Intervention de Amiral Bernard Rogel

Réunion du 27 mai 2015 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine :

S'agissant des Barracuda, je ne nourris aucune inquiétude quant à leur arrivée prochaine, d'après mes échanges avec DCNS. Je souligne qu'un décalage de livraison de six mois ne constitue pas à proprement parler un retard pour un objet aussi complexe qu'un sous-marin nucléaire. Car, sur une échelle de complexité de un à quatre où une voiture occuperait le premier palier, un char de combat occuperait le deuxième, un avion de chasse le troisième et le sous-marin nucléaire le quatrième. Il s'agit probablement de l'objet le plus complexe qui puisse être conçu : il représente à la fois un navire sous-marin, une installation de lancement d'armes tactiques ou de fusées intercontinentales et une centrale nucléaire, le tout fonctionnant en espace confiné, comme une navette spatiale.

Les cinq cents hommes supplémentaires nécessaires pour couvrir les nouveaux besoins de surveillance des sites militaires seraient en effet couverts par des recrutements, dans l'esprit de l'opération Sentinelle. La charge était très lourde dès avant janvier 2015. Nous avons parallèlement engagé un plan de diversification de leurs tâches, pour qu'ils alternent entre des opérations de protection embarquée dans le golfe de Guinée ou en océan Indien et des surveillances de sites sensibles, tâche particulièrement ingrate. Les hommes effectuent soixante-dix heures par semaine, c'est beaucoup… Or nous devons désormais répondre à une augmentation de la menace. Quand la tendance était à l'externalisation, des vigiles non armés ont été recrutés pour surveiller l'entrée des ports ; mais, s'ils peuvent assurer le service courant, ils doivent aussi à leur tour être protégés.

Il convient également de garantir une capacité d'intervention et de ne pas se concentrer de manière exclusive sur la menace d'aujourd'hui au détriment de la menace de demain. À Bombay, en 2008, les auteurs des attentats sont venus par la mer. En 2001, l'attaque à New York était aérienne. Il ne faut donc oublier aucun type de menace, au risque de laisser sinon un trou dans notre cuirasse. Les besoins sont donc réellement nouveaux, madame Gosselin-Fleury.

L'opération EUNAVFOR en Méditerranée est en cours de montage. Le président de la République a décidé que la France y participerait et l'état-major réfléchit aux modalités. Les déploiements actuels de navires français se déroulent sous l'égide de Frontex. Le Commandant Birot a sauvé plus de cinq cents personnes dans ce cadre. Le Commandant Ducuing vient de le relever. La frontière est du reste ténue entre le sauvetage de malheureux et la lutte contre l'immigration illégale.

Nous avons non seulement le devoir, mais aussi l'obligation légale, de porter secours aux naufragés. Mais comment peut-on gérer cette situation sans créer un afflux de migrants assurés d'être sauvés comme naufragés s'ils aperçoivent un bâtiment militaire ? Tout ne dépend pas de l'état-major. Si l'on veut être efficace, l'action doit porter sur les passeurs et sur les réseaux financiers sur lesquels ils s'appuient. L'opération qui s'annonce devra être une opération de type Atalanta, ne se bornant pas à du sauvetage, mais apportant une réponse globale.

S'agissant d'achat de pétrole auprès de Daech, je n'ai pas d'autre information à ce sujet que celle que j'ai pu tirer de la lecture des journaux, tout comme vous.

Quant aux missions de souveraineté, nous les assurons avec les bateaux disponibles. De même que, sur les routes, les radars mobiles pallient l'impossibilité d'une couverture universelle par des radars fixes, nos missions de présence deviennent en quelque sorte mobiles elles aussi et nos patrouilles se déroulent désormais tous les deux ans dans certaines zones.

Monsieur Folliot, les missiles sont en effet concentrés sur les frégates qui se portent sur les zones de crise et sur les zones de guerre, par économie de munitions. Le programme BATSIMAR permettra des patrouilles en haute mer, non une surveillance portuaire ou littorale ; des moyens aériens y seront obligatoirement adjoints : ils sont aujourd'hui devenus essentiels dans toutes les missions de l'action de l'État en mer, de la lutte contre le trafic de drogue à la surveillance des pêches. Aussi suis-je persuadé qu'il faudra en effet des hélicoptères ou des drones aériens associés au programme BATSIMAR. Des recherches sont actuellement en cours sur ces derniers, un drone ayant été expérimenté sur L'Adroit.

Certes, un drone ne permettra pas d'arrêter un go-fast de trafiquants de drogue, parfois très rapide. Il y a donc un équilibre à trouver entre hélicoptères légers et drones et il faudra garder le choix du moyen aérien qui équipera chaque BATSIMAR à son appareillage selon la mission qui lui aura été confiée.

Quant à l'équipement en gilets pare-balles, toutes nos équipes d'intervention en sont pourvues à ma connaissance. Ces moyens de protection individuelle sont indispensables, car les interventions sont parfois très brutales, telles les dernières opérations en Guyane contre la pêche illégale. Si des déficits ponctuels me sont signalés, j'y ferai remédier au plus vite.

Le MCO des Alouette III, des Dauphin et des Panther coûte environ cinquante millions d'euros par an. La disponibilité des Panther s'établit à un bon niveau, mais celle des Alouette III et des Lynx est moins élevée, car il s'agit d'aéronefs nettement plus anciens.

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