluse dans Corymbe, l'opération Nemo de formation des marines africaines pourvoit désormais à leur formation. Le commandement de la zone maritime Atlantique (CECLANT) basé à Brest en est chargé. Avant chaque opération Corymbe, il se met en relation avec ses homologues africains pour monter comme un programme « universitaire » à la carte. Il s'agit d'une mission importante, notamment pour le Congo, comme vous l'avez vu Monsieur Rouillard, mais aussi pour la Côte-d'Ivoire, le Sénégal, le Togo et bien d'autres. Ne pas continuer à assurer cette mission serait une erreur. Certains pays européens, qui ont des intérêts dans la région, pourraient y être intéressés eux aussi. Avec le concours du ministère des Affaires étrangères, nous avons convié les chefs d'état-major des marines danoise, espagnole et portugaise fin juin au premier séminaire commun avec les chefs d'état-major des marines de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC).
Il faut être bien conscient de ce que, si la France ne poursuit pas sa politique d'influence dans le golfe de Guinée, d'autres puissances prendront sa place.
J'en viens au nombre des frégates et à la défense anti-aérienne. Aujourd'hui, dès que la marine fait mouvement, en particulier dès qu'elle se rapproche de la terre, elle est exposée à la menace aérienne et missiles. Notre métier nous amène à proximité des côtes, dans des passages resserrés, au large de la Syrie, du Yémen ou de la Libye, sous la menace de missiles qui peuvent venir tant de l'air que de la terre. Sans la défense anti-aérienne, vitale, nous sommes donc exposés à des risques.
Nous disposons finalement de quatre frégates de défense aérienne, ce qui constitue le minimum. Deux d'entre elles, Forbin et Chevalier Paul font partie des meilleurs bâtiments de ce type au monde ; elles appartiennent à la classe Horizon. Deux autres frégates, Jean Bart et Cassard, devront être remplacées en 2021-2022, car leurs missiles ne seront plus fabriqués à partir de cette date. Elles devraient être remplacées par deux FREMM à vocation de défense aérienne. Sur ce sujet comme sur d'autres, nous nous inscrivons dans le respect du Livre blanc.
Quant au Pacifique, le choix a été fait il y a quelques années d'y conserver des forces de sécurité en permanence, en l'occurrence des patrouilleurs de haute mer et des BATRAL, désormais remplacés par des B2M, tout en gardant la possibilité de participer à des projections de forces telles que l'opération Jeanne d'Arc actuellement en mer de Chine, à laquelle contribuent le Dixmude et l'Aconit. Mais nous ne nourrissons naturellement pas l'ambition de développer une flotte du Pacifique comme la marine américaine.
Nous sommes l'un des rares pays européens à montrer que nos intérêts sont protégés dans le Pacifique par une possible projection de forces. Des forces permanentes veillent dans le même temps à lutter contre le trafic de drogues, les pêches illégales ou à surveiller notre espace de souveraineté : n'a-t-on pas trouvé il y a deux ans des navires de prospection étrangers dans nos eaux dans le canal du Mozambique ?
Quant au décalage du programme FREMM, il est dû au retard provoqué par la cession de la frégate Normandie, qui a conduit à prolonger les anciennes frégates. Mais l'objectif de six nouvelles FREMM en 2019 sera respecté dans la loi de programmation. Les deux derniers nouveaux bâtiments remplaceront ensuite Jean Bart et Cassard à l'horizon 2021-2022.
Sur les frégates de taille intermédiaire (FTI), il convient de lever quelques confusions. Ce ne seront pas des remplaçantes des frégates légères, sinon ce ne serait pas des frégates de premier rang. Il s'agit bien d'une solution alternative, demandée par le Livre blanc qui a exigé la différenciation entre les FREMM et les frégates dites de taille intermédiaire, de la classe quatre mille tonnes, que nous avons l'ambition de doter de capacités de lutte anti-sous-marine, tels des sonars remorqués comme les VDS (Variable Depth Sonar). Je rappelle que les frégates légères n'ont actuellement pas de sonar, et seulement une aptitude limitée de défense courte portée contre la menace aérienne. Il n'est donc pas possible de les appeler des frégates de premier rang, malgré leurs qualités et malgré le travail formidable de leurs équipages. Les FTI ne pourvoient donc pas au remplacement des frégates de type La Fayette (FLF). Il s'agit plutôt de développer un nouveau type de bâtiment pour arriver au chiffre total de quinze frégates de premier rang tel qu'il est prévu par le Livre Blanc.
Sur les Barracuda, nous avons accepté qu'il y ait quelques mois de retard à la livraison, ce qui justifie qu'elle glisse de 2017 à 2018. Quant au Charles de Gaulle, il ne faut déplorer aucun mauvais procédé à son sujet. Des discussions confiantes et positives sont engagées avec les industriels et avec la Délégation générale à l'armement (DGA) pour savoir comment optimiser son emploi avant son arrêt technique majeur (ATM), mais aussi pour lisser le plan de charge des chantiers des bâtiments à propulsion nucléaire, au bénéfice des industriels eux-mêmes.