Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 3 juin 2015 à 21h30
Débat sur les négociations internationales sur le climat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très heureuse de participer à ce débat sur les négociations internationales relatives au changement climatique, à six mois de la Conférence de Paris sur le climat, et au moment où les négociateurs des 196 parties prenantes sont réunis à Bonn pour la préparer. Limiter le réchauffement climatique à une augmentation de deux degrés à l’horizon 2100, voilà l’enjeu majeur pour notre pays, pour l’Europe et pour l’avenir économique, social et environnemental de toute la planète. Gouvernement, collectivités, associations, entreprises et citoyens, l’action est nécessaire à tous les échelons, la France l’a bien compris. Sous l’impulsion de son président, l’Assemblée prend toute sa place dans ces efforts, comme nous en avons ce soir la démonstration.

La commission des affaires européennes, que j’ai l’honneur de présider, est très active en la matière, ainsi qu’en témoigne le rapport d’information de nos collègues Bernard Deflesselles, Jérôme Lambert et Arnaud Leroy. Le dernier rapport du GIEC est implacable. D’une part, les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent des niveaux record, d’autre part les épisodes climatiques extrêmes se multiplient et accentuent la vulnérabilité de nombreux écosystèmes, en particulier dans les pays les plus pauvres, avec le risque de millions de réfugiés climatiques – même si vous le savez comme moi, je me permets de vous signaler que les réfugiés climatiques sont déjà plus nombreux que ceux liés aux conflits.

La Conférence de Lima a souligné l’urgence d’agir. L’horizon peut s’éclaircir, et nous l’espérons encore à tout moment, car tout est mis en oeuvre pour réussir. Ce défi, c’est aussi un espoir et un formidable potentiel d’innovations, d’emplois et d’initiatives pour développer une économie décarbonée. Sans elle, nous ne gagnerons pas cette bataille. Tous les secteurs – énergie, transport, habitat ou agriculture – doivent engager leur transition vers la sobriété et l’efficacité énergétiques. C’est le rôle des politiques de les y encourager, et cette volonté doit être suffisamment présente et forte.

Avec la loi sur la transition énergétique, la France montre sa volonté d’agir. Mais cela sera-t-il suffisant et assez rapide ? Saurons-nous tourner le dos au miroir aux alouettes que représente le nucléaire et développer enfin suffisamment les énergies renouvelables en France ? Nos banques arrêteront-elles de financer le secteur du charbon et des autres énergies fossiles ? Nos multinationales du secteur extractif et certains États où elles agissent deviendront-ils exemplaires, tant sur le plan humain que sur le plan environnemental ? L’heure de vérité se rapproche.

Au niveau européen, l’Union, hier très en pointe, semble s’être essoufflée. Le second paquet énergie-climat inspire des sentiments mitigés – j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici – et le bilan fait à Riga ces jours-ci montre que notre volonté politique n’est pas forcément partagée au sein de toute l’Union européenne. Pour donner un nouveau souffle à ces ambitions, la construction de l’Union de l’énergie est cruciale, comme l’a été, en son temps, la Communauté du charbon et de l’acier. Des outils fiscaux communs efficaces s’imposent, qu’il s’agisse d’une taxe carbone européenne ou de la taxe sur les transactions financières qui ressemble plus à l’Arlésienne qu’à autre chose, alors que les pays en développement l’attendent depuis si longtemps. La conférence d’Addis-Abeba, sur le financement du développement, ne peut être utile et efficace que si les pays du sud sont rassurés sur la solidarité, y compris financière, des pays du nord.

Cette réalité est incontournable : les pays les plus pauvres et les plus vulnérables ont besoin d’aide et de transitions technologiques pour s’adapter au changement climatique. L’Europe et la France ont là des responsabilités historiques à assumer. Tenir nos promesses sans tergiverser constituerait un formidable message d’espoir. Des engagements concrets des pays riches, lors de la conférence sur le développement, permettront que la bataille de Paris puisse être gagnée. Si la bataille d’Addis-Abeba est perdue, celle de Paris sera mal engagée.

Soyons lucides, car il y a d’autres obstacles sur le chemin d’un accord ambitieux. Je ne reviens pas sur les climato-sceptiques, qui ont été relativement déboutés, me semble-t-il. Les producteurs d’énergies fossiles ont tout intérêt à nier l’évidence. Aux États-Unis, en Russie et dans les pays du Golfe, la rentabilité à court terme l’emportera-t-elle ? Les grands émergents, comme le Brésil et l’Inde, voudront-ils freiner leur croissance, alors que les transferts de technologies vertes de la part des pays développés se font attendre ? Certes, la Chine développe massivement ses renouvelables, mais ira-t-elle au-delà de son accord avec les États-Unis, s’il n’y a pas de signaux de notre part ? En Europe, ceux qui se battent pour maintenir le charbon ou pour nier les risques du nucléaire ne préféreront-ils pas continuer d’acheter une énergie qui vient d’ailleurs ?

En cette semaine européenne du développement durable, tous les pays de l’Union doivent se mobiliser sur ce sujet. C’est cette mobilisation, aussi bien citoyenne qu’étatique, et la détermination de tous pour réussir la COP 21 qui nous permettront de franchir une étape de cette construction ; les écologistes seront au rendez-vous, vous le savez bien.

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