Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 3 juin 2015 à 21h30
Débat sur les négociations internationales sur le climat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, pour prendre la mesure des enjeux des négociations internationales sur le climat dont la COP 21 à Paris en décembre constitue le point d’orgue, il existe un document de référence : le cinquième rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, rendu public en novembre dernier. Il comporte des éléments de confirmation et des données nouvelles. Quatre scénarios sont élaborés et le plus probable est le plus pessimiste, qui table sur une poursuite des émissions actuelles de gaz à effet de serre. Le précédent rapport proposait des projections pour le XXIe siècle. Le cinquième rapport intègre des prévisions décennales.

Pour aller vite, je relève quelques autres éléments nouveaux : la hausse du niveau des mers pourrait être plus importante que prévue ; des événements climatiques extrêmes plus intenses et plus fréquents pourraient survenir ; depuis trente ans, chaque décennie a été significativement plus chaude que la précédente. En bref, seul un scénario de réduction des émissions est en mesure de maintenir la hausse des températures sous le seuil des deux degrés, ce qui implique de réduire nos gaz à effet de serre de 10 % par décennie. Tel est l’enjeu majeur des négociations en cours et de la Conférence de Paris.

La convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été signée par 195 pays. Tous on intérêt à lutter contre le réchauffement climatique. Pour autant, trouver un accord et se fixer des engagements se révèle extrêmement compliqué. Les pays les plus développés ont apporté leur lot au dérèglement climatique. Entre 70 % et 80 % des émissions de gaz à effet de serre sont le fait d’une quinzaine d’États membres du G20. Les pays émergents, quant à eux, vivent souvent les exigences environnementales comme des contraintes et des freins à leur développement. Ils goûtent peu les leçons données par les pays développés, qui semblent leur dénier le droit à déployer leur potentiel de croissance selon le mode même qui a permis aux pays riches de le devenir. Il y a un bras de fer entre les grands émergents – la Chine et l’Inde –, l’Union européenne et les États-Unis.

L’envoyée spéciale des Nations unies pour le climat au sommet de Lima en 2014, Mary Robinson, déclarait : « Les gouvernements, au Pérou, ont fait le strict minimum pour garder le processus de négociations multimodal, mais ils n’ont pas fait assez pour convaincre que le monde est prêt à adopter un accord sur le climat ambitieux et équitable à Paris. » Pour prendre des engagements communs, il nous faudrait un monde de coopération. Or, nous sommes dans un monde de la compétition et de la concurrence. Pour gagner des parts de marché, il faut les arracher à d’autres. Pour vivre un peu mieux, il faut que d’autres vivent moins bien.

C’est un mode de production et de développement qui est en cause, fondé sur le dumping social, la main-d’oeuvre à moindre coût, le productivisme et une consommation énergivore. Les lois du marché envahissent toutes les activités humaines, ce qui est contradictoire avec les exigences en faveur du climat et rend complexe les accords internationaux nécessaires. La situation en ce qui concerne le financement de la lutte contre le réchauffement climatique est, de ce point de vue, éclairante.

En décembre 2009, les États réunis à Copenhague avaient décidé de créer le Fonds vert pour le climat destiné à aider les pays en développement à financer des projets de réduction des émissions de carbone et d’adaptation aux changements climatiques. L’objectif fixé était de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. La collecte des fonds a eu beaucoup de mal à décoller. Il a fallu que les pays en développement et les ONG haussent le ton pour que le mouvement s’amorce, mais nous n’avons pas encore atteint la capitalisation initiale prévue de 15 milliards de dollars. Vingt et un pays ont annoncé leur engagement pour un total de 9,3 milliards de dollars. Ce financement constitue pourtant un facteur essentiel de la réussite ou de l’échec du sommet de Paris en décembre.

Les États-Unis se sont engagés à verser 3 milliards de dollars, le Japon 1,5 milliard, le Royaume-Uni 1,1 milliard, l’Allemagne et la France 1 milliard chacune. Mais il y a de grands absents, à commencer par la Commission européenne, prétextant qu’elle n’est pas membre du conseil d’administration du Fonds, et des nations aussi importantes que la Chine, l’Inde, le Canada, l’Australie, l’Irlande et la Belgique. Les pays développés peinent donc à s’engager ; certains s’y refusent. Dans le même temps, les pays en développement subissent les effets du réchauffement climatique et leur mode de développement est celui avec lequel il faudrait rompre.

Il y aurait pourtant sur cette question un moyen d’enrayer les inégalités et d’amorcer un nouveau mode de production et de coopération. Il pourrait reposer notamment sur une taxe sur les transactions financières. Elle servirait à financer l’adaptation au changement climatique et l’aide à un développement respectueux de l’environnement. Cette simple mesure changerait l’état des relations internationales. Un autre dispositif permettrait d’aller dans le même sens, en fondant les relations commerciales et les échanges sur les conditions de production, en favorisant celles qui respectent les engagements en faveur du climat. L’Union européenne aurait un rôle à jouer en ce domaine.

Je souhaite que la COP 21 débouche sur des résultats concrets, mais nous voyons bien les raisons qui pourraient en limiter la possibilité. Tout est question de volonté politique…

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